Contre toute attente, Justin Trudeau est devenu le Premier ministre du Canada. Son plus grand bienfaiteur aura été Stephen Harper, qui a perdu toute autorité morale de gouverner. Il a démontré jusqu’à quel point il pouvait s’abaisser pour s’agripper au pouvoir en s’alliant à Gilles Duceppe du Bloc québécois pour diaboliser le port du niqab. Puis, dans une dernière mesure désespérée, il s’est humilié au point de s’allier à Rob Ford de Toronto. Stephen Harper atteignait ainsi le fond du baril, abandonnant tout semblant de principe.

Thomas Mulcair a mené une campagne énergique et crédible. Mais sa défense honorable du port du niqab lui a coûté cher. L’opinion publique s’est tournée contre sa façon de réagir à cet enjeu et elle s’est ralliée à Justin Trudeau, voyant en lui le meilleur moyen de défaire Stephen Harper.

La campagne des conservateurs s’est déroulée comme s’il s’agissait d’un culte privé : seuls les partisans invités étaient admis aux rassemblements du parti. La plupart des candidats conservateurs ont refusé de participer à des débats publics à travers le pays. Les ministres avaient disparu. Le one-man show de Stephen Harper est ainsi devenu l’enjeu principal d’une campagne qui s’est transformée en référendum sur sa façon de gouverner : son penchant pour la dissimulation, sa rancœur, son abus du pouvoir, sa méfiance du public et des médias, et sa quête sans fin de facteurs de division.

La plus grande erreur de Harper a été de ne pas chercher à élargir la base étroite qu’il a héritée de l’ancien parti de la Réforme. Il a misé sur la division entre les partis d’opposition pour se maintenir au pouvoir. Son mépris des institutions parlementaires et judiciaires du Canada, son insouciance envers la primauté du droit, ses nombreuses échappatoires lorsqu’il avait des comptes à rendre ont été ses principales stratégies. L’étroitesse, l’intolérance, la peur et l’insécurité ont été ses marques de commerce.   Loin d’inspirer les Canadiens, il a essayé de les manipuler par la peur.

Dans une campagne de demi-vérités, Harper s’est vanté d’avoir réduit les impôts des Canadiens, négligeant de mentionner qu’il l’avait fait en ajoutant 145 milliards$ à la dette nationale. Dans les domaines de l’environnement, des affaires autochtones et de la culture, les derniers 10 ans ont été gaspillés. Son gouvernement passif ne laisse aucun legs valable, aucune initiative digne de célébration et de fierté.

Ayant rejeté le gouvernement Harper, les Canadiens ont donné leur entière confiance au Parti libéral. Justin Trudeau a mené une campagne remarquable. Mais il arrive au pouvoir avec un maigre curriculum vitae. L’affaire Dan Gagnier a rappelé la corruption et les abus du dernier gouvernement libéral. Dans toutes ses nominations, et dans le choix de ses conseillers, il sera surveillé de près. Et l’électorat ne pardonnera pas un retour aux pratiques abusives de l’ère Mulroney, Chrétien et Harper. Justin Trudeau s’est mérité le droit de gouverner pour quatre ans. D’ici 2019, tout citoyen devra être vigilant, et renoncer à la partisannerie stérile de la dernière décennie.

 

Par Michel Lagacé