Quand elle était enfant, Sophie Bissonnette n’avait pas d’intérêt évident pour un sport particulier. Ses parents ont donc décidé de l’inscrire au baseball, la passion de son père, Marc Bissonnette. Devenue elle-même amoureuse du sport, elle a joué pendant 15 ans dans des équipes masculines, puis féminines.

Par Manella VILA NOVA

À ses débuts, le baseball était surtout l’occasion pour Sophie Bissonnette de passer du temps avec son père. « Il m’a toujours entraînée, et ça me plaisait beaucoup d’avoir ces moments avec lui. Dans ma première équipe, il y avait six filles et un garçon. Au fil des années, il y a eu de moins en moins de joueuses, jusqu’à ce que je sois la seule de mon équipe. »

Une situation qui a quelque peu préoccupé ses parents. « Ma mère était inquiète que je ne sois qu’avec des garçons. Mes parents m’ont proposé de passer au softball, pour être avec d’autres filles. Mais pour moi, c’est un sport complètement différent, et je ne voulais pas arrêter le baseball. »

Sophie Bissonnette n’a senti une différence que quand elle a commencé à jouer à haut niveau. « L’entraîneur me traitait comme les autres joueurs. Mais je n’étais pas la meilleure, et je sentais que je devais travailler plus fort, parce qu’il y avait des préjugés. Quand il y a 12 garçons et une fille sur le terrain, on remarque la fille et on prête plus attention à ce qu’elle fait. Mais j’avais ma place dans l’équipe, et j’étais prête à tout pour y rester. »

À 14 ans, Sophie Bissonnette a rejoint l’équipe provinciale de baseball féminin. « Ma première année dans cette équipe coïncidait avec le retour de l’équipe féminine provinciale, qui avait disparu en raison du manque d’intérêt pour ce sport. Comme on venait de partout au Manitoba, on n’avait pas beaucoup de pratiques. Alors j’étais obligée de continuer à m’entraîner avec les garçons dans une équipe de ligue. »

Avec cette équipe, la joueuse a voyagé à travers le pays. « J’y ai joué pendant cinq ans. J’ai participé à plusieurs championnats. À Halifax, on est arrivées troisièmes. Au Québec, on a fini quatrièmes, et à Toronto, on a été vice-championnes. »

Marc Bissonnette est devenu co-entraîneur de l’équipe pendant la deuxième année de sa fille. « Sophie a adoré ses expériences avec les garçons et avec les filles, même si c’était plus facile pour elle d’être une meneuse avec les filles. Le souci avec une équipe féminine, c’est qu’il n’y a pas d’autres équipes dans la province contre qui s’entraîner. Nous avons joué contre des garçons pour nous préparer au tournoi national féminin. C’était une erreur, parce qu’à cet âge, les filles et les garçons ont des façons de jouer très différentes. »

Il se souvient d’un incident lors d’une rencontre de l’équipe de filles 16U contre une équipe de garçons de Portage-la-Prairie. « Pour moi, l’esprit sportif est très important. Ces joueurs se moquaient constamment de mes joueuses, qui les menaient d’un bon score. Leur entraîneur ne réagissait pas, alors j’ai dit à mes filles de continuer comme ça, pour leur donner une leçon d’humilité. Mais ce genre de situation était assez rare. »

Malheureusement pour ces passionnées, le baseball féminin n’offre pour l’instant aucun débouché. « Il n’existe pas de ligue professionnelle de baseball féminin, parce que le nombre de joueuses n’est pas là. Le Canada possède une équipe nationale, mais les filles savent qu’elles n’ont aucune possibilité de carrière. »

Cependant, Sophie Bissonnette ne perd pas espoir. « Quand j’étais petite, je voulais être la première fille en ligue majeure. Puis j’ai réalisé à quel point ça serait difficile, et j’ai décidé que ça resterait une passion. Mais je pense que le plus important pour les filles motivées, c’est de continuer à jouer et d’exposer le monde à voir des filles dans des activités qui étaient à l’origine faites pour les garçons. »

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Des efforts pour retenir les joueuses de baseball

Baseball Manitoba dessert aujourd’hui plus de 10 000 joueurs, dont 1 500 filles. Dans le but d’attirer plus de joueuses, l’organisme a mis sur pied des programmes spécifiques, comme l’explique Jason Miller, directeur exécutif. « En 2008, nous avons lancé la journée du baseball féminin. Nous avons vu que cette initiative commençait à s’essouffler, alors cette année, nous avons débuté un programme de huit semaines inspiré de ce qui avait été fait à Toronto pour des filles de 4 à 12 ans. Nous avons eu 40 participantes, et espérons augmenter ce chiffre dans les années à venir. »

En 2013, des équipes provinciales ont commencé à voir le jour. « À présent, nous proposons quatre programmes différents : une équipe 12U, une 13U, une 16U et une 21U. 12 ans est l’âge auquel beaucoup de joueuses abandonnent ou passent au softball. Nous pensons qu’en développant une ligue séparée pour les filles, nous parviendrons à les garder intéressées plus longtemps. Nous aimerions aussi avoir une ligue senior, mais nous n’avons pas encore assez d’effectifs, et il serait très difficile de trouver des équipes contre lesquelles jouer. »

L’un des principaux freins au choix du baseball pour les filles est le manque de débouchés. « Il n’y a pas de bourses universitaires ou d’opportunités de jouer en ligue professionnelle. La seule ouverture est l’équipe canadienne de baseball, qui compte 15 à 20 joueuses. Mais même dans cette équipe, les joueuses ne peuvent pas vivre de leur sport, elles ont toutes un emploi à côté. »