Date butoir pour le Comité du Monument Georges-Forest : d’ici le 31 mai, il doit assurer la Ville de Winnipeg que son projet avance de manière satisfaisante. Sinon, il devra remettre les 25 000 $ qui lui avaient été versés le 15 juin 2017.

Par Daniel BAHUAUD

Au moment d’aller sous presse, voilà quelles étaient les positions des principaux acteurs.

Marcien Ferland, président du comité du Monument Georges-Forest :

« Le comité se rencontrera très prochainement pour discuter de la situation, dont la Ville de Winnipeg nous a fait part. En ce moment, je ne peux pas répondre pour le comité. » (1)

Mathieu Allard, conseiller municipal de Saint-Boniface :

« Le Comité Riel a approuvé cet octroi, prélevé du Fonds de réserve pour les terrains de la Ville. J’ai puisé 23 000 $ de ce fonds, et Brian Mayes, le conseiller de Saint-Vital, en a pris 2 000 $ du même fonds. Cet octroi est conditionnel à la satisfaction de la Ville, qui a mis de côté un espace au parc Provencher pour le monument. L’administration municipale demande donc d’être remboursée si le projet n’aboutit pas. Et je suis du même avis. Le Comité du Monument Georges-Forest a été mis au courant de la situation, par courriel.

« Je suis déçu. J’avais confiance dans l’habileté du Comité du Monument Georges-Forest de mener à bien ce projet important pour la communauté. J’ai encore espoir qu’on pourra arriver à résoudre l’impasse actuelle. J’ajouterais que j’ai reçu plusieurs commentaires positifs à l’égard du buste proposé par Miguel Joyal. La grande majorité des gens qui m’en ont parlé sont de l’avis qu’il s’agit d’une reproduction fidèle de l’image de Georges Forest. »

Miguel Joyal, sculpteur :

« Le Comité du Monument Georges-Forest pense que mon buste ne ressemble pas à Georges Forest. Je ne suis pas d’accord.

« On m’avait donné une photo, en me demandant de faire un buste qui ressemblerait à cette photo. J’ai accepté, mais en soulignant au comité qu’une photo, prise d’un seul angle, ne pouvait pas être la seule et unique inspiration d’un buste en trois dimensions, qui peut être vu de toutes sortes d’angles. J’ai montré une autre photo de Georges Forest, vu de devant, au comité, pour leur indiquer qu’il fallait tout de même travailler avec plusieurs photos.

« Le 12 janvier, j’ai présenté mon buste à quatre membres du comité. Trois d’entre eux l’ont approuvé. Pourtant, on m’est revenu plus tard avec une demande de faire des changements, en m’indiquant que le buste ne ressemblait pas assez à la photo que le comité m’avait donnée. J’ai changé la texture de la barbe. Et des sourcils. Et j’ai ajouté plus de profondeur aux pupilles.

« J’ai fait ces changements de bonne foi, même si j’avais l’impression de détruire mon oeuvre. Ensuite, j’ai pris trois photos du buste, du même angle que la photo qu’on m’avait donnée, et je les ai envoyées au comité. Au bout d’une semaine et demie, j’ai été invité par le comité pour discuter d’autres changements. J’ai refusé. Des changements avaient déjà été faits. Comme sculpteur, je suis convaincu que j’ai accompli la tâche qu’on m’a confiée. Pour moi, le buste est achevé. Faire des retouches sur des retouches, je n’ai jamais vu ça dans mes 40 ans comme sculpteur. C’est de la microgestion.

« Le budget pour le projet achevé est de 30 000 $. On m’a déjà payé 20 000 $. Le 10 000 $ qui reste, c’est pour couler mon travail en bronze et pour le transporter au parc Provencher. Si le comité ne va pas de l’avant avec mon buste, je considère que j’ai été payé. Je ne réclame rien de plus du comité. »

(1) Marcien Ferland a exprimé son point de vue circonstancié sur le buste de Miguel Joyal dans Hommage à Georges Forest : le monument en juin ou à l’automne, à la page 8 de La Liberté du 18 avril


Deux autres points de vue, du monde des arts visuels

Éric Plamondon, ancien directeur de la Maison des artistes visuels francophones :

« Le Comité du Monument Georges-Forest aurait dû avoir des membres avec de l’expertise en arts visuels. Parce qu’exiger une reproduction fidèle d’une photo particulière, ce n’est pas évident. Si c’est ce qu’on cherche, il faudrait utiliser une imprimante 3D avec la photo. C’est un processus technologique. Il n’y a rien d’artistique là-dedans.

« Il faut permettre l’interprétation artistique au sculpteur. Lui demander de peaufiner un regard, un nez, etc., d’habitude, on ne le fait pas. »

Madeleine Vrignon, sculptrice :

« Comme Miguel Joyal, j’ai des bustes à la Promenade de la renommée du parc Assiniboine. Quand on vient chercher un artiste et qu’on lui demande d’être un spécialiste en ressemblance, ce n’est pas trop de lui demander une retouche. J’en ai déjà faites. Je suis ouverte à ça.

« Demander plus de retouches? C’est épineux. Ça dépend de l’entente contractuelle. Il faut que les conditions soient clairement exprimées. Savons-nous ce qu’on veut vraiment de l’artiste? En a-t-on discuté clairement avec lui? Il faut s’assurer bonne communication. »