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Depuis plusieurs années, la Société franco-manitobaine (SFM) donne l’impression d’être somnolente, bureaucratisée, portée à suivre des « dossiers » de façon mécanique plutôt que d’engager des batailles lorsque les intérêts de la communauté francophone sont menacés. Évidemment il faut bien choisir ses batailles, mais il me semble que plusieurs d’entre elles auraient pu être engagées plus vigoureusement ces derniers temps, notamment la centralisation à Ottawa du programme d’immigration manitobaine, la réduction de services au centre de services bilingues de Saint-Boniface et, plus récemment, la réduction des fonds fédéraux canalisés, par diverses voies, au journal La Liberté.

Des événements récents semblent indiquer que les choses vont peut-être changer lors de l’assemblée générale annuelle cette année, le 24 octobre, autant sur le plan de la programmation de l’organisme que de ses élus. D’abord, la publication de trois résolutions qu’ont l’intention de soumettre Raymonde Gagné et Léo Robert, rectrice et président de l’Université de Saint-Boniface respectivement, à cette assemblée a pris la communauté par surprise, compte tenu du fait que ces assemblées sont devenues des « cinq à sept » ces dernières années, où tout est clos après une heure ou deux de résolutions prédéterminées et où les élections par acclamation sont devenues la norme. Deux de ces résolutions touchent des éléments névralgiques de notre vie communautaire, soit l’éducation et la participation des membres de la communauté à leurs organismes; la troisième traite de la formation des membres du conseil.

La proposition sur l’engagement relance l’idée de la mise sur pieds d’« États généraux », sur le modèle d’un exercice qui s’est déroulé dans la communauté franco-manitobaine à la fin des années 1980 et qui avait mené à de nombreux débats locaux et régionaux et à une série de recommandations à la SFM. Le résultat ne fut pas aussi éclatant que celui du Rallye du Manitoba français de 1968, qui avait mené à l’abolition de l’ancienne Association d’éducation des Canadiens-français du Manitoba et à la création, par la même occasion, de la Société franco-manitobaine, mais il avait tout de même été positif dans ce sens qu’il a permis le développement plus rapide de la SFM et ce sur de nouvelles pistes. Cette fois, l’objectif, selon Raymonde Gagné, est de « sonder la communauté et laisser de la place aux membres, plutôt qu’aux organismes, aux individus plutôt qu’aux personnes qui portent un chapeau ». En autres mots, aller au-delà du confort et de l’indifférence perçue chez nos organismes maintenant bien spécialisés et structurés pour retourner directement au peuple.

Comme on le dirait en anglais, « easier said than done »! Surtout que, maintenant, une partie de la problématique, justement, est l’abondance d’organismes francophones manitobains qui sollicitent notre attention et où les canaux d’intervention sont bien définis…pour ceux et celles qui veulent bien s’en prévaloir. Mais les autres, c’est-à-dire la majorité, comment les joindre? Comment les mobiliser? Et surtout, pourquoi? Il est vrai, comme Léo Robert l’a dit, qu’il y a eu des coupures financières, à la SFM comme ailleurs…mais je doute que notre malaise actuel ne soit qu’une question d’argent.

Dans un livre récent, j’ai développé l’idée d’une initiative plus modeste, à savoir la tenue d’un congrès ou d’un rallye à tous les cinq ans, où tous les organismes tiendraient leur assemblée annuelle en même temps et au même endroit. Ainsi on pourrait se serrer les coudes en grand nombre, ailleurs qu’au Gala du homard, et se rendre compte de notre force collective en tant que groupe minoritaire dynamique; c’est un message qu’on doit se partager entre nous de temps à autre, et aussi partager avec nos amis anglophones et de diverses ethnies. Si l’on voulait donner un caractère décisionnel à un tel exercice, on pourrait même le coordonner avec la rédaction de la prochaine « feuille de route des langues officielles », qui doit être renouvelée d’ici 2018. La feuille de route courante a été rédigée dans un processus impliquant seulement la direction des organismes; pas étonnant, donc, que les membres des organismes, et les simples individus encore plus, ne se soient pas sentis engagés dans le processus ni dans ses enjeux. De toute façon, il me semble qu’un grand ralliement de 1200 ou 1500 francophones manitobains à tous les cinq ans aurait une valeur en soi, ne serait-ce que dans le réseautage qui s’y passerait entre générations et entre organismes.

Tout cela pour dire que les résolutions Gagné-Robert ont apporté de l’eau au moulin, et elles devraient normalement stimuler de vives discussions. Entretemps, il y a eu d’autres développements. Alors qu’en date du 2 octobre il n’y avait qu’un nouveau candidat qui se présentait aux élections du conseil de la SFM, il y en a maintenant deux qui contestent des membres courants du CA, soit Walter Kleinschmit et Robert Tétrault, et il y en aura peut-être d’autres le jour de l’assemblée. Le fait même qu’il y aura plusieurs élections contestées devrait stimuler de l’intérêt et attirer une plus grande participation à l’AGA de la SFM cette année. Et qui sait, advenant leur élection, et doté d’un nouveau programme axé sur les résolutions Gagné-Robert, peut-être pourrons-nous voir une revitalisation de notre organisme de revendication politique, axée sur une nouvelle programmation et de nouveaux élus avec un mandat d’assurer son implantation.

 

Par Raymond Hébert – le 21 octobre 2013

 

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