Pour Neil Watson, le cinéma est plus qu’une expérience visuelle. C’est un tremplin pour se laisser pénétrer par le jazz. Justement, le cinéma va fournir au saxophoniste de l’Orchestre de jazz de Winnipeg la chance de partager ses charts préférées.

Par Daniel BAHUAUD

Neil Watson dirigera l’Orchestre de jazz de Winnipeg pour la toute première fois le 11 février lors du concert City of Stars, qui proposera diverses musiques de film signées Duke Ellington, Hank Levy, Noble Sissle et Elmer Bernstein. (1)

Une occasion inouïe pour le saxophoniste de vanter la qualité du répertoire du jazz au cinéma. « Souvent, quand on dit musique de film, les gens pensent tout de suite à Star Wars, à John Williams et aux grandes partitions orchestrales. Ça se comprend. Mais il y a tout un pan du cinéma qui a été accompagné, soutenu et magnifié par le jazz.

« Ado, j’avais assisté à une soirée de cinéma rétro où on avait projeté Paris Blues, le vieux film avec Paul Newman. Duke Ellington avait composé la trame musicale. C’est Ellington qui est l’âme véritable du film. Son talent pour évoquer une ambiance était sans pareil. Il y a un petit moment où Paul Newman se trouve devant la basilique du Sacré-Coeur à Montmartre.
« Au beau milieu d’un morceau déjà emballant, Ellington a ajouté une fioriture unique pour accompagner une envolée d’oiseaux. Soudain, un moment bien ordinaire, banal même, s’est métamorphosé en un élan presque transcendant. »

Animé par ce souvenir, Neil Watson a choisi de faire projeter quelques brefs extraits des films dont l’orchestre jouera la musique.

« Les pièces sont excellentes en soi. J’aurais pu les présenter comme de la musique absolue. Mais je veux fournir le contexte originel de ces compositions, pour qu’on puisse absorber le ton et l’ambiance du film. Et constater combien l’élément musical laisse une empreinte mystérieuse sur la psyché. »

« Je veux fournir le contexte originel de ces compositions, pour qu’on puisse absorber le ton et l’ambiance du film. Et constater combien l’élément musical laisse une empreinte mystérieuse sur la psyché. »
Neil Watson

Ainsi, les mélomanes auront droit à de courtes scènes de Whiplash, Kansas City et La La Land, ou encore des classiques d’Otto Preminger, Anatomy of a Murder et The Man with the Golden Arm.

« Whiplash est mémorable pour son exploration d’une pédagogie extrême qui dérape. Un jeune batteur doit se soumettre à la tyrannie de son prof de musique, qui lui fait jouer des morceaux de jazz complexes et difficiles à maîtriser, notamment les célèbres Caravan de Duke Ellington et Whiplash de Hank Levy. Comme le Kansas City du cinéaste Robert Altman, où on peut entendre le Yeah Man de Noble Sissle, c’est un excellent exemple d’un film qui fait appel à des compositions qui existent préalablement.

« Comme Swing Kids, un film qui raconte la vie d’ados allemands passionnés de musique Big Band à l’époque du Troisième Reich. Une musique que l’État nazi tenait pour dégénérée. Pour rappeler ce film, l’orchestre va jouer It Don’t Mean a Thing if it Ain’t got that Swing d’Ellington.

« Anatomy of a Murder nous montre ce que peut produire un musicien de jazz – Duke Ellington – lorsqu’il compose expressément pour un film. The Man with the Golden Arm, en revanche, est l’archétype d’une musique jazz écrite par un pro de Hollywood. Elmer Bernstein est surtout connu pour les Dix Commandements, The Magnificent Seven ou encore To Kill a Mockingbird.
« Ce qui n’a pas empêché son sujet, qui dépeint un Frank Sinatra toxicomane, de devenir un classique du répertoire de jazz. Nous utiliserons un arrangement de Terrence Blanchard qui accorde beaucoup de place à l’improvisation. Après tout, l’improvisation, elle est au coeur même du jazz! »

(1) City of Stars sera présenté le 11 février à 14 h et à 19 h 30 à la salle Muriel-Richardson du Musée des Beauxarts de Winnipeg, situé au 300, boulevard Memorial. Billets : 204-632-5299 ou [email protected]