En participant aux manifestations Idle No More, les jeunes autochtones estiment qu’ils ont tout à gagner. Michael Franklin, Karena Halkett, Dakota Hudson, Vandal Scott et Robert Loiselle expliquent.

 

La Liberté (Presse Manitoba)
Vandal Scott, Michael Franklin, Robert Loiselle et Dakota Hudson.

 

«Selon Statistique Canada, des quelque 150 000 Autochtones habitant le Manitoba, 50 % ont 25 ans ou moins, lance le coordonnateur du programme Youth Build du Centre d’apprentissage pour adultes Jobworks, Robert Loiselle. L’avenir appartient donc à cette nouvelle génération d’Autochtones qui, de plus en plus, a non seulement obtenu un diplôme du secondaire, mais se lance avec enthousiasme dans des programmes variés d’études postsecondaires. »

D’où l’engagement des jeunes Autochtones au sein du mouvement Idle No More, qui revendique un plus grand respect des Autochtones, ainsi qu’une plus grande place à la culture autochtone au sein de la mosaïque culturelle canadienne.

« Malgré le froid sibérien, je me suis rendu au palais législatif manitobain, le 16 janvier dernier, pour revendiquer mes droits autochtones, explique un diplômé du programme Youth Build, Michael Franklin. C’est aussi une question de bâtir sur nos acquis. J’ai eu l’opportunité de m’éduquer et d’obtenir mon diplôme secondaire chez Youth Build. Je suis maintenant un cours pour devenir charpentier, et je compte rentrer à Berens River pour aider ma communauté.

« Mais je suis un des chanceux, poursuit-il. Pour moi, Idle No More est une opportunité de s’afficher, et de rappeler aux Canadiens que si les Autochtones sont plus éduqués qu’auparavant, ce n’est pas pour se contenter du statut quo. Notre peuple envisage un meilleur avenir. »

Même son de cloche chez un résidant de Fairford et diplômé de Youth Build, Vandal Scott. « Aux manifestations d’Idle No More, j’étais tellement ému d’entendre battre les tambours et de voir danser les Autochtones, raconte-t-il. J’aimerais que les gens comprennent que nous ne sommes pas des fainéants. Nous voulons nous éduquer, faire partie intégrale de la société canadienne, et contribuer à son économie. C’est pour cela que je poursuis maintenant un cours de menuisier. »

« Pour moi, Idle No More, c’est plus qu’une série de manifes­tations où l’on revendique des droits, ce qui peut sembler plutôt abstrait, ajoute Dakota Hudson, qui a entamé le programme Youth Build en septembre. C’est une lutte pour des résultats pratiques. Ma sœur âgée de dix ans est la seule jeune de Berens River à fréquenter l’école. Elle y tient tellement qu’elle a enjôlé de la parenté à Bloodvein de l’inscrire dans l’école de cette commu­nauté. Les commu­­nautés autochtones doivent faire comprendre aux Canadiens les conditions dans lesquelles nous vivons, et les raisons pour lesquelles nous voulons une vie meilleure. »

Selon une jeune de la réserve crie d’Opaskwayak, Karena Halkett, Idle No More est une affirmation d’un désir de voir les Autochtones continuer de progresser. « Aux manifestations, j’ai vu beaucoup de jeunes comme moi qui veulent que la jeunesse autochtone réussisse dans la vie et s’affirme davantage, sans être victime des stéréotypes ou, pire encore, du racisme, soutient-elle. J’ai rencontré plusieurs personnes détenant des diplômes universitaires et des maîtrises. C’est inspirant.

« En fait, j’aimerais étudier les droits autochtones et obtenir une maîtrise dans ce domaine, poursuit-elle. Nous croyons aux droits issus des traités et nous voulons qu’ils soient respectés davantage. Dans le Nord manitobain, à bien des endroits, l’environnement se détériore. Cela affecte la pêche et la chasse qui sont encore des moyens de subsistance important chez les Autochtones. »

Pour sa part, Robert Loiselle estime qu’Idle No More est un jalon important dans la « révolution tranquille » des Autochtones. « Tout comme les Canadiens-Français, qui se sont affirmés et qui ont revendiqué durant les années 1960 et 1970, les Autochtones veulent leurs droits et veulent occuper une meilleure place dans la société canadienne. J’espère que les manifestations actuelles porteront leurs fruits, car j’ai pu constater moi-même l’importance et l’impact de l’éducation pour la jeunesse autochtone. Il y a 13 ans, lorsque Jobworks a ouvert ses portes sur la rue Ellice, à Winnipeg, le quartier était en déroute. Les maisons étaient placardées, il y avait beaucoup de gangs et le taux de criminalité était très élevé. La présence de Jobworks a contribué à renverser ces tendances et à restaurer le quartier.

« Une éducation qui respecte et qui accorde une place à la culture autochtone dans la salle de classe a fait toute la différence, poursuit-il. En 2003, nos premiers diplômés étaient à l’avant-garde, en étant les seuls membres de leurs familles à obtenir une éducation de niveau secondaire. Aujourd’hui, la moitié des familles ont des membres qui poursuivent des études postsecondaires, et les deux tiers de nos finissants font partie de ce groupe. »

On ne s’étonnera donc pas que Robert Loiselle ait reçu, le 19 décembre dernier, la Médaille du Jubilé de Diamant de la Reine Elizabeth II, pour le travail qu’il a accompli chez Jobworks. « J’étais honoré, bien sûr, mais j’apprécie surtout la valeur symbolique du geste, déclare-t-il. J’estime qu’on a surtout honoré les efforts de nos élèves. »

Par Daniel BAHUAUD