Angela Gentile a été avec Just Energy pendant plusieurs années. Au final, ses dépenses ont été plus élevées alors qu’on lui promettait des économies.
Angela Gentile a été avec Just Energy pendant plusieurs années. Au final, ses dépenses ont été plus élevées alors qu’on lui promettait des économies.

Just Energy est une entreprise ontarienne qui propose des contrats de vente d’énergie à un prix fixe. À priori, l’idée est séduisante mais le pari peut s’avérer risqué.

L’hiver arrive et les hausses de factures d’énergie se profilent à l’horizon. Pour éviter d’avoir de trop grosses surprises, il peut être tentant de souscrire un contrat de vente de gaz à un prix fixé à l’avance. Cela permet d’éviter de subir les variations de prix sur les marchés des matières premières et de gérer plus facilement son budget.

C’est, en substance, ce que propose Just Energy. Cette entreprise ontarienne est enregistrée au Public Utilities Board du Manitoba comme vendeuse de contrats d’énergie. Concrètement, elle ne fournit pas le gaz ou l’électricité, qui restent du domaine de Manitoba Hydro, mais elle propose un prix du gaz fixe supérieur au prix du marché.

S’engager avec ce type d’entreprise peut s’avérer être un pari risqué. Angela Gentile en a fait l’amère expérience il y a quelques années et elle a d’ailleurs raconté son histoire documentée sur un blogue.

Cette Winnipégoise a vu débarquer, un jour d’été 2005, un vendeur de la compagnie. « À l’époque, elle s’appelait Energy Savings, explique cette clinicienne en santé mentale gériatrique de l’Office régional de la santé de Winnipeg. Ils sont en uniformes, présentent bien, ont un bon argumentaire et affirment que tous vos voisins ont signé aussi un contrat avec eux. »

Ces vendeurs sont souvent indépendants. « Ils sont une part importante de notre modèle d’affaires », explique une porte-parole de Just Energy, Nancy Donnaperna. Une part variable de leur salaire provient d’une commission et ils sont généralement armés d’une liste de « clients » présentant des noms honorables tels que le Shaw Park, Winnipeg Airports Authority, la Cathédrale de Saint-Boniface ou encore la Ville de Stonewall.

| Ventes pas éthiques

Sauf qu’après vérification, plusieurs de ces organisations ne travaillent plus avec Just Energy, ou alors le lien entre eux et l’entreprise n’était pas celui avancé par les vendeurs. « Il y a plusieurs années, Just Energy n’étaient qu’un sponsor pour les Goldeyes. Cela a été la relation maximale que nous ayons eue avec eux », affirme le chargé de communication du Shaw Park, Scott Unger.

La Cathédrale de Saint-Boniface, elle, n’a pas souhaité faire de commentaire sur ce sujet bien que son personnel laisse entendre qu’il regrette d’avoir souscrit un contrat avec Just Energy.

Il faut dire que la compagnie a été plusieurs fois mise en cause et accusée de techniques de ventes non éthiques. Le modèle économique de ce genre d’entreprises repose sur le fait de convaincre individuellement des consommateurs qu’ils vont faire des économies en signant un contrat à prix fixe qui les engagent sur plusieurs années.

D’après le Better Business Bureau (BBB), qui évalue les entreprises un peu à la manière des grandes agences de notations financières comme Moody’s ou Standard & Poor’s, Just Energy a reçu 556 plaintes au cours des trois dernières années, dont 234 concernant la vente. Le site de notation luiattribue, en outre, la note de D – sur une échelle de A (la meilleure note) à F (la moins bonne). Parmi les facteurs qui justifient cette note, le BBB cite notamment des actions menées par des gouver­nements contre l’entreprise ou l’incapacité de Just Energy à résoudre des causes sous-jacentes qui entraînent un grand nombre de plaintes.

« Avec près de deux millions de clients au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, notre entreprise est construite sur la satisfaction du client, affirme Nancy Donnaperna. Si nos représentants indépendants ne suivent pas nos protocoles de vente qui impliquent professionnalisme, intégrité et honnêteté, nous menons des enquêtes et prenons les mesures nécessaires pour corriger cela. »

Néanmoins, tous les clients ne se plaignent pas des services de la compagnie. Winnipeg Airports Authority exprime, par exemple, sa satisfaction : « Nous sommes un client de Just Energy depuis approxima­tivement quatre ans. Cet accord nous permet de gérer les risques contre la volatilité des prix du gaz naturel », explique la chargée de commu­nication, Breanne Talbot.

| Un pari ou une escroquerie?

Pour les particuliers, le choix d’une compagnie telle que Just Energy n’est cependant pas toujours judicieux. « Ils nous promettaient de faire des économies d’environ 1 000 $ par an, explique Angela Gentile. Or, nous payions bien plus que le prix qui était en vigueur chez Manitoba Hydro. Nous ne l’aurions pas su si nous n’avions pas vérifié auprès d’eux. »

Aujourd’hui encore, Just Energy fournit un prix de sept cents supérieur à celui de Manitoba Hydro. D’après le site du Public Utilities Board, un mètre cube de gaz vaut 11 cents chez la compagnie manitobaine, quand Just Energy le vend 18.29 cents.

« Avoir un prix fixe n’est avantageux pour un client que si le prix sur les marchés augmente, analyse l’économiste Raymond Clément. À chaque fois, ils vont s’assurer qu’ils proposent un prix assez élevé qui les couvrent un certain temps d’une réelle augmentation sur les marchés. Et si les prix augmentent vraiment, ils vont s’assurer de charger le client plus tard et plus fort pour continuer à faire des profits. »

Or, entre 2008 et 2012, années pendant lesquelles Angela Gentile était sous contrat avec Just Energy, le prix du gaz a chuté de 42 %. « Manitoba Hydro aurait répercuté la variation, pas Just Energy », souligne Raymond Clément.

Au final, Angela Gentile reconnaît que souscrire un tel contrat est un pari. Mais si elle a décidé de relater son histoire dans un long article, c’est pour éviter que « des personnes vulnérables comme des gens âgés ou des immigrants » tombent dans le piège sans pouvoir s’informer par eux-mêmes plus tard.

« Mon mari et moi sommes des personnes éduquées et intelligentes et, pourtant, nous nous sommes fait avoir. En racontant mon histoire, j’ai voulu éduquer les gens. Mon message le plus important se résume en deux phrases : faites vos recherches en premier lieu et ne signez jamais un contrat à la porte », conclut-elle.

Thibault JOURDAN