La Liberté a appris que l’abolition du poste de sous-ministre adjoint responsable du Bureau de l’éducation française ne sera pas « revisitée ». C’est officiel. Dans une lettre obtenue d’une source anonyme par le journal, le ministre Goertzen annonce sa décision aux Partenaires pour l’éducation en français. Réactions à sa décision, ainsi que sur la nouvelle structure de leadership au BEF.
Par Daniel BAHUAUD
Kelvin Goertzen a tranché. La Liberté a obtenu copie d’une lettre datée du 18 septembre adressée aux Partenaires pour l’éducation en français, dans laquelle le ministre de l’éducation a écrit : « Nous avons créé une nouvelle structure de leadership au BEF, sous la direction par intérim de Lynette Chartier à titre de directrice générale et de conseillère spéciale du ministre de l’Éducation et de la Formation. »
Le président de la Commission scolaire francomanitobaine Bernard Lesage assure : « Nous avons tous été surpris.
« Les Partenaires se sont réunis le 28 septembre pour partager leurs réactions et discuter de ce que nous allons faire. Je comprends mal pourquoi on réfute l’idée d’un sous-ministre adjoint au BEF. Surtout à la lumière de la Loi 5, adoptée en 2016 par le gouvernement actuel, et qui est censée offrir des services pour l’épanouissement de la francophonie.
« La structure que propose le ministre Goertzen, telle que décrite dans sa lettre, est plutôt vague. C’est la première fois qu’on entend parler d’une directrice générale conseillère spéciale du ministre de l’Éducation. La lettre indique que ce rôle confère une voix de représentation directe de la communauté francophone auprès du ministre. Comment? »
La Liberté a contacté le ministère de l’Éducation pour obtenir des précisions. Par courriel, le ministre Kelvin Goertzen a réitéré : « Nous ne planifions pas de revisiter la décision sur le poste du sousministre adjoint, puisque c’était la bonne décision à prendre. Notre équipe sénior est plus forte. Et nous avons pu maintenir notre engagement de rationaliser la gestion sénior. »
Julie DeVoin, une porteparole du ministre, a apporté quelques précisions sur le rôle de la directrice générale du BEF :
« Il s’agit d’un tout nouveau poste, avec de toutes nouvelles responsabilités. Il existe déjà des conseillers spéciaux dans d’autres ministères.
« À titre de conseillère spéciale, la directrice générale aura accès direct au ministre, plus que l’ancien sous-ministre adjoint, qui devait répondre au sous-ministre. Quand elle rencontrera le ministre, elle ne sera pas obligée d’être accompagnée du sous-ministre, ou de tout autre fonctionnaire. »
Alain Laberge, le directeur général de la Division scolaire franco-manitobaine, note pour sa part que « ces précisions sont prometteuses ». « J’ose croire que le ministre a à coeur que les francophones soient entendus. On veut toutefois des détails. On écrira une lettre demandant au ministre une occasion de le rencontrer. On veut comprendre, obtenir des clarifications et collaborer. »
Brigitte L’heureux, la directrice de la Fédération des parents du Manitoba, ajoute pour sa part que « la FPM ne veut pas laisser tomber ce dossier, ou la question du sous-ministre adjoint. On s’attend à une réaction des parents et du grand public.
« On mérite des explications du ministre. On était toujours en discussion avec le gouvernement. On siégeait au groupe de travail sur l’avenir du BEF créé par l’ancien ministre Ian Wishart en décembre 2017. Le 11 juin 2018, nous avons soumis un rapport et des recommandations sur le BEF et l’avenir de l’éducation en français. Ces documents émanaient du Forum organisé par le ministre et les Partenaires, tenu en avril. Les a-t-il lus? Va-t-il nous offrir une rétroaction? »
Pour le président de la Société de la francophonie manitobaine Christian Monnin, « la prochaine étape est de rencontrer le nouveau ministre de l’Éducation et de la Formation, M. Kelvin Goertzen, avec les Partenaires pour l’éducation en français afin de poursuivre avec lui les discussions sur l’éducation en français au Manitoba et les priorités de la francophonie manitobaine. »
« De la poudre aux yeux »
Guy Roy a été sous-ministre adjoint au Bureau de l’éducation française de 1982 à 2004. L’ancien fonction naire estime que Lynette Chartier, la directrice générale par intérim du BEF, « n’aura pas suffisamment d’autorité pour faire cheminer les grands dossiers et les enjeux qui surgissent sur le terrain ».
« Sur le fond, c’est une perte nette. Le BEF a perdu son statut de Division séparée au sein du ministère. Le BEF est désormais une simple direction générale. Une directrice générale n’est tout simplement pas un sous-ministre adjoint.
« Sans doute Lynette Chartier possédera l’autorité opérationnelle au sein du BEF. Mais aura-t-elle l’accès personnel et privé au ministre comme je l’ai eu par exemple au début des années 1990 quand on discutait des politiques à établir relatives à la gestion scolaire? Ça reste vraiment à voir. Et j’ai beaucoup de difficulté à y croire. « Lynette Chartier est soumise à l’autorité d’un sous-ministre adjoint anglophone.
« De plus, si le ministre convoque son équipe sénior, la directrice générale sera à la table, mais avec son patron à côté d’elle. Comment va-t-elle pouvoir le contredire? Comment va-t-elle pouvoir donner des avis indépendants?
« Déclarer, comme le fait le ministre Kelvin Goertzen, que la nouvelle structure démontre l’importance de l’éducation en français, c’est nous lancer de la poudre aux yeux. »