D’ici cinq ans, quelque 5 millions de Canadiens ne recevront plus leur courrier à la porte, mais à leur boîte postale communautaire.
D’ici cinq ans, quelque 5 millions de Canadiens ne recevront plus leur courrier à la porte, mais à leur boîte postale communautaire.

L’élimination de la livraison du courrier à domicile, et de quelque 8 000 emplois chez Postes Canada, affecteront durement les aînés et les handicapés vivant dans les villes affectées.

Postes Canada a annoncé, le 11 décembre dernier, qu’elle mettra fin à la livraison du courrier à domicile dans les régions urbaines qui n’ont toujours pas des boîtes postales communautaires. En outre, la société d’État augmentera, à partir du 31 mars 2014, le prix des timbres, qui passeront de 63 cents à 1 $.
Les mesures, conçues pour améliorer l’état des finances de Postes Canada, permettront à la société d’épargner quelque 500 millions $ par an, tout en augmentant ses revenus annuels de quelque 200 millions $. Or, elles occasionneront également une réduction d’environ 8 000 emplo­yés au cours des cinq prochaines années, principalement par attrition.

« L’âge moyen des employés est de 48 ans, et Postes Canada s’attend à ce que près de 15 000 employés prennent leur retraite ou quittent l’entreprise au cours des cinq prochaines années », a indiqué la société d’État par voie de communiqué.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) voit la situation d’un œil défavorable, accusant Postes Canada « d’un manque flagrant de prévoyance ». « Nous devenons le seul service postal du monde à ne plus livrer le courrier à domicile, souligne le président winnipégois du STTP, Ben Zorn. C’est une honte. C’est également de mauvaises affaires. La réduction des services et l’augmentation de leurs coûts n’est pas de bon augure pour les Canadiens et pour Postes Canada. Il y a d’autres façons d’améliorer la santé financière de la société. Un projet pilote de livraison de colis le même jour, mis en œuvre présentement à Toronto, prouve que Postes Canada peut offrir un service compétitif et augmenter ses revenus. »

| Des clients mécontents

Quelque cinq millions de foyers perdront la livraison du courrier à domicile. Parmi les plus durement affectés seront les aînés et les personnes handicapées. La présidente de la Fédération des aînés franco-manitobains (FAFM), Thérèse Dorge, déplore la décision, qui « augmentera l’isolement des aînés ».

« Pour tous les aînés, chercher son courrier à pied, surtout l’hiver, ne sera pas chose facile, rappelle-t-elle. Certains devront se plier à le chercher à tous les deux jours. D’autres s’inquiéteront du risque d’une mauvaise chute. Et pour bien d’autres encore, chercher le courrier deviendra une autre tâche quotidienne à laquelle il faudra dépendre des autres, que ce soit des enfants, des amis ou une entreprise qu’il faudra payer. »

Même son de cloche chez la porte-parole de la Société des Manitobains ayant un handicap (Society for Manitobans with disabilities), Natalie Mulaire.
« La décision de Postes Canada affectera sans doute la qualité de vie des personnes handicapées, soutient-elle. Puisque les gens sont handicapés de différentes façons, il se peut qu’une personne puisse se rendre à la boîte postale communautaire, à pied ou en fauteuil roulant, mais ne pourra pas se lever pour ouvrir sa case.

« Il faudra de l’aide pour chercher son courrier, ou encore payer davantage pour le faire livrer, poursuit-elle. De plus, il y a un prix émotionnel à payer, car il faut faire le deuil d’une autre miette d’indépendance disparue. Étant donné les commentaires inquiets que la SMD a reçus, j’espère que Postes Canada réfléchira bien à son affaire. »

Ben Zorn est d’accord. « Hormis l’annonce de Postes Canada, rien n’a été mis en marche, rappelle-t-il. Les actionnaires, c’est-à-dire les citoyens, ne se sont toujours pas exprimés. »

Selon le politologue, Raymond Hébert, la décision de Postes Canada pourrait « durcir l’impression vaguement défavorable qu’ont les Canadiens indécis, ou moins politiquement engagés, du gouvernement Harper ».

« L’annonce les touchera dans leur quotidien, ce qui a toujours un impact politique négatif, souligne Raymond Hébert. De plus, un bon nombre de Canadiens n’apprécient pas le timing suspect de l’annonce, qui a été faite au lendemain de l’ajournement des travaux à la Chambre des Communes. Il y aura un tollé dans la Chambre, en janvier. Et il se peut que le premier ministre, ayant analysé les implications politiques, intervienne directement dans le dossier. »

Daniel BAHUAUD