Par Jean-Pierre DUBÉ (Francopresse)
Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a lancé un ultimatum au premier ministre lors d’une conférence de presse au Parlement le 29 janvier, au moment de la rentrée parlementaire.
«Les paroles ne suffisent plus, a déclaré le président Jean Johnson, nous avons assez attendu. Nous donnons au gouvernement deux mois pour poser des gestes significatifs dans le dossier des langues officielles.»
La frustration a monté d’un cran depuis la fin novembre, alors que la FCFA et ses 18 membres demandait formellement au gouvernement Trudeau de débloquer la somme additionnelle de 575 millions $ dans le cadre du plan d’action 2018-2023 pour combler 12 ans de lacunes dans l’appui aux communautés de langue officielle.
Selon le président Johnson, «le gouvernement parle, mais ne pose pas de gestes concrets». Il accuse Justin Trudeau de manquer de leadership en matière de dualité linguistique, d’autant plus que selon les rumeurs, les fonds demandés ne seront pas engagés.
Un ultimatum, et ensuite ?
Jean Johnson poursuit : «Lorsque le premier ministre s’engage par rapport à un dossier, les choses bougent. Cet engagement personnel envers les langues officielles, cette directive claire à l’appareil fédéral d’en faire une priorité, on l’attend encore. D’ici le 31 mars, nous voulons un plan conçu afin de faire une différence pour les francophones.»
Le politicologue Martin Normand apprécie l’initiative de Jean Johnson de rendre la FCFA plus visible au Parlement. «Ça peut être intéressant. Mais là où le bât blesse, c’est que la FCFA lance un ultimatum, mais ne dit pas ce qu’elle fera si l’ultimatum n’est pas respecté. Il faut qu’il y ait des conséquences. Sur ce plan-là, ça manque.»
Le stagiaire postdoctoral de l’Université d’Ottawa n’a aucun doute que le prochain plan d’action sera déposé avant la fin mars. «Si Trudeau ne fait pas de déclaration claire comme le souhaite la FCFA et que les 575 millions ne sont pas là, qu’est-ce qu’on va faire le 1er avril? Les organismes ne pourront pas se permettre de refuser le financement.»
Une insulte et une injure
Le chercheur s’interroge sur ce qui serait envisagé comme conséquence : «Déposer des plaintes au commissaire aux langues officielles ou aller devant les tribunaux sur la base de la Partie VII [de la Loi sur les langues officielles]? Il aurait fallu y réfléchir si c’est le vocabulaire qu’on voulait utiliser. [D’autant plus que] la FCFA semble dire que les échos ne sont pas très bons.»
Jean Johnson ne mâche pas ses mots : «Si ce qu’on entend comme rumeur se confirme, ce sera une insulte et une injure à notre communauté.» Il a rappelé que, malgré les pressions de la FCFA, aucune rencontre n’a eu lieu avec Justin Trudeau depuis l’élection fédérale de 2015. «Il y a toujours une hésitation du Bureau du premier ministre de rencontrer les communautés.»
L’organisme n’a pas non plus réussi à s’approcher du ministre des Finances, Bill Morneau. Le président a fait savoir que la FCFA allait retourner sur la Colline du Parlement pour rencontrer les députés et sénateurs, comme à chaque année au début mars, pour une journée d’action intitulée Équipe francophonie. Une initiative que valorise Martin Normand. «Il faudrait rencontrer ceux qui ont le pouvoir de changer les choses, estime Martin Normand. [Que Justin Trudeau n’ait pas rencontré la FCFA], c’est un indicateur clair que la dualité linguistique n’est pas une priorité d’action du premier ministre, ce n’est pas du tout sur le radar du gouvernement. On le voit dans les consultations, les grandes annonces, comme le Canada 150.
« C’est comme si pour eux la question de la dualité linguistique est réglée et on devrait passer à autre chose. »