Par Valentin CUEFF

Le 28 avril 2017, la mairesse de la municipalité de Ritchot, Jackie Hunt, a présenté sa démission en raison des pressions et insultes qu’elle subissait de la part de membres de son conseil. Ce départ visait à ouvrir un dialogue sur la protection des élus face à ce type de comportement qui n’est, pour le moment, pas réprimé par la loi. En réaction, la conseillère de Saint-Paul Ouest, Cheryl Christian a écrit une résolution qu’elle souhaite amener au gouvernement provincial, afin de changer la donne.

« La démission de Jackie Hunt a été l’élément déclencheur », explique Cheryl Christian, conseillère dans la Municipalité de Saint Paul Ouest depuis 2014. « Je sais qu’elle a eu des retours négatifs sur son geste. Mais la réalité, c’est qu’il n’y a pas d’autres options pour se faire entendre. »

« Vous appelez le bureau de l’Ombudsman, mais ils sont trop occupés. Vous appelez la Province et ils vous diront que cela ne les regarde pas, et que ce doit être traité en interne. Mais si vous amenez la question à votre directeur municipal cela pose problème : nous sommes leurs supérieurs, alors comment pourraient-ils enquêter sur nous? »

La démission de Jackie Hunt a été suivie par celle, en soutien, de deux autres membres du conseil municipal de Ritchot, Jeannot Robert et Ron Mamchuk. Le départ de trois des cinq membres du conseil municipal a conduit à sa dissolution par la ministre des Relations avec les Autochtones et les municipalités, Eileen Clarke, le 10 mai.

Une nouvelle élection municipale aura lieu le 19 juillet. L’ancienne mairesse, Jackie Hunt, se présente à nouveau.

Cheryl Christian explique que les élus signent un code de conduite au moment de leur entrée en fonction, mais que cela ne débouche sur aucune enquête si un officier subit des pressions ou du harcèlement au sein même de son conseil.

À l’heure actuelle, les élus ne sont considérés ni comme employés, ni comme employeurs, et leur statut n’est pas inclus dans la Loi sur la sécurité et l’hygiène du travail. Ils ne sont donc pas protégés dans ce genre de situation.

C’est pour réformer le statut d’élu et l’inclure dans cette Loi que la conseillère a décidé d’écrire une résolution. Pour qu’une telle proposition soit considérée par la Province, il faut d’abord qu’elle soit votée par un conseil, avant d’être débattue au niveau du district, puis à la convention de l’Association des municipalités du Manitoba (AMM).

Si une majorité d’élus de la province se prononcent en sa faveur, l’Association va défendre la résolution auprès du gouvernement.

Devant ce long processus, la conseillère a essuyé des revers. Dans sa municipalité, seul un autre élu a répondu au courriel dans lequel elle présentait la résolution. Il y déclarait que ce n’était pas un débat important. « J’étais surprise et déçue de voir ces réactions dans ma municipalité », raconte-t-elle.

Le succès est venu grâce à la conseillère Heather Erickson, de la Municipalité de Springfield. Elle avait discuté du problème avec Cheryl Christian, et a choisi de présenter la résolution à son conseil. Elle fut votée à l’unanimité, non seulement par les conseillers, mais aussi plus tard par le district de l’Est.

Les deux conseillères attendent désormais la convention de l’AMM, qui aura lieu en novembre, où le débat prendra à nouveau place.

Cheryl Christian a, depuis, reçu de nombreux courriels et appels téléphoniques d’élus qui ont souhaité faire part de leur situation. Elle pense que la résolution a révélé un problème qui était présent mais pas discuté. « C’était perturbant et triste d’entendre de tels témoignages. Mais ces personnes étaient contentes de voir qu’un processus était en cours et qu’elles n’étaient pas seules. »

Présente récemment à la Fédération canadienne des municipalités, à Ottawa, la conseillère de Saint Paul Ouest a également porté le sujet du harcèlement devant les élus présents. Et constaté que le Manitoba n’était pas un cas isolé. « Nous avons discuté là-bas avec des maires et des conseillers de tout le pays, et on a bien vu que le problème est d’envergure nationale. »

À ce jour, la ministre Eileen Clarke aurait déclaré aux auteurs de la motion « prêter attention » à la question du harcèlement dans les conseils.

La Liberté a tenté de joindre le bureau de la ministre Eileen Clarke, en vain.