Pour la première fois, l’Opéra du Manitoba coproduit avec quatre autres compagnies canadiennes. Première aussi, pour Alain Gauthier. Le metteur en scène montréalais régie le célèbre ouvrage de Verdi pour la première fois. Et la soprano américaine Angel Blue fait ses débuts sur une scène canadienne. (1)

Par Daniel BAHUAUD

Alain Gauthier, le régisseur de l’Opéra de Montréal, s’estime « plus que choyé de travailler avec l’Opéra du Manitoba » :

« J’ai souvent assisté à la régie de La Traviata et j’ai assisté à de nombreuses représentations. C’est un grand opéra, un véritable classique. Un drame humain, très psychologique, qui en dit beaucoup sur les relations de couple et le jugement que subissent les amoureux, à cause des attentes des parents et de la société. Je peux enfin y apporter mes observations, mes touches, tout en travaillant avec Angel Blue. La Californienne vient juste de chanter la Mimi de Puccini au Metropolitan Opera de New York. Le ténor Adam Luther et le baryton James Westman sont des Canadiens qui ont une réputation internationale. L’Opéra du Manitoba a fait un bon coup. Ces trois principaux chanteurs, qui jouent Violetta, Alfredo et Germont sont vraiment de haut niveau. »

Aux yeux du metteur en scène, le grand attrait de la nouvelle production, est l’époque choisie pour mettre en relief la tragédie du couple.

« C’est Michel Beaulac, le directeur artistique de l’Opéra de Montréal, qui a suggéré de situer le drame dans le Paris des années 1920. Ainsi, Angel Blue, qui est afro-américaine, fera penser un peu à la chanteuse Josephine Baker. Dans La Traviata, Violetta est admirée et adulée dans son milieu. Mais elle craque, confrontée par Germont, le père d’Alfredo. Le milieu des années 1920 ajoute un nouvel aperçu au drame, en faisant un commentaire sur les artistes de l’époque, surtout ceux de couleur. Violetta sera la seule afro-américaine dans l’opéra.

« L’opéra La Traviata a été joué pour la première fois en 1853. La présentation classique est celle, donc, de la grande bourgeoisie parisienne du 19e siècle. Dans ce milieu, Violetta est une courtisane. Dans notre version, elle sera une artiste de cabaret entretenue par des amants riches.

« Violetta est un personnage fascinant. C’est une femme solide qui comprend et fait appel à sa sexualité. Elle fait le calcul rationnel de ses relations amoureuses, pour maximiser son statut social et sa sécurité. Mais à son grand étonnement, cette femme qui ne croit pas en l’amour se met à y croire. Elle aime Alfredo passionnément. Mais elle croule sous la pression de Germont. Elle choisit de l’abandonner pour sauver son image sociale. Au bout du compte, elle et Germont se rendent compte de leur erreur. Mais tout arrive trop tard. »

Pour Alain Gauthier, monter un opéra est « un travail ardu, intense ». « Je répète présentement avec les chanteurs et le choeur de l’Opéra du Manitoba. Je porte beaucoup d’attention au deuxième acte, puisque c’est là que le choc des générations entre père et fils, et par conséquent la rupture du couple, se fait le plus ressentir.

« Et puis bien sûr, il y a tous les éléments disparates à rassembler, afin d’assurer l’unité dramatique. C’est une toute nouvelle production, le fruit du travail des opéras du Manitoba, de Montréal, d’Edmonton, de Vancouver et du Pacific Opera de Victoria. Les costumes sont du Pacific Opera, les décors de l’Opéra d’Edmonton. Je n’ai jamais travaillé avec Angel Blue, ou encore l’Opéra du Manitoba. Tout est à organiser. C’est stimulant! »

(1) L’opéra La Traviata sera présenté le 14 avril à 19 h 30, le 17 avril à 19 h et le 20 avril à 19 h 30, à la Salle du centenaire, située au 555, rue Main à Winnipeg. Billets : 204-957-7842.