Pharmacien de formation, Sophon Chhin oeuvre aujourd’hui dans un autre genre de laboratoire : la cuisine de sa propre pâtisserie. Sa volonté? Importer la culture raffinée des desserts parisiens aux Winnipégois.

Par Morgane LEMÉE

Tout petit déjà, Sophon Chhin avait le bec sucré. Gourmand, curieux, il s’essayait à la cuisine avec ses parents, réfugiés cambodgiens en Thaïlande, puis immigrants au Canada lorsque Sophon Chhin avait deux ans. Pourtant, l’amateur de sucreries laisse cette passion de côté et deviendra… pharmacien. Le choix de la sécurité, jusqu’au jour où son besoin de créativité le rattrape. « J’ai commencé à me lasser, à avoir besoin de changement. J’avais ce besoin de créer quelque chose qui donne du plaisir aux gens. La pâtisserie, c’est une combinaison de présentation et de goût. C’est de l’art. Il y a tant de possibilités de création. C’est cette liberté qui me plait le plus. »

Il commence alors chez lui, tout simplement dans sa propre cuisine. Il plonge avec ardeur dans l’art de la pâtisserie, en s’inspirant de grands noms français, comme Pierre Hermé. Ce chef pâtissier de renom devient vite son modèle, surtout en matière de macarons. « Au début, la technique était difficile à acquérir. Mais je suis acharné. Les gens aimaient ce que je faisais et m’encourageaient. Ça me poussait à me perfectionner encore plus. »

Un jour, Sophon Chhin laisse la passion prendre le dessus : presque sans économie en poche, il lâche tout et s’envole pour Paris, afin d’intégrer l’école gastronomique Bellouet Conseil, internationalement connue dans le monde de la pâtisserie. « C’était le pari le plus fou de ma vie! Certains me trouvaient irréaliste d’avoir l’ambition d’ouvrir ma pâtisserie juste après la formation. J’adore les défis et prouver aux gens de quoi je suis capable. D’accord, je suis toujours en train de payer ce voyage fou. Mais le risque en valait la peine. »

Après trois mois de formation, Sophon Chhin est de retour à Winnipeg en juin 2016. Il réalise son rêve et créé S Squared Pâtisserie. Deux S pour Solas et Soveren, ses neveux. Il loue alors une cuisine dans un centre communautaire et livre ses produits dans plusieurs pâtisseries à travers la ville.

Pendant six mois, il fait la navette presque tous les jours. Finalement, après presque un d’attente, il ouvre sa boutique au 3416, boulevard Roblin, en décembre 2017.

Chez S Squared Pâtisserie, la confection des produits est quasi-moléculaire. Tout est calculé, calibré, millimétré. Comme dans un laboratoire. « En pharmacie tout comme en pâtisserie, j’ai une attention presque obsessionnelle aux détails. Tout doit être parfait. Pour que les viennoiseries soient meilleures, je procède en plusieurs étapes, qui prennent parfois plusieurs jours. Si la coque des macarons n’est pas parfaite, je recommence. Ça prend beaucoup de temps. »

Derrière ses vitrines, il est possible de trouver pains au chocolat, choux à la crème, tartes, petits gâteaux fins et entremets. Et plus d’une quarantaine de saveurs de macarons : citron, miel et lavande, melon d’eau ou bien Ispahan, un mélange de framboise, rose et litchi. « Pour reproduire ces goûts, c’est souvent difficile. Certains ingrédients n’existent pas au Canada. Le plus facile serait tout simplement d’utiliser des saveurs artificielles. Mais j’évite le plus possible. C’est ce qui rend mes macarons différents : je veux qu’ils aient un goût véritable. »