Depuis 2001, le Parlement du Canada nomme tous les deux ans un poète officiel, chargé d’écrire des poèmes pour des cérémonies officielles et de contribuer à l’enrichissement de la bibliothèque de l’institution. Des responsabilités confiées en ce moment à la poète acadienne Georgette LeBlanc.
Par Valentin CUEFF (Colaboration spéciale) et Daniel BAHUAUD
Vous êtes en fonction depuis le 24 janvier 2018. Comment devient-on poète officiel?
Georgette LeBlanc : Il faut d’abord écrire. Beaucoup. Et pendant plusieurs années. Il faut aussi envoyer son dossier à la Bibliothèque du Parlement. C’est moi qui ai posé ma candidature. On peut aussi être parrainé. Le poste me fascine. L’idée que le gouvernement canadien accorde une place à la poésie, que je poursuis et que je pratique depuis toujours, ça ne pouvait que piquer ma curiosité et mon intérêt. Heureusement, les présidents de la Chambre des communes et du Sénat, en consultant un comité spécial, ont cru que j’étais la personne qualifiée.
Depuis 2001, on alterne entre des francophones et des anglophones…
G. L. : Je suis la huitième poète officielle. J’écris en français, comme Pauline Michel, Pierre Desruisseaux et Michel Pleau, ceux qui m’ont précédée. J’écris des poèmes de circonstances. Pour des cérémonies officielles et lors d’évènements qui touchent le pays. Dans bien des pays, poète officiel, c’est un poste qui date depuis longtemps. Je m’inscris dans une bonne, une vieille tradition.
Vous faites aussi des lectures de poèmes et encouragez la réflexion sur la poésie…
G. L. : Pour moi, la poésie, c’est la création tout court. En grec, poiêsis signifie création. C’est aussi la liberté. C’est créer et s’exprimer comme individu. J’écris en vers libres, librement créés. Je veux rester aussi libre que je peux, en partageant mon expérience personnelle. Et dans un sens, créer et demeurer libre, c’est un idéal pour tous les Canadiens. On apporte le meilleur de soi au groupe, pour voir comment on peut contribuer à la société.
Vous avez contribué une perspective toute acadienne…
G. L. : C’est vrai. Ce n’est pas forcément mon objectif, mais on finit tous par raconter qui on est. Je suis acadienne. J’ai passé la majeure partie de ma vie à Pointe-à-l’Église, sur la baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse. Mon premier livre, Alma, tourne autour d’un incident moins connu de l’Histoire des Acadiens. C’est quelque chose qui m’avait été transmis oralement. Donc pas bien documenté dans nos livres d’histoire. Heureusement, l’histoire acadienne, dans toute sa richesse, commence à être racontée dans les écoles acadiennes. Et tant mieux! Quand j’étais au secondaire, on mentionnait un tout petit peu la déportation de 1755. And that’s it.
Vous espérez faire rayonner le passé acadien…
G. L. : En partie. Je suis sensible à l’Histoire, et je veux que la Bibliothèque du parlement puisse faire rayonner l’Histoire du Canada dans toute sa richesse. Ce qui comprend celle de l’Acadie. Évidemment, la poésie, c’est plus que son petit coin du monde. La création artistique est ouverte à tous. Quelque part, tout le monde est poète. Parce que tout le monde peut s’exprimer. Tout le monde a accès à sa propre voix. Et aujourd’hui, en 2018, il y a tellement de moyens d’écrire et de partager sa poésie. Les médias sociaux par exemple. La poésie, c’est aussi un travail. Des fois, le temps que ça prend pour écrire quatre vers, c’est toute sa vie. L’inspiration conduit à une création spontanée. Un petit moment de la vie nous parle, nous communique quelque chose d’inattendu sur un geste, un évènement. Le travail littéraire, c’est méditer sur ce moment.