Par Daniel BAHUAUD

« Mon peuple dormira pendant cent ans. Lorsqu’il s’éveillera, ce seront les artistes qui lui rendront son âme », a déclaré Louis Riel. Zachary Richard et Ted Longbottom réalisent ce rêve en célébrant, en musique, la cloche de Batoche.

Zachary Richard - LA LIBERTÉ
Zachary Richard en studio, le 18 juillet dernier, enregistrant la chanson La Cloche de Batoche.

 

C’est ainsi que s’exprime le célèbre auteur-compositeur-interprète acadien, Zachary Richard, dans le refrain de La cloche de Batoche, chanson qu’il offrira bientôt aux Métis et à toutes les personnes qui leur sont solidaires.

« Je suis un passionné d’histoire, lance-t-il d’entrée de jeu. L’histoire des Métis et de Louis Riel m’a toujours inspiré. Elle me rejoint et me parle. Il était d’ailleurs facile pour ce francophone et Acadien que je suis de m’identifier aux luttes, à la résilience et à la fierté du peuple métis. »

Pas étonnant qu’en 2009, lorsque le chansonnier d’origine innu, Florent Vollant, lui a sollicité une chanson en français pour son plus récent album, Eku Mamu, Zachary Richard était « tout de suite intrigué par la possibilité de m’exprimer sur un symbole puissant, la cloche de Batoche ».

« Florent Vollant est un très proche ami, explique-t-il. Il voulait que je contribue quelque chose sur son album. Il aimait la chanson, mais était mal à l’aise de la chanter, puisqu’il chante rarement en français. Il préfère sa langue autochtone. Il a décidé de ne pas l’utiliser.

« J’ai mis la chanson dans un tiroir pendant quelque temps, poursuit-il. Mais avec le retour de la cloche et son dévoilement à Batoche, les astres étaient enfin alignés. J’ai rouvert le tiroir. »

De fait, Zachary Richard a fait plus qu’ouvrir le tiroir. Il a décidé d’enregistrer La cloche de Batoche et de l’offrir gratuitement, en téléchargement, au public.

« Tous les musiciens en studio avaient un supplément d’énergie, indique-t-il. Personne n’est resté indifférent à cette histoire touchante qu’est l’histoire de la cloche et de son retour. »

La chanson écrite et interprétée par l’artiste louisianais est téléchargeable gratuitement sur cette page du 1er au 15 août 2013.

 

La Cloche de Batoche en écoute :

La cloche de Batoche par Zachary Richard.
La cloche de Batoche par Zachary Richard.

“Le tonnerre grogne pour appeler ses enfants
N’oublions pas, mes frères, qui nous sommes
Le feu va brûler partout sur la prairie,
La cloche de Batoche va sonner cette nuit.”

La Cloche de Batoche en Mitchif

La cloche di Batoche

“Si mwai l’enfant, l’enfant dju tonnerre
Ni dans la fissure ente l’ciel pi la terre
Si mwai li boss, parsonne y’m djit qwai faire
Jy chasse, jy guide au rythme dis saisons.”

Paroles et musique : Zachary Richard
Les Editions du Marais Bouleur
Traduction Michif : Jules Chartrand

The Bell of Batoche

Zachary Richard n’est pas le seul chansonnier à s’être inspiré de l’histoire de la cloche de Batoche, comme l’attestent Rayne DeLaronde et Ted Longbottom. « En 2003, j’ai composé This Man they call Riel, chanson qu’on m’a invitée à exécuter lors du dévoilement de la cloche, le 20 juillet dernier, parce qu’elle mentionne la cloche, qui sonne après 100 ans de silence, explique la native de Duck Lake, au Manitoba, Rayne DeLaronde. Riel a déclaré que les artistes redonneraient l’âme aux Métis un siècle après sa mort. C’est cette prophétie qui m’a grandement inspirée.

« De plus, je voulais corriger certaines perceptions sur les Métis, poursuit la résidante de Selkirk. Notre histoire orale a conservé les faits de la résistance de 1885. Jeune, ça me narguait de savoir que ce qui était enseigné à l’école sur les Riel et les Métis ne cadrait pas à la réalité. »

En 2001, Ted Longbottom a composé The Bell of Batoche, chanson qu’il a endisquée sur sur deuxième album, River Road. « Un soir, je lisais un article sur le vol de la cloche, raconte le Manitobain de Scanterbury. Cette nuit là, j’ai rêvé de la cloche, et les premières paroles me sont venues. The Bell of Batoche est donc sortie de mes trippes métisses. »

Par la suite, Ted Longbottom a peaufiné la chanson avec son oncle, Greg Pruden, pour ensuite l’inclure dans leur drame musical, Blood Red Train, qui raconte l’histoire du peuple métis de ses débuts jusqu’à la défaite à Batoche.

« Quand je pense qu’un objet comme la cloche ait été enlevé comme trophée de guerre, c’est encore choquant, indique Ted Longbottom. C’est la cloche qui appelle une communauté à s’unir pour tous les grands jalons de la vie des gens. C’est même le son de l’appel à l’urgence, comme lors d’un incendie.

« La cloche ce Batoche est donc un puissant symbole, conclut-il. Son passé, et dorénavant son avenir ont une résonance affective et culturelle indéniables. »