La cloche dévoilée à Batoche en 2013 est-elle véritablement celle dont se sont emparés les miliciens en 1885 après la Bataille de Batoche? Les réalisateurs du documentaire The Mystery of the Bell croient bien que non.

La Cloche de Batoche
La Cloche de Batoche

Un nouveau documentaire de la CBC remet en question l’authenticité de la cloche de Batoche, dévoilée le 20 juillet dernier à Batoche, et présentement exposée au Musée de Saint-Boniface.

Intitulé The Mystery of the Bell, le documentaire, qui sera télédiffusé le 10 avril à 21 h dans le cadre de l’émission Doc Zone, lance l’hypothèse que la cloche, qui a longtemps été exposée dans les locaux de la Légion de Millbrook, en Ontario, n’est pas celle que les soldats ont pris de l’église de Batoche, en mai 1885, lors de la bataille décisive entre les quelque 250 Métis, guidés par Louis Riel et Gabriel Dumont, et les 916 miliciens du général Frederick Middleton.

« C’est lors du dévoilement de la cloche, en juillet dernier, que notre réalisateur, Mark Starowicz, a d’abord eu l’idée d’explorer davantage le passé de cette cloche, explique le producteur de The Mystery of the Bell, Wayne Chong. Mais à ce point-là, nous ignorions où nos recherches nous conduiraient.

« Nous avons exploré la première décennie après la Bataille de Batoche, poursuit-il. Et nous avons exploré la rumeur, qui a longtemps circulé, que les miliciens de Millbrook avaient rapporté la cloche de la mission catholique de Frog Lake, site d’un affrontement entre les Cris et des Blancs en avril 1885. Nous avons fouillé les archives du ministre de la Défense d’alors, Adolphe Caron, ainsi que les journaux personnels de miliciens qui ont participé à la Bataille de Batoche, sans parler d’archives paroissiales et diocésaines, ainsi que d’articles publiés dans plusieurs quotidiens. Notre conclusion est que la cloche dévoilée en juillet 2013 n’est pas celle de l’église Saint-Antoine-de-Padoue, située à Batoche. »

Une conclusion qui présuppose qu’une « authentique cloche de Batoche » existe toujours à un endroit quelconque.

« C’est exact, lance Wayne Chong. The Mystery of the Bell répondra aux deux questions clés de cette page de notre Histoire. Quelle est donc la cloche qu’a rendue public Billyjo DeLaRonde à Batoche? Et où est la vraie cloche de Batoche? »

| Des racontages?

Le doyen de l’UNMSJM, Guy Savoie, estime pour sa part que la CBC a tiré ses conclusions à partir de fausses prémisses.

« J’ai hâte de voir quelles preuves les réalisateurs ont en main pour conclure qu’on aurait dévoilé la mauvaise cloche, déclare-t-il. Pour ma part, je crois que la cloche dont nous sommes présentement gardiens est l’authentique cloche de Batoche. À mon avis, la mémoire collective et la tradition orale sont beaucoup plus fiables que les gens ne le croient de nos jours. Les gens de Millbrook ont toujours affirmé qu’ils avaient la cloche de Batoche. Les Métis qui étaient présents lors de la Bataille de Batoche l’affirmaient également.

« Il y a même des témoignages transmis d’une génération à l’autre parmi les Métis, poursuit-il. La grand-mère de Jean Boucher, un politicien métis de la Saskatchewan, a vu les miliciens s’emparer de la cloche, qui était par ailleurs très facile à prendre puisqu’elle n’était pas installée dans le clocher, mais sur un socle près de l’entrée de l’église.

« Quant à l’idée que le cloche dont nous sommes gardiens seraient celle de Frog Lake, je tiens à rappeler que les miliciens n’ont jamais pénétré le village. Et des soldats n’errent pas à l’aventure sans permission, surtout en pleine campagne militaire. »

Le directeur du Musée de Saint-Boniface, Philippe Mailhot qui, en l’occurrence, a été interviewé par les réalisateurs de la CBC, adopte un autre point de vue.

« La vérité historique doit toujours être respectée, lance-t-il. Si des recherches solides viennent à prouver que le Musée n’expose pas la vraie cloche de Batoche, il faudra se plier à l’évidence. Rappelons que les cloches de Frog Lake et de Batoche avaient le même style, la même taille et ont été forgées en même temps à Tolède, en Espagne, à la demande de Mgr. Vital-Justin Grandin, le premier évêque de Saint-Albert, en Saskatchewan. C’est possible d’être induit en erreur sur la question de leur identité.

« Toujours est-il que du point de vue muséologique, l’histoire racontée par cet artéfact, s’il ne s’agit pas de la cloche de Batoche, demeure foncièrement la même, fait-il remarquer. Voici un objet précieux pris par des miliciens comme trophée de guerre et symbole de leur victoire sur les Métis. Et, plus d’un siècle plus tard, les descendants des ces mêmes soldats de Millbrook approuvent le retour de la cloche dans l’Ouest. La cloche symbolise un profond changement d’attitude des anglophones par rapport aux Métis. Un ancien symbole de défaite est devenu un symbole de réconciliation. »

Wayne Chong abonde dans le même sens. « Avant tout, nous voulons faire avancer le dialogue entre les Métis et les autres Canadiens, souligne-t-il. Nous espérons que notre documentaire permettra aux Canadiens de discuter des conséquences, pour les Métis, de la défaite à Batoche, et de prendre conscience de leur renaissance culturelle. »

Daniel Bahuaud