André Clément, le propriétaire du Café Postal rêve d’une vision progressiste d’un boulevard Provencher ouvert aux piétons et où les camions ne passeraient plus. La Ville de Winnipeg entame d’ailleurs une étude à ce sujet après que son comité éxecutif a accepté une première motion le 18 septembre dernier. La proposition avait été déposée le 17 juillet dernier par le conseiller de Saint-Boniface et président du comité des infrastructures et des travaux publics, Dan Vandal. Il rêve lui aussi d’un boulevard Provencher plus favorable aux piétons.

André Clément
André Clément : « Dans une vision progressiste d’un boulevard Provencher ouvert aux piétons et aux touristes, les camions n’y figurent pas. »

Alors que la Ville de Winnipeg entame une étude sur la présence des camions lourds sur le boulevard Provencher, les commerçants et les camionneurs expriment des opinions fortes en faveur – et contre – une vision plus favorable aux piétons.

Le comité exécutif de la Ville de Winnipeg a accepté, le 18 septembre dernier, une motion qui, si approuvée, interdira la circulation des camions lourds sur le boulevard Provencher.

La proposition, d’abord déposée le 17 juillet dernier auprès du conseil municipal de la Ville par le conseiller de Saint-Boniface, Daniel Vandal, a également été examinée par le comité des infrastructures et des travaux publics de Winnipeg, dont Daniel Vandal est le président.

« À présent, nous avons renvoyé la question aux fonctionnaires, qui effectueront une analyse de la circulation sur le boulevard Provencher ainsi que des routes alternatives pour les camions lourds, déclare Daniel Vandal. Ils nous diront si l’élimination du boulevard Provencher en tant que route de camionnage est faisable ou pas. »

Le conseil municipal prévoit également approuver la proposition lors de sa prochaine rencontre, qui a lieu le 25 septembre.

| Les commerçants en faveur

Pour leur part, les quelque 100 commerçants membres de la Zone d’amélioration commerciale (ZAC) du boulevard Provencher se disent en faveur de la proposition.

« Nous préconisons l’évolution du boulevard Provencher vers une destination touristique favorable aux piétons, notamment ceux venant de La Fourche qui traversent l’Esplanade Riel, explique le président de la ZAC de Provencher, Oai Truong. Même ceux parmi nous qui n’ont pas de commerce de détail. Personne n’aime le bruit et la poussière soulevée par les camions. Et chaque fois qu’un camion lourd passe devant mon entreprise, Bounce Design, tout l’édifice se met à vibrer. »

La propriétaire du Chocolatier Constance Popp est du même avis. « Les camions font énormément de bruit, déclare Constance Popp. Et lorsqu’ils dévalent la rue Saint-Joseph pour emprunter la Provencher, j’ai l’impression qu’ils vont foncer droit dans notre édifice. Est-ce tout simplement une perception, ou une réalité possible? Je l’ignore. Chose certaine, les piétons qui circulent prennent note de leur vitesse. Et si nous voulons attirer plus de touristes et de résidants, voulons-nous vraiment des camions lourds qui dévalent le boulevard? »

Le copropriétaire du Café Postal, André Clément, voit la situation du même œil. « Les camions lourds ont un impact concret sur notre commerce, affirme-t-il. Nous avons quelques tables installées sur le trottoir, et nos clients apprécient siroter un café en contemplant l’ancien hôtel de ville de Saint-Boniface. Les camions nuisent à cette expérience. L’ambiance devient désagréable, et c’est vraiment dommage. Le boulevard Provencher est l’une des artères les plus jolies de Winnipeg. »

Le directeur général de l’organisme caritatif, le Centre Flavie-Laurent, Gilbert Vielfaure, estime pour sa part que l’élimination des camions lourds sur le boulevard Provencher serait « chose positive ». « D’une part, nous utilisons des camions à un essieu moteur, alors nos camions de ramassage pour items usagés ne figurent pas sur la liste des camions lourds, précise-t-il. D’autre part, nous estimons que le boulevard serait moins dangereux sans leur présence. Il y a 40 ans, un corridor pour piétons existait à l’angle de la rue Laflèche et du boulevard. Cela n’a pas pour autant empêché un camion de ciment d’écraser un adolescent.

« En fait, nous avons demandé à la Ville, sans succès, de restaurer ce corridor, pour permettre à nos clients, qui sont souvent accompagnés de jeunes enfants, de traverser le boulevard en sécurité, poursuit-il. Ils débarquent de l’autobus public de l’autre côté du boulevard et ils n’ont aucun moyen facile et sécuritaire de traverser l’artère. »

D’où, selon Daniel Vandal, la nécessité de créer « une nouvelle vision » pour le boulevard Provencher, et ailleurs. « Le temps est venu de créer une ambiance favorable aux piétons, sans bruit et sans poussière, affirme-t-il. Et non seulement sur le boulevard Provencher, mais à l’angle de la rue Main et de l’avenue Portage, ainsi que devant le Musée canadien des droits de la personne. La place aux camions sur ces voies devrait être repensée. »

| Et les camionneurs?

Le directeur général de l’Association des camionneurs du Manitoba (MTA), Terry Shaw, se dit « fort déçu » par la tournure des évènements à la Ville de Winnipeg.

« Nous n’y voyons aucune solution viable que de laisser passer les camions sur Provencher, soutient-il. Par quelle autre route directe, efficace et sécuritaire passerions-nous? Les rues Marion et Goulet ont un virage dangereux là où la Marion se divise en deux voies à sens unique. Et leurs commerçants sont tout aussi nombreux, sinon plus, que ceux du boulevard Provencher.

« La difficulté, c’est que Winnipeg est la seule grande ville nord-américaine à ne pas avoir une autoroute traversant son centre-ville, poursuit-il. Le boulevard Provencher est un symptôme d’un plus grand problème; celui d’un manque d’une vision générale et cohérente sur le transport. Entre-temps, Daniel Vandal refuse de nous rencontrer pour discuter davantage la question. »

« C’est certain qu’il faut construire plus de routes de camionnage alternatives faisant le tour de la ville, ajoute à son tour Daniel Vandal. Et à Saint-Boniface, il faut effectuer la réfection des rues Marion et Goulet. Quant à la MTA, j’aimerais les rencontrer, mais pas sans des données concrètes en main. Par ailleurs, les fonctionnaires qui feront l’analyse de la situation rencontreront la MTA lors de leurs consultations. Les camionneurs auront leur droit de parole. »

L’analyse des experts de la Ville est censée être terminée et déposée auprès du comité d’infrastructures et des travaux publics avant Noël.

 

Par Daniel Bahuaud