Le Nouveau parti démocratique (NPD) du Manitoba élira son prochain chef le 16 septembre 2017. Les deux candidats, Steve Ashton et Wab Kinew, ont des vécus diamétralement opposés. De récentes révélations sur des inculpations suspendues de Wab Kinew, notamment pour violence domestique, ont braqué les feux sur son passé.
Wab Kinew (35 ans) est musicien, écrivain et professeur en études autochtones, avec un passé coloré, député provincial de Fort Rouge depuis 2016. Steve Ashton (61 ans) est un ancien ministre provincial, qui est le député provincial de Thompson depuis l’année de naissance de son rival.
La Liberté s’est entretenue en français avec Wab Kinew pour parler de sa vision pour le Manitoba et de son passé. Steve Ashton n’a pas répondu aux demandes d’entrevue de La Liberté.
par Gavin BOUTROY
Comment voyez-vous la communauté francophone du Manitoba?
WK : Quand je pense à la francophonie manitobaine, je pense à une communauté très diverse et possédant beaucoup d’énergie. On a des artistes, des personnes d’affaires, des politiciens, des bénévoles, on a des Franco-Manitobains nés ici, des nouveaux arrivants… Pour moi ça démontre que le travail que la communauté a fait dans le passé pour préserver la langue a fonctionné, et que les appuis qui ont été donnés pour mieux promouvoir la culture franco-manitobaine ont réussi à attirer des gens de partout au monde.
Dans cette époque de réconciliation avec les peuples autochtones du Canada, la communauté franco-manitobaine est encore dans son processus de découverte de son identité métisse et autochtone.
Je crois avoir une certaine compréhension de la situation des Franco-Manitobains, car j’ai l’expérience de parler une langue minoritaire. J’ai été à l’école d’immersion française et appris à parler français à Saint-Boniface. En même temps, j’ai grandi dans une maison où l’on parlait Ojibwa, qui est une langue importante à mon identité de personne autochtone.
Cette expérience me donne la chance de comprendre comment les langues sont essentielles à l’identité, à la communauté, à la culture, et la vie de famille.
Est-ce que les compressions budgétaires du gouvernement Pallister vont affecter l’offre de services en français de la Province?
WK : Les coupures de Pallister dirigent la province dans la mauvaise direction. Dans le système d’éducation, toutes les divisions scolaires ont beaucoup de défis. Avec Pallister comme Premier ministre du Manitoba, je pense que ça va empirer la situation de l’éducation française et l’éducation d’immersion, très populaires en ce moment.
Et on voit des coupures à d’autres niveaux, comme dans le système de santé. On se demande si Pallister va protéger les services en français. Pour moi, c’est une question très importante car les francophones ont déjà mené cette bataille dans les années 1970 et 1980 contre Sterling Lyon et les autres. Et on sait que les droits des francophones sont protégés ici au Manitoba, ce sont des droits fondamentaux dans notre province.
Quelles mesures précises pensez-vous qu’il faut prendre pour assurer l’avenir du français au Manitoba?
WK : En matière d’éducation, on a besoin d’une autre école secondaire française à Winnipeg. J’ai parlé à beaucoup de parents francophones d’élèves du niveau primaire à Winnipeg. Ils disent qu’il n’y a pas assez d’espace dans les écoles françaises. Quand cette génération atteindra le niveau secondaire, ça deviendra encore pire.
Au niveau postsecondaire, je pense que l’Université de Saint-Boniface a une position importante dans notre communauté manitobaine. Je l’encouragerai à travailler encore plus dans la communauté et d’être le lieu de rassemblement d’un réseau de tous les francophones et de ceux qui veulent s’impliquer avec la communauté franco-manitobaine.
Dans le système de santé, de justice, de services aux femmes, on doit protéger les services en français. Avec le lien entre le service aux familles de la Province, et le programme de travail social à l’Université de Saint-Boniface, qui fait un travail très important, on doit leur donner notre appui.
Vous avez un bagage atypique pour un politicien…
WK :Quand j’étais jeune, j’ai vécu dans une Première Nation, et puis j’ai déménagé en ville. J’étais un jeune homme avec un problème de colère, qui luttait contre des dépendances. J’ai travaillé fort, et avec de l’éducation, l’appui de ma famille, des conversations difficiles avec moi-même, j’ai fait des changements positifs au niveau personnel.
Je suis dans une position unique, pour travailler avec d’autres jeunes hommes et femmes qui sont en train de lutter contre leurs défis. Je peux leur dire : J’étais où vous êtes maintenant, et si vous travaillez fort, si vous avez du respect, vous pouvez avoir une deuxième chance dans la vie.
Si on veut une société meilleure avec moins de problèmes sociaux, de crime, d’ignorance, qui doit changer? Ce sont des personnes comme celle que j’étais qui doivent changer. C’est du travail que j’ai fait avec des étudiants, des jeunes pris en charge par le gouvernement, dans Macdonald Youth Services et d’autres institutions. J’ai eu du succès sur ces questions-là, et c’est une de mes motivations pour être politicien.
Hydro Manitoba est un dossier provincial d’envergure en ce moment. Comment réconcilier les communautés affectées par les développements de Hydro Manitoba et les impératifs économiques de la province?
WK : La province a besoin de l’énergie renouvelable, et du développement économique de Hydro. Cela crée de l’emploi, et en même temps répond au changement climatique. Si nous avons des opportunités d’utiliser Hydro pour répondre à ces deux défis, il faut en même temps tenir compte des communautés autochtones, des communautés affectées partout. Nous avons besoin d’une approche qui est dirigée par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ce document dit que l’on doit respecter le droit des communautés à autoriser les projets avant qu’ils ne commencent.
Pour moi on travaillerait pour gagner l’appui et la permission, avant de construire des grands projets. Je pense qu’il est aussi important de regarder aux autres sources d’énergie comme l’énergie solaire ou éolienne.