Une chorale bilingue est en train de voir le jour à l’Université de Saint-Boniface, à l’initiative d’une élève issue d’une école d’immersion. Cela dit, le projet n’est pas sans susciter la controverse.

 Chloé Carpenter
Issue d’une école d’immersion et passionnée de chant, Chloé Carpenter est à l’origine de la création d’une chorale bilingue à l’USB.

Chloé Carpenter est passionnée de chant. La jeune femme de 24 ans est étudiante en éducation à l’Université de Saint-Boniface (USB). Quelques jours avant la rentrée, elle n’imaginait pas pouvoir passer une année sans chanter, d’où son idée de créer une chorale à l’université.

« Au départ, je ne pensais pas faire une chorale bilingue », précise-t-elle. Lors de ses recherches pour trouver un chef de chœur, elle s’est naturellement tournée vers Elroy Friesen, qui dirige la chorale de l’Université du Manitoba, qu’elle connaît bien et qui est un véritable modèle pour elle. « Il m’a alors conseillée Stuart Sladden. Il a suivi des cours de chef de chœur avec Elroy et lorsque je l’ai contacté pour savoir si ça l’intéressait de diriger une chorale en français, il a trouvé cela incroyable! », explique Chloé Carpenter. Problème : Stuart Sladden est unilingue anglophone. Un accord a donc été conclu entre elle et lui : il accepte de diriger la chorale de l’USB à condition que les francophones l’aident à apprendre le français.

Cela faisait au moins six ans qu’il n’y avait plus de chorale à l’Université de Saint-Boniface. Lorsque la jeune femme a proposé son projet au Service d’animation culturelle de l’université, Yan Dallaire, son responsable, a approuvé l’idée sans hésiter. « Les projets qui viennent des étudiants sont les meilleurs du monde, lance-t-il. Elle nous a tout apporté sur un plateau d’argent et je n’ai aucune inquiétude quant au fait que le chef de chœur soit unilingue anglophone au départ. »

| Débat sur Facebook

Néanmoins, ce projet de chorale bilingue ne laisse pas la communauté francophone indifférente. Sur le groupe Facebook Saint-Boniface Parle-moi, un débat est né suite à l’annonce de la création de la chorale. « Je trouve cela étrange d’avoir une chorale bilingue dans une université francophone, affirme Christian Beaudry. Si la chorale est en anglais, pourquoi pas les autres cours? Pour moi, c’est pareil! »

L’homme, qui a terminé ses études en 1995, travaille aujourd’hui à l’entretien du cimetière de Saint-Boniface, et au Cercle Molière pendant l’hiver. Il reconnaît qu’il y a un « écart entre les jeunes d’aujourd’hui qui sont en faveur de la chorale bilingue et moi ». « Je suis pour la chorale, je leur souhaite beaucoup de chance pour l’avenir et je suis sûr que le chef d’orchestre est très bon, nuance-t-il. Si ce dernier était bilingue, ça m’irait. Or il semble unilingue anglophone et mon expérience c’est que quand il y a un anglophone dans la salle, tout le monde parle anglais. »

« Le produit final sera des chansons en français, rassure Yan Dallaire. Seule la direction sera en anglais. Il y a des gens unilingues qui veulent travailler avec nous, on ne va pas s’en priver! »

| Du plaisir avant tout

De son côté, Chloé Carpenter souhaite que les étudiants s’amusent et prennent du plaisir avant tout. Elle assure aussi que personne ne sera laissé de côté et que « si quelqu’un demande à ce que quelque chose soit traduit en français, on le fera! Personne ne doit se sentir exclu ».

Rassembler plutôt que diviser, là est son objectif. Elle espère que le fait que la chorale soit bilingue permettra d’intégrer des étudiants dont la première langue est l’anglais. « Je suis moi-même issue des écoles d’immersion, je sais ce qu’ils ressentent. Les anglophones peuvent avoir peur de participer aux activités de l’université parce qu’ils n’ont pas confiance en leur niveau de français. »

« Ce projet va nous permettre de mettre à l’aise et de rejoindre des étudiants qui sortent des écoles d’immersion et à qui on n’aurait pas eu accès », confirme Yan Dallaire.
Alors que les premières auditions et répétitions commencent le 26 septembre, Chloé Carpenter est assez ambitieuse : elle promet un premier spectacle pour les fêtes de fin d’année.

Par Thibault JOURDAN | TW : @OropherDorthoni