La qualité du sol et de l’air à Saint-Boniface sont au coeur des débats ces derniers jours. À qui la responsabilité d’un sol supposément toxique? Une entreprise de recyclage de métal a été ciblée en particulier. Pourtant, Industrial Metals, située dans le parc industriel Mission de Saint-Boniface, dit opérer selon les normes strictes de Développement durable. Si les résidents cherchent des réponses quant à la qualité de leurs conditions de vie, les propriétaires de l’entreprise visée, eux, regrettent l’acharnement auquel ils font face. Outre Industrial Metals, de nombreuses compagnies utilisant des produits chimiques sont présentes depuis une centaine d’années dans ce parc industriel.

Par Daniel BAHUAUD 

I nquiète de la qualité du sol, et donnant suite aux plaintes de résidents des quartiers Dufresne et Archwood, l’Association des résidents de Saint-Boniface Sud a demandé au professeur Francis Zvomuya, de la Faculté de l’Agriculture et des sciences alimentaires, d’examiner le sol à plusieurs endroits du parc industriel et des quartiers avoisinants. Au début de l’été, il a détecté des quantités élevées de plomb et de cuivre.

Son étude a ensuite été confirmée par Shirley Thompson, la chercheuse de l’Institut des ressources naturelles de l’Université du Manitoba.

Dans les médias manitobains, une entreprise en particulier, située sur la rue Messier dans le parc industriel Mission à Saint- Boniface, est pointée du doigt. Industrial Metals, présente dans ce parc depuis 2006, regrette l’acharnement médiatique et celui des riverains.

« Les allégations visant notre entreprise sont fausses, complètement injustes et incendiaires », déclare Dan Chisick, l’un des copropriétaires d’Industrial Metals.

« Nous fonctionnons en pleine conformité avec les normes et règlements stricts de Développement durable. Nos opérations sont inspectées et testées régulièrement. La Province s’assure qu’en aucun cas nous ne polluons l’environ – nement. Les normes sont très exigeantes. C’est déplorable que les chercheurs nous aient pointé du doigt et tiré la sonnette d’alarme sans nous avoir contactés, ou nous inclure dans leurs recherches. Surtout quand on sait pertinemment que le parc industriel accueille présentement des entreprises qui fabriquent de l’asphalte et du béton et font du soudage. Il y a même des entreprises ferroviaires et pétrolières. »

L’autre regard 

Le blogueur et chroniqueur d’histoire du Winnipeg Free Press (1), Christian Cassidy, estime que la rue Messier, où est située Industrial Metals, est « la rue la plus polluée de Winnipeg ».

Pourtant, Christian Cassidy est « convaincu que, en ce qui concerne la qualité du sol, on ne peut pas blâmer Industrial Metals. Il y a un problème de pollution à Saint-Boniface qui dépasse de loin une seule entreprise. »

Ce passionné de l’histoire et de l’architecture de Winnipeg explique son point de vue :

« Dès la Première Guerre mondiale, l’on y trouvait des entreprises hautement polluantes. La Ville de Saint-Boniface accordait des allègements fiscaux pour les entreprises qui s’établissaient dans le parc industriel, à condition que la moitié des employés soient Bonifaciens. Et que les entreprises précisent, sur chaque item fabriqué, que le produit était Made in the City of St. Boniface. Côté environ nement, les conseillers ne semblent pas avoir été trop exigeants. C’était une autre époque! »

Dès 1915, le parc industriel Mission abrite la cour de triage de l’ancien Réseau ferroviaire du système de distribution d’eau du grand Winnipeg, située rue Messier. « On enduisait de créosote des traverses de chemin de fer. Et on réparait les roues des trains », rappelle Christian Cassidy.

En 1919, c’est au tour de la Western Wheel and Founderies de trouver pignon rue Messier. « Ce fabriquant de roues et de freins pour trains faisait fondre de l’acier. Des polluants, les cheminées en ont sans doute crachés. D’ailleurs l’entreprise, devenue Canada Founderies Ltd., opérait toujours en 1960. »

La même année, la North Star Oil Refinery s’installe sur la rue Messier. En 1955, la raffinerie est agrandie. À cette époque, son site comprenait 173 acres. « La raffinerie a été achetée par Shell en 1960. Elle a fermé ses portes en 1983. »

En 1925, la Dominion Tar and Chemicals (Domtar) s’installe elle aussi sur la rue Messier, juste en face de l’actuel site d’Industrial Metals. « L’entreprise fabriquait des bardeaux et brûlait du charbon pour fabriquer du coke, un carburant de haute performance pour les fournaises au charbon.

« Domtar avait une deuxième fabrique à Transcona, qui a fermé ses portes au début des années 1970. Au cours des années 1980, lorsque la ville voulait encourager le développement résidentiel, il a fallu enlever 40 000 tonnes de terre polluée du terrain. Et le site même de sa fabrique est encore toxique. C’est un espace vert. On ne peut pas construire dessus.

« On peut aisément multi – plier les exemples, note Christian Cassidy. D’où ma conviction que, en ce qui concerne la qualité du sol, on ne peut pas blâmer Industrial Metals. »

(1) Christian Cassidy est passionné de l’histoire et de l’architecture de Winnipeg. Il rédige un blogue d’histoire, West End Dumplings. On peut lire son texte sur la rue Messier au http://westenddumplings.blogspot.ca/2017/08/injecting-bit-of-history-into-community.html

Et la salubrité de l’eau et de l’air?

Les préoccupations des résidents de Dufresne et d’Archwood inquiètent également l’organisme Sauvons Notre Seine.

Denis Gautron, le président, fait ce rappel : « L’eau du parc industriel et des quartiers avoisinants se jette dans la Seine. Un ruisseau passe sous le parc industriel. En sortant de son caniveau, le ruisseau traverse le parc Happyland.

« Le temps est venu d’exiger une nouvelle étude toxicologique de la rivière, comme on l’avait fait au début des années 2000, lorsque la Province avait conclu que la fabrique de bardeaux IKO polluait la rivière. En 2009, l’entreprise a été obligée d’enlever 140 000 tonnes de matériel contaminé des berges de la rivière. »

Michelle Berger, la présidente et porte-parole de l’Association des résidents de Saint-Boniface Sud souhaite obtenir « des données vraiment utiles » quant à la qualité de l’air.

« Développement durable a effectué une étude de l’air au début de l’été 2016. L’étude indiquait que le taux de matière particulaire était élevé. Mais comme nous l’a souligné Shirley Thompson, de l’Université du Manitoba, elle n’a pas cherché à détecter les fines particules de type PM 2.5, qui pénètrent de manière profonde les poumons des humains. Comme le chrome hexavalent, une particule toxique reconnue comme émanant de déchiqueteuses de métal.

« Notre association ne cherche pas à viser une entreprise particulière, mais à obtenir des réponses. »