Tous deux sont golfeurs, passionnés de longue date. Le premier, Gilbert Dubé, est propriétaire depuis 17 ans du terrain de La Vérendrye à La Broquerie. Le second, Jacques Lavack, enseigne et fabrique des clubs dans sa boutique de Winnipeg. Ils livrent chacun un regard inquiet sur leur sport qui, au Manitoba, perd chaque année en popularité.
Par Léo GAUTRET
Quelle est la situation du golf aujourd’hui au Manitoba?
Gilbert Dubé : « C’est un sport qui semble être au ralenti en ce moment. Aujourd’hui c’est difficile de monter des ligues de joueurs. La nouvelle génération n’a pas appris le golf. En 35, 40 ans, ceux qui jouaient n’ont pas transmis cette passion à leurs enfants. Aujourd’hui les golfeurs ont surtout au-dessus de 50 ans. »
C’est dû à la concurrence des autres sports?
G. D. : « Oui clairement, il y a trop d’autres sports proposés aux jeunes. Et le golf c’est quelque chose d’assez dispendieux, et qui demande beaucoup de temps. Les gens maintenant n’ont pas le temps, tandis qu’avant, on prenait le temps. Tout le monde court maintenant. Les gens ne peuvent prendre que deux heures pour leurs loisirs, alors que pour faire un 18 trous, ça prend en moyenne 4 h 30. »
Vous faites le même constat, en tant que professeur de golf?
Jacques Lavack : « À comparer avec les années 1970-1980, le golf a perdu en popularité. Les enfants sont impliqués dans tellement de choses aujourd’hui. Mes petits-enfants n’ont pas le temps, ils sont toujours occupés. Il y a quand même une initiative nationale pour promouvoir le golf dans les écoles, « Golf in Schools ». Elle va à la rencontre d’une centaine d’écoles dans l’année. 7 000 étudiants ont découvert ce sport l’an passé. Espérons que ça aide à avoir de nouveaux joueurs. »
Une autre raison qui explique cette situation, c’est le trop grand nombre de terrains…
G. D. : « Oui le constat est net, il y a trop de terrains de golf pour le nombre de golfeurs. » J. L. : « Au Manitoba, on a aujourd’hui environ 130 terrains de golf. Dans les années 1990 il y a eu une explosion du nombre de terrains. Le golf était en plein essor, Golf Canada prédisait qu’on allait être à court de terrains, donc tout le monde s’est mis à en construire. Rien que dans la région de Winnipeg, une quinzaine de terrains ont été bâtis depuis ces années 1990.
L’aspect onéreux de ce sport joue aussi?
J. L. : « Par rapport aux autres sports, cela reste une pratique plus onéreuse. L’adhésion à l’année est autour de 1 000 $ au Manitoba. C’est un prix vraiment bas par rapport aux autres provinces. »
Pour ce qui est du golf de La Vérendrye, quelle est votre situation?
G. D. : « Quand j’ai acheté le terrain de golf, c’était pour le sauver. J’ai investi plus d’un million $ dans ce terrain que j’avais repris dans un mauvais état. Sur les 17 dernières années, j’ai perdu de l’argent 17 fois. Je l’ai mis en vente il y a deux ans. Aujourd’hui je suis prêt à rester copropriétaire, mais si je peux le vendre à un promoteur ou un agriculteur, je le ferai, même si ça me brise le coeur. »
C’est une situation globale qui touche tous les clubs?
J. L. : « Oui, et même la Ville. Chaque année, Winnipeg perd d’énormes sommes d’argent pour faire vivre ses quatre terrains de golf. 850 000 $ tous les ans. »
Quelles solutions envisagez-vous alors pour l’avenir du golf?
G. D. : « Je pense que comme dans l’économie globale, il va y avoir un jeu du dernier survivant. Plusieurs clubs ont déjà annoncé leur fermeture l’année prochaine. La réduction de la concurrence rendra le golf plus viable au Manitoba. Pour moi, c’est la prochaine étape. »
La lente disparition des terrains de golf
En 2015 au Manitoba, on dénombrait 133 établissements de golf. Une offre trop importante qui, selon Gilbert Dubé et Jacques Lavack, contraint les clubs de golf à baisser pavillon. Plusieurs d’entre eux se sont d’ailleurs déjà mis en vente, comme le remarque Jacques Lavack. « Les terrains de Southside, Oakwood cherchent preneurs. Celui de Glendale et John Blumberg, qui appartiennent à la ville de Winnipeg, seraient eux-aussi mis en vente. » Après les fermetures l’année dernière des terrains de Cottonwood sur la Transcanada, Heritage à Lockport, et la vente de celui de Meadows à un développeur, la course aux repreneurs est donc plus que jamais lancée.