Par Sophie GAULIN
Dans une entrevue exclusive accordée à La Liberté, le détenteur de la cloche rompt 22 ans de silence. Perçu comme un voleur en 1991 à l’époque des faits, il est aujourd’hui considéré comme un héros.
La saga de la cloche de Batoche a franchi une nouvelle étape le jeudi 20 juin dernier alors que le détenteur de Marie Antoinette a accepté de répondre aux questions de La Liberté sous couvert d’anonymat. Si l’histoire remonte à 22 ans, et que les récits des co-auteurs de l’acte qui a permis de retrouver la cloche peuvent varier, le parcours de Marie Antoinette et son importance dans la vie de celui qui l’a gardée durant ces années sont émouvants.
Affranchi de tout sentiment de culpabilité pour avoir récupéré le trophée de guerre initialement volé aux Métis par les miliciens de Millbrook en 1885, lors de la Résistance du Nord-Ouest, le détenteur de la cloche avoue qu’« avoir dû garder la cloche durant toutes ces années était tout de même un fardeau » auquel il ne s’attendait pas.
« Quand j’ai réussi à savoir où la cloche était, j’ai commencé à parler d’aller la récupérer avec des amis, commence à raconter son détenteur. On en parlait surtout quand on avait bu quelques coups de trop! Mais une nuit, on a décidé de passer à l’action.
« Quand je suis arrivé aux locaux de la Légion de Milbrook, j’ai presque fait demi-tour parce que je ne savais pas ce que j’allais faire de la cloche après, poursuit-il.
« D’ailleurs, quand je suis arrivé avec chez moi, je l’ai mise dans le four de la cuisine pendant une semaine et mon fils prenait nos invités par la main et leur demandait s’ils voulaient voir la cloche, révèle-t-il. C’est alors que ma femme Rose [ndlr : nom donné pour garder l’anonymat du détenteur] a décidé qu’on devait l’amener à Baie-Saint-Paul. »
À qui la céder?
De nombreuses rumeurs courent sur le fait que le détenteur ait voulu de l’argent en échange de la cloche de Batoche. Pourtant, aujourd’hui, il convient d’en céder la garde à l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba (UNMSJM) sans rétribution.
« Il y a longtemps, j’avais pensé la léguer au Ralliement national des Métis, confie-t-il. Mais il y avait tellement de factions qui se chamaillaient dans cet organisme que j’ai changé d’avis. Entre-temps, la cloche continuait d’être un fardeau. J’avais même envisagé la jeter dans un lac.
« C’est alors que j’ai eu la chance de rencontrer l’adjudant de l’UNMSJM, Paul Desrosiers, poursuit-il. Je dirais même que notre rencontre était providentielle. »
« C’est l’écrivain et chercheur en histoire, Bernard Bocquel, qui m’a convaincu que si quelqu’un était capable de sortir la cloche, c’était bien moi, dit Paul Desrosiers. Il m’a appelé plus d’une fois à ce propos. »
« Quand j’ai rencontré Paul Desrosiers, il m’a dit : «Si tu veux de l’argent pour cette cloche, tu es un voleur, mais si tu la rends au peuple Métis sans rétribution, tu es un héros» », se souvient le détenteur.
J’ai commencé alors à faire des recherches sur l’UNMSJM et comme j’ai vu que cet organisme était apolitique et surtout le plus ancien regroupement Métis légitime, j’ai décidé de leur donner à eux. »
Et la MMF dans tout ça?
Dans de nombreuses entrevues médiatiques, le président de la Fédération des Métis du Manitoba (MMF), David Chartrand, semble ne pas voir l’acte du détenteur anonyme comme héroïque.
Pourtant « j’éprouve de la pitié pour David Chartrand, lance le détenteur de la cloche. Je lui avais donné plusieurs fois la chance de démontrer son leadership. Mais au lieu de cela, il a préféré me piétiner ».
Acte héroïque ou visionnaire, le fait est que la cloche devrait regagner ses pénates le 20 juillet prochain après une errance de 22 ans et devenir ainsi le symbole d’un peuple qui, avec sa cloche, a retrouvé sa fierté.
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