Stanford, Columbia, Carlton, Denver, University College de Londres, Goldsmiths University of London et Oxford. Tout juste diplômée de l’Université du Manitoba, Johise Namwira, ancienne élève de la DSFM, a été acceptée dans ces sept universités de renom.

Par Manella VILA NOVA

Quand elle avait 15 ans, Johise Namwira a accroché une liste d’objectifs à atteindre sur le mur de sa chambre. « Depuis que je suis petite, je note des choses que je veux accomplir. Sur cette liste, j’avais mis : postuler dans les meilleures universités du monde. »

Cette année, à 21 ans, elle s’est lancée, et son ambition a payé. « J’ai décidé d’aller faire une maîtrise à Oxford pour travailler sur un projet de recherche sur l’extraction des ressources naturelles, dans le programme d’études africaines. C’est le programme qui correspondait le mieux à mes projets, et c’est un honneur pour moi d’aller étudier dans la même université que Malala Yousafzai. »

Johise Namwira attribue son succès au fait d’avoir su rester elle-même. « Quand j’ai envoyé mes candidatures, j’ai pris le temps de réfléchir aux qualités que j’avais qui pouvaient me distinguer. Ces universités recherchent des personnes intelligentes et uniques. Pour moi, c’est mon identité congolaise-canadienne qui fait la différence. J’ai parlé du travail que j’ai fait dans ma communauté, et de ce que j’aimerais accomplir avec mes diplômes. »

Les parents de Johise Namwira ont dû fuir leur pays alors qu’elle n’avait que deux ans. « Je suis née en 1997, au milieu de la première guerre du Congo. Mes parents ont laissé toute leur vie, toute leur famille et sont partis avec mon frère et moi, et les documents essentiels. Je ne me souviens pas du voyage, mais parfois, ma famille me raconte une histoire, et j’ai des flashs. Je pense que même si j’étais très jeune, ça m’a laissé un stress traumatique secondaire. »

Pour Johise Namwira, cet exil forcé est à l’origine de la passion qu’elle a pour l’histoire de l’Afrique. « Je suis venue d’un pays en guerre et j’ai grandi avec ces histoires. Mes parents nous ont élevés au Canada, nous avons eu le privilège d’être Canadiens, mais ils nous ont toujours rappelé d’où on venait. »

Le fait de connaître ses origines est essentiel à ses yeux. « Certains ont une mentalité de se détacher de ce qui se passe en Afrique lorsqu’ils s’en vont. Or, si on oublie nos origines, les histoires et les personnes vont disparaître. Mais pour nous qui avons vécu ces situations, c’est impossible d’oublier. C’est une partie de nous qui nous suit partout où on va. Mon histoire, c’en est une parmi d’autres. Beaucoup d’immigrants en ont des similaires. »

À son arrivée au Canada, la famille Namwira a d’abord vécu à Ottawa, puis à Guelph, où le père de Johise a effectué une maîtrise universitaire. Ils se sont installés à Winnipeg juste avant qu’elle n’entre à l’école. « Mes parents m’ont raconté que l’un des ajustements les plus difficiles était le travail, car leurs diplômes n’étaient pas reconnus ici. Ils ont travaillé dans des conditions difficiles pendant plusieurs années avant d’avoir des postes dans leurs domaines. Ils n’avaient pas grand chose, mais ils nous ont donné tout ce qu’ils pouvaient. Maintenant, mon père fait un doctorat à l’Université de Birmingham, en Angleterre. Peut-être que c’est de lui que je tiens mon ambition. »

Johise Namwira était élève à l’école Noël-Ritchot quand elle a commencé à s’intéresser aux droits de la personne. « C’est un sujet qu’on a commencé à aborder en 3e ou 4e année, et j’étais fascinée. J’ai continué à explorer ce domaine au secondaire au Collège régional Gabrielle-Roy, où j’ai suivi un cours de droit en 11e année. J’ai vraiment adoré. »

Au secondaire, Johise Namwira a aussi trouvé des façons d’attirer l’attention de ses camarades sur les sujets qui lui tenaient à coeur. « Pour la Journée du Souvenir, l’enseignante Monique Guénette a travaillé avec moi sur une présentation à propos des enfants-soldats, pour mettre l’accent de cette célébration sur des situations auxquelles on ne pense pas forcément. »

Après avoir terminé le secondaire avec une année d’avance, Johise Namwira est entrée à l’Université du Manitoba où elle s’est tournée vers des études sur les femmes et le genre. « J’ai bénéficié d’un enseignement pluridisciplinaire qui m’a aidée à réaliser une thèse sur la brutalité policière aux États-Unis d’un point de vue sociohistorique pour le programme de baccalauréat honneur. » Johise Namwira réalise en ce moment un stage estival de quatre mois au Département du patrimoine canadien à Ottawa avant de s’envoler pour faire sa rentrée à Oxford.

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La perspective unique des jeunes d’Afrique

La réussite de Johise Namwira a émerveillé sa famille. « Je suis la première à aller dans une université aussi prestigieuse, alors c’est un moment marquant. La majorité de ma famille est en Afrique. Je n’ai que peu d’informations sur notre histoire. Étudier l’histoire de l’Afrique, c’est une façon pour moi d’en savoir plus sur mes origines. »

Johise Namwira souhaite partager ses découvertes avec le reste du monde. « 2015-2024 est la décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. Maintenant plus que jamais, c’est le moment de s’investir dans l’histoire africaine. Les jeunes doivent se lancer, car nous avons une perspective unique. Pour moi, c’est presque une responsabilité de dire que je veux faire une différence et essayer de rétablir l’histoire de l’Afrique. »

Et si aujourd’hui, Johise Namwira revendique avec fierté sa part d’identité congolaise, ça n’a pas toujours été le cas. « J’ai un nom atypique, et j’ai mis du temps à en être fière. À l’école, je voulais juste être comme les autres. Mais à l’université, je me suis investie dans des évènements. J’y ai rencontré des personnes comme moi, avec des histoires marquantes. Là, j’ai commencé à apprécier d’où je viens, et à questionner où je veux aller. À présent, quand je participe à des évènements politiques, mon nom est une partie de moi, et j’espère qu’il pourra inspirer d’autres jeunes avec des noms qui sortent de l’ordinaire. »

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Ouvrir des portes

Toujours à la recherche de nouveaux défis, Johise Namwira n’a pas hésité à s’impliquer dans une multitude de projets pendant sa scolarité.

« En 11e année, j’ai participé au documentaire Un musée pour l’humanité, à propos du Musée canadien pour les droits de la personne. Pendant mes années universitaires, j’ai fait partie du Youth Parliament of Manitoba, ainsi que de six groupes étudiants. J’ai également prononcé un discours de clôture à la Women’s March de Winnipeg. »

Son investissement lui a ouvert de nombreuses portes. « L’an dernier, pour le 100e anniversaire du droit de vote des femmes, le groupe Equal Voice a choisi des femmes de tout le Canada. Le 8 mars, nous nous sommes rendues à Ottawa, avons siégé au Parlement et avons participé à diverses sessions. » L’été suivant, elle a participé à un programme intensif d’été à l’Organisation des Nations unies (ONU). « J’étais très intéressée par ONU Femmes et par le Conseil de sécurité. »