Pour Sandi Mowat, présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers du Manitoba, il y a trop de questions sans réponses de la part du gouvernement et de l’Office régional de santé de Winnipeg (ORSW) au sujet de la réforme de l’accès aux soins dans les hôpitaux de la ville. Inquiètes quant à l’avenir de leurs emplois et la qualité des soins procurés, les infirmières manifestent leur désaccord.

par Valentin CUEFF

Vous étiez l’un des premiers syndicats à manifester votre désaccord avec les changements annoncés par le gouvernement, en avril 2017. Qu’avez-vous vu dans cette réforme?

Sandi Mowat : « Plusieurs hôpitaux vont devoir revoir entièrement la façon dont ils gèrent leurs affaires, et je ne sais pas si les gens mesurent pleinement l’impact de ces changements. Je pense qu’on s’est beaucoup focalisé sur les fermetures et réaménagements des services d’urgence et de soins d’urgence. Tout cela est évidemment très important. Mais avec ça vient aussi la fermeture d’unités de soins intensifs et de salles d’opérations dans certains hôpitaux.

Par exemple, si l’hôpital Seven Oaks ferme une salle d’opération, il y aura plus d’attente pour des opérations ailleurs. Et encore beaucoup de questions n’ont pas été répondues. »

Quelles conséquences a eu cette annonce pour les infirmières dans leur travail?

S. M. : « Ce qui résulte des changements qui ont déjà eu lieu, ou qui ont commencé, c’est qu’il y a beaucoup de confusion chez les infirmières. Leur principale inquiétude est la perte de leur emploi. Dans le cas de l’hôpital Victoria, il est probable que des infirmières seront licenciées. On continue d’entendre que toutes les infirmières de l’ORSW garderont des emplois dans l’ORSW, mais rien n’est assuré. Les infirmières sont spécialisées dans des secteurs précis, qu’elles ont choisis. Aujourd’hui elles vont devoir se déplacer dans des établissements qu’elles ne connaissent pas. »

Que répond le gouvernement à ces inquiétudes?

S. M. : « Ce qui est étonnant, c’est qu’au début, le gouvernement parlait d’amélioration du système de soins, mais ils ont en quelque sorte changé leur message depuis, et parlent davantage de coupures budgétaires maintenant.

Ils mentionnent le nombre d’urgences et du temps d’attente dans d’autres villes. Nous savions tous qu’il y a un problème de temps d’attente. Mais nous n’avons pas identifié les causes de ce problème. Maintenant, ils veulent centraliser les urgences dans trois endroits. Ça peut marcher, mais je ne vois pas comment ça va régler les temps d’attente. Ils ne font que déplacer des gens. »

Avez-vous été consultée lors de l’élaboration du rapport de David Peachey, qui a donné des recommandations au gouvernement pour cette réforme?

S. M. : « Nous devons être clairs là-dessus : David Peachey est venu au syndicat et s’est présenté au conseil d’administration. Il souhaitait entendre ce que les infirmières en première ligne avaient à dire. Pour ma part, je siégeais au comité consultatif, comme tous les chefs de syndicats. Le groupe de David Peachey a fait le tour des centres de soin du Manitoba. Mais je n’ai pas trouvé d’infirmières en première ligne qui leur aurait parlé. Leur tournée visait principalement à comprendre la gestion des établissements.

Il a été dit que les chefs de syndicats siégeaient à un comité consultatif. Et c’est vrai. Mais on ne nous a pas demandé notre opinion sur les recommandations qui ont ensuite été faites au gouvernement. Personne ne m’a demandé : “êtes vous d’accord avec ça?”. On a appris certaines de ces recommandations à la toute fin du processus et beaucoup sont venues comme une surprise. »

Beaucoup de personnes ont l’impression que le gouvernement n’était pas lui-même préparé à ce dans quoi il s’embarquait…

S. M. : « Je pense qu’ils sont conseillés par l’ORSW et le rapport de David Peachey. Mais je ne suis pas sûre à 100 % qu’ils comprennent l’impact de ces changements. J’étais tout dernièrement à l’hôpital Seven Oaks. Si un patient arrive et fait une attaque cardiaque, les infirmières devront toujours s’occuper de ce patient. Mais il devra être stabilisé et transféré. Combien de transferts devra-ton faire avec ces changements?

Lorsque Misericordia a été transformé en service de soins d’urgence il y a déjà eu un problème d’augmentation des transferts. Après plusieurs années, les gens ont compris ce que soins d’urgence (urgent care, et non pas emergency, ndlr) signifiait.

Justement, comment les patients sauront-ils où aller?

S. M. : « Les patients seront redirigés, et l’ORSW prépare une campagne de publicités pour sensibiliser les gens. Mais c’est difficile d’éduquer le public sur l’endroit où ils doivent aller pour recevoir des soins adaptés. Prenons l’exemple des urgences de Concordia, qui vont fermer et ne seront pas remplacées. Il y a beaucoup de gens qui vivent dans cette zone. Où iront-ils pour leurs soins? À l’Hôpital Saint-Boniface, ou au Centre des sciences de la santé? Les salles d’urgence seront probablement bondées là-bas.

Vous avez lancé une campagne de communication pour sensibiliser le public aux conséquences de cette réforme : Put patients first. Pouvez-vous nous en dire plus?

S. M. : On voulait développer un outil qui permettrait au public de montrer son désaccord. On a donc développé ce site internet, putpatientsfirst.ca, où les gens peuvent déjà signer une pétition et envoyer une lettre au ministre de la Santé. En plus du site, nous ferons aussi une campagne de pétition sur papier, dans les rues, en septembre. On doit aussi être conscient du fait que nous parlons beaucoup de Winnipeg, mais on ne sait pas quel sera l’impact de la réforme en dehors de la ville.

Nous avons beaucoup d’infirmières inquiètes à l’idée que des fermetures similaires aient lieu en campagne. Je n’ai reçu aucune réponse sur cette éventualité. Nous porterons cette pétition au gouvernement en octobre. Notre espoir est qu’au moins quelqu’un verra le mécontentement de beaucoup de gens dans la province sur la façon dont le système de santé est réformé.