La dualité linguistique au Canada est la préoccupation centrale de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). Son président, Jean Johnson, réclame 575 millions $ supplémentaires sur cinq ans pour le prochain Plan d’action sur les langues officielles. En attendant une réponse, la FCFA se fait alarmiste.

Par Gavin BOUTROY

Jean Johnson s’insurge. « On s’en va à la dérive, vers l’abandon d’une des valeurs principales du Canada : la dualité linguistique. La dualité linguistique, c’est plus qu’un concept, ce sont des citoyens. Nos citoyens dans nos communautés. On est la seule source capable de bâtir un Canada bilingue.

« Sur chaque dollar de la feuille de route 2013-2018, 60 cents vont aux gouvernements, 15 cents sont destinés aux anglophones et 25 cents aux communautés francophones. » un montant totalement inadéquat estime Jean Johnson. « Il faut regarder nos communautés, et se dire : Est-ce qu’on va les laisser s’éteindre, est-ce qu’on va les laisser mourir? »

Jean Johnson indique que les 575 millions $ sur cinq ans qu’il demande au gouvernement Trudeau, en plus du 1,1 milliard $ sur cinq ans du plan actuel, devraient être investis à deux niveaux.

« On envisage 300 millions $ sur cinq ans dans la création d’un continuum d’éducation, et 275 millions $ sur cinq ans vers des programmes qui existent déjà, mais qui sont sousfinancés. »

« Nos priorités sont fondamentalement les mêmes que celles de la Feuille de route, mais avec une approche différente. Ce qui nous différencie vraiment, c’est notre intention de créer un espace francophone hors Québec.

« Pour être capable de créer un espace francophone, il faut offrir un continuum d’éducation francophone. C’est à dire offrir des services à la petite enfance en français, offrir une scolarité et des programmes postsecondaires en français. Il faut qu’il y ait un choix que ce soit dans le domaine académique, ou technique et professionnel.

« On est à la table pour demander des investissements transformatifs, pour que le Plan d’action soit lui aussi de nature transformative. »

Malgré ses profondes inquiétudes, le président de la FCFA reconnaît avoir bénéficié d’un accès privilégié à la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, avec laquelle il a tenu cinq réunions formelles depuis qu’il a été élu à la tête de la FCFA, en juin 2017.

La Liberté a essayé plusieurs fois de rejoindre la ministre par téléphone, mais elle et Denis Paradis, le président du Comité permanent des langues officielles, n’étaient pas en mesure d’accorder une entrevue avant que le mesure d’accorder une entrevue avant que le journal n’aille sous presse.

La FCFA dénonce un manque de transparence

Alors que la Feuille de route pour les langues officielles 2013-2018 tire à sa fin, et avant l’annonce du financement du nouveau Plan d’action de cinq ans sur les langues officielles d’Ottawa, la FCFA a publié une analyse avec l’intention de clarifier la destination de transferts fédéraux en matière de langues officielles.

Résultat de l’analyse du consultant Ronald Bisson, présentée au Forum des leaders à Ottawa le 23 novembre 2017 : pour chaque dollar des 1,1 milliard de la Feuille de route 2013-2018, 25 cents vont aux organismes des communautés francophones en situation minoritaire, et 60 cents aux gouvernements territoriaux et provinciaux. Ce qui représente environ 57 millions $ par année pour des organismes francophones en situation minoritaire, et 134 millions $ pour les gouvernements.

Les paiements de transfert annuels en matière de langues officielles de Patrimoine canadien se chiffrent à 334 millions $, dont 34 % proviennent de la Feuille de route. Sur chacun de ces dollars, 88 cents vont aux gouvernements provinciaux et territoriaux. Les communautés francophones en situation minoritaire reçoivent 7 cents, dont 2 cents proviennent de la Feuille de route.

Le président de la FCFA, Jean Johnson, ne s’oppose pas à ce que des gouvernements provinciaux et territoriaux reçoivent des fonds pour les langues officielles dans des domaines comme l’éducation, ou la formation de fonctionnaires bilingues. « La difficulté, c’est la reddition de comptes pour les transferts du Fédéral aux provinces en matière de langues officielles. On perd de vue où vont les investissements. Ce n’est pas du tout vrai que ces fonds vont forcément directement à ce qui était prévu à l’origine de la Feuille de route : soutenir nos communautés. Lorsque les provinces et territoires reçoivent des fonds, elles en font ce qu’elles veulent, sans être obligées de rendre des comptes au gouvernement fédéral. »