Par Thibault JOURDAN | TW : @OropherDorthoni

Sur la route 244, lorsqu’on roule en direction du sud, le haut de ce qui semble être un édifice religieux surgit soudain au détour d’une colline, au milieu d’un bosquet d’arbre, peu après avoir dépassé Notre-Dame de Lourdes. Quelques mètres plus loin, un chemin de terre se détache sur la droite. Il est l’un des rares accès au village de Cardinal.

Sara Dupuis
Sara Dupuis est chargée d’entretenir la chapelle Sainte-Thérèse de Cardinal et d’accueillir les visiteurs.

La petite communauté, qui ne compte qu’une vingtaine de résidents, n’a ni commerce ni école. Seule la chapelle Sainte-Thérèse se dresse fièrement au milieu des maisons, rappelant que Cardinal a été un village bien plus vivant autrefois.

C’est pourtant ici qu’une jeune fille a décidé de passer son été. Lorsque les visiteurs poussent la porte de la chapelle, le visage rayonnant d’une adolescente brune aux cheveux longs les accueille. Sara Dupuis travaille dans la chapelle depuis juin et jusqu’à fin août, « du mercredi au dimanche, de 11 h à 19 h », détaille-t-elle. Âgée de 16 ans, la francophone prend soin de la vieille bâtisse religieuse construite il y a plus de 80 ans.

« Je nettoie le sol, lave les bancs et les murs, accueille les visiteurs et leur offre une visite guidée s’ils le souhaitent », explique la jeune fille originaire de Notre-Dame de Lourdes. Environ 500 touristes visitent l’édifice chaque année. « J’ai vu des Québécois, des Manitobains, des Français, des Hollandais, des Américains, énumère-t-elle. Je peux aussi offrir une tournée en anglais. »

| Passionnée d’histoire

En l’espace de seulement quelques semaines, Sara Dupuis est devenue une experte du passé de Cardinal et de sa chapelle. L’adolescente, qui va à la messe tous les dimanches, avait déjà une certaine culture religieuse. « Je ne connaissais pourtant rien de Cardinal, avoue-t-elle avec un sourire un peu gêné. Mais j’ai toujours été intéressée par l’histoire et je voulais apprendre celle-ci. »

Entre deux coups de balais, elle raconte aux touristes l’origine particulière de l’édifice religieux. « En 1927, les gens ont voulu avoir leur propre église, ils ont donc construit la chapelle Sainte-Thérèse, commence-t-elle. Le clergé de Notre-Dame de Lourdes, village où les gens de Cardinal allaient à la messe, n’était pas d’accord. »

À partir de là, une lutte s’est engagée entre les villageois de la petite communauté et les religieux. Ces derniers se sont opposés au projet et ont surnommé la chapelle de Cardinal la chapelle du Diable. « Ils ont même écrit des lettres au pape pour bloquer l’initiative! », souligne Sara Dupuis. Au final, il faudra attendre 1935 pour que la première messe puisse être célébrée dans la chapelle Sainte-Thérèse. « Plus de 250 personnes y ont assisté », affirme l’adolescente.

| Sonner la cloche

Il est midi, le soleil est haut. À l’intérieur du petit édifice religieux, l’air est frais et humide. C’est l’heure pour la jeune adolescente d’aller sonner la cloche et de briser le silence dans lequel Cardinal semble endormi. Elle s’empare de la corde qui pend du clocher avec ses petites mains frêles et tire énergiquement dessus. « Je sonne midi et six heures, mais je dois faire attention à ne pas tirer trop fort pour ne pas que la cloche se retourne », sourit-elle.

Le reste du temps s’écoule paisiblement dans la chapelle Sainte-Thérèse. Quand elle ne fait ni le ménage ni l’accueil des touristes, l’écolière inscrite en 12e année à Notre-Dame de Lourdes déambule entre les costumes religieux et les vieilles photographies. La chapelle, abandonnée en 1960, a été restaurée et transformée en musée en 1991.

Elle dispose aussi d’un bureau, dans un coin pas très loin de l’entrée, auquel elle s’assoit parfois. Elle se plonge alors dans les archives et passe du temps à faire des recherches. « Je n’ai pas encore tout retenu de l’histoire du lieu et je veux en savoir toujours plus », lance-t-elle.

Rester seule pendant de longues heures dans une chapelle n’est-il pas un peu monotone pour une adolescente? Sara Dupuis affirme qu’elle ne « s’ennuie pas facilement ». Elle emporte toujours avec elle un livre pour les périodes un peu trop calmes. « Je lis beaucoup de romans d’aventure ainsi que des ouvrages documentaires. » Et, même si les jours de pluie l’ambiance à l’intérieur de la chapelle est « sombre et un peu étrange », elle ne changerait pas pour autant d’emploi.

« J’aime ce que je fais. Je considère ce travail comme important. Ceux qui ont construit la chapelle ont fait un beau travail », conclut-elle.