Comment raconter 200 ans d’éducation en français dans l’Ouest dans une pièce de théâtre? C’est le défi derrière le Projet 200, monté par la troupe universitaire des Chiens de Soleil (1). Un spectacle, qui, en 15 tableaux et une centaine de personnages, propose un regard neuf et original sur ces deux siècles d’école.

par Valentin CUEFF

Difficile en une heure et demie de retracer l’histoire de l’instruction française au Manitoba, de l’arrivée de l’abbé Provencher à la Colonie de la Rivière-Rouge, en 1818, à nos jours.

Quitte à faire des concessions, l’équipe derrière le Projet 200 a préféré la relecture teintée d’humour plutôt que la leçon d’Histoire plate.
Menée par la comédienne bonifacienne Marie-Ève Fontaine, la troupe des Chiens de Soleil a préparé un spectacle d’envergure, qui implique une vingtaine de comédiens, de musiciens et de techniciens. À l’appui : des vidéos, des projections, des enregistrements sonores, et une musique qui sera jouée sur scène.

Ariane Freynet-Gagné, étudiante en deuxième année de psychologie, a pris part à la création de la pièce. Plus habituée à être sous les feux des projecteurs, elle s’est essayée cette fois à l’écriture et la mise en scène, sous la direction de Marie-Ève Fontaine.
« Je vais être à la régie de plateau. Je suis un peu la commandante en chef de tout ce qu’il se passe dans les coulisses. Je m’assure que les gens sont en costumes et prêts à entrer sur scène. »

Le Projet 200, pour elle, a pour but de mettre du relief et de la couleur dans ces décennies passées à transmettre la langue.
« On a apporté beaucoup d’humour dans le projet. C’est important de pouvoir rire de soi-même et des choses qui se sont passées ici. »

Une création collective

Tout a commencé, explique-t-elle, par une réunion d’information publique qui a permis de collecter des idées.

« Il y avait une quarantaine de personnes. Nous avons lancé ce que Marie-Ève appelle des chantiers. Par exemple, chantier géographie, chantier musique… Des thèmes qui ont ensuite été assignés à des gens. »

Attention toutefois : il est question de revisiter l’Histoire, mais pas de la déformer. La troupe a pris soin de vérifier ses informations. Elle a notamment été épaulée par le président de la Société historique de Saint-Boniface, Michel Lagacé.
« On ne voulait pas dire de choses fausses », explique l’assistante à la mise en scène. « L’idée était de faire un retour sur les 200 ans d’éducation, interprétés par des jeunes d’aujourd’hui. »

Échange d’idées, improvisations… De fil en aiguille, et grâce à la contribution des participants, le projet a pris forme.

« Les jeunes ont été impliqués dès le début dans le processus. Ils ont lancé des idées, ont fait des recherches pour le texte. On ne leur a donc juste dit : Voilà le texte à apprendre. C’est ce qui nous a permis d’avoir une diversité de jeunes. »

De jeunes, et de moins jeunes. Parmi les interprètes, on retrouve aussi bien l’ancien directeur du Musée de Saint-Boniface et acteur Philippe Mailhot, que des nouveaux arrivants, comme Dorianne Tchipgang, étudiante d’origine camerounaise installée à Winnipeg depuis quelques mois.
« On est environ neuf nationalités à monter sur scène », précise l’apprentie dramaturge.

Plus qu’une leçon d’Histoire, une réflexion sur le présent

Une diversité qui a permis d’alimenter les discussions. Si l’on s’accorde à porter un regard critique sur le passé de l’Université, comment voit-on celle d’aujourd’hui?

« On avait des opinions opposées sur certains sujets. Comme le mélange entre les cultures à l’USB par exemple. Certains disaient que les gens se mélangeaient. D’autres avançaient que ce n’était pas le cas. Je me demandais, Comment peut-on mettre en place un spectacle avec des opinions si différentes? »

Ariane Freynet-Gagné raconte que cette expérience lui a « ouvert les yeux à toutes sortes de réalités » :
« L’Histoire est souvent racontée par la majorité. Mais quand on a du recul et qu’on porte un nouveau regard sur les événements, il y a des choses non-dites qui méritent d’être mises en avant. À la fin du projet, on se dit qu’on a encore beaucoup de progrès à faire en tant que communauté. »

 


(1) Projet 200, une pièce écrite et mise en scène par Marie-Ève Fontaine, présentée du 21 au 24 mars à 20 heures (Salle Martial-Caron, Université de Saint-Boniface).
Interprètes : Cody Acres, Briand Assobangue, Soultoine Azihari, Magalie Baruti, Mélanie Bédard, Julie-Anne Delaquis, Sean Foster, Stéphane Grégoire, Monique LaCoste, Philippe Mailhot, Bailey Palamar, Juliette Riou, Rachelle Rocque, Tinzanga Abel Sogoba, Dorianne Tchipgang, Denise Westra.
Musique : Joseph Peloquin-Hopfner
Coordination et régie : Sarah Gagné
Conception d’éclairage : Ainza Bellefeuille
Costumes : Jannelle Tougas
Direction photo : Jonathan Lorange
Direction technique : Gaétan LaRochelle

Plus d’information sur la page Facebook de l’événement.