La Loi canadienne anti-pourriel entre en vigueur le 1er juillet. Une spécialiste du droit du travail et de l’emploi, Shereese Qually, conseille aux entreprises de revoir leurs politiques et procédures.

Shereese Qually.
Shereese Qually.

Adoptée en décembre 2010, la Loi canadienne anti-pourriel, qui vise à réduire l’encombrement de boîtes de courriel des entreprises et des consommateurs, entre en vigueur le 1er juillet. Les gens d’affaires sont-ils prêts?

« Tout le monde convient qu’il était nécessaire d’adopter la Loi canadienne anti-pourriel, estime l’avocate spécialisée en droit du travail et de l’emploi au cabinet winnipégois Taylor-McCaffrey, Shereese Qually. En effet, j’estime qu’il s’agit d’une loi bien pensée, qui a tenu compte des besoins de toutes les parties prenantes. Or un nombre alarmant de petites entreprises n’apprécient pas, à l’heure actuelle, que cette loi s’applique à leurs affaires. On oublie que par l’expression «pourriel», la loi entend beaucoup plus que l’envoi non-sollicité d’une réclame quelconque. Ce malentendu donne aux gens d’affaires de nombreux maux de tête, puisqu’il faut être parfaitement conforme aux conditions exigées par la loi, et ce dès la Fête du Canada. »

De fait, la Loi canadienne anti-pourriel s’étend non seulement à l’envoi de courriers électroniques, mais de textos et de messages sur les réseaux sociaux.

« Si un entrepreneur veut engager un contractuel pour faire de la comptabilité ou pour traduire un document, l’envoi tombe sous l’ombrelle de la Loi canadienne anti-pourriel, précise Shereese Qually. À moins que le comptable ou le traducteur ait déjà placé une annonce publicitaire sur son site Internet ou sa page Facebook. Dans ce cas, la demande serait considérée légale. Dans tous les autres cas, cette démarche serait considérée une invitation non-sollicitée au commerce, comme le cold calling des télévendeurs. »

La Loi canadienne anti-pourriel exige en fait des entreprises d’obtenir le consentement verbal ou écrit d’un client potentiel avant de leur acheminer des courriels et autres types de messages électroniques. « Il faut s’identifier clairement dans chaque message, explique Shereese Qually. Il faut obtenir le consentement du client, que ce consentement soit express ou tacite. Ainsi, lorsqu’une entreprise envoie un courriel, elle doit inclure une invitation au consentement, ainsi qu’une invitation à se désinscrire à l’envoi de nouveaux courriels. »

Cela veut-il forcément dire que tout courriel doit contenir une invitation à la désinscription?
« Cela dépend, déclare Shereese Qually. S’il s’agit d’une invitation à une transaction commerciale quelconque, la réponse est «oui». Mais une fois une relation commerciale établie, un message peut contenir les renseignements nécessaires pour contacter la personne qui envoie le courriel, à la condition qu’il ne contienne pas un logo ou un slogan d’entreprise, ou encore une liste des prix et des reconnaissances professionnelles obtenues par son expéditeur.

« Une bévue de la Loi canadienne anti-pourriel est d’avoir inclus les envois sollicitant les clients qui ont déjà acheté un appareil de faire inscrire leur machine pour fins d’obtention d’une garantie, poursuit-elle. Ça me semble exagéré, étant donné qu’il s’agit d’une demande légitime. J’ai bon espoir que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), l’agence fédérale chargée de sévir en cas d’infractions, examinera à fond les circonstances de tels envois avant d’agir de façon punitive. »

En effet, la Loi canadienne anti-pourriel prévoit déjà quelques exceptions. « Les courriels personnels envoyés à des collègues, des amis ou des membres de sa famille font tous exception à la loi, indique Sheresse Qually. Les organismes de charité et les partis politiques sont également exclus. »

| Médias sociaux

La Loi canadienne anti-pourriel s’étend aux médias sociaux, tels que Linked In et Facebook. « Sur sa propre page Facebook, on peut inclure une bannière commerciale et des sollicitations aux transactions commerciales, indique Shereese Qually. Par contre, dans la mesure où les médias sociaux permettent d’envoyer des messages, la loi s’appliquera.

« Cette élément de la loi occasionnera des difficultés pour les fournisseurs de médias sociaux, poursuit-elle. Sur Facebook il n’existe toujours pas d’option pour se désabonner. On peut, bien sûr, retirer une personne de sa liste d’amis. Mais ce n’est pas la même chose et, pour la loi, la démarche est insuffisante. Il faudra que Facebook développe une nouvelle option conforme à la loi canadienne. »

La Loi canadienne anti-pourriel a également une force de frappe considérable. Le CRTC peut exiger des amendes pouvant atteindre dix millions $ par infraction pour les entreprises. Les individus qui contreviennent à la loi s’exposent à des amendes allant jusqu’à un million $ par infraction.

« Une période transitoire de trois ans est prévue, souligne Shereese Qually. Mais dès 2017, un client pourra poursuivre un commerce, l’accusant de pollupostage. Je doute qu’on vienne à cela, du moins au début. Le CRTC voudra d’abord cibler les grands contrevenants. »

Toujours est-il que l’avocate conseille aux entreprises de bien se préparer à la loi. « Il faut que les propriétaires, gérants, directeurs et superviseurs soient tenus d’agir avec la diligence requise, conclut-elle. Il est fortement conseillé aux entreprises de revoir leurs politiques, leurs procédures et la formation donnée à leurs employés. »

Daniel BAHUAUD