D’après les statistiques, 66 % des enfants francophones au Canada, exception faite du Québec, ont un parent anglophone. Cependant, peu de ressources existent pour qu’ils accompagnent leur enfant dans son cheminement scolaire en français. Voilà la raison pour laquelle la Commission nationale des parents francophones les a sondés, cet automne.
Mireille E. LeBlanc (Francopresse)
Selon Richard Vaillancourt, agent de programmes, la Commission nationale des parents francophones (CNPF) a lancé cette initiative puisqu’elle a déterminé que sans l’appui du parent anglophone, un enfant issu d’une famille exogame connaît plus de difficulté à s’épanouir en français.
La participation au sondage en ligne représente en elle-même une conclusion, car 623 personnes ont pris part à l’exercice, qui s’est étiré sur trois semaines : l’organisme estime que l’intérêt pour la question est net.
« Pour établir un profil des répondants, il y avait environ 48 % des parents qui ont dit qu’ils comprenaient un peu le français. Après ça, en termes de représentativité au niveau du continuum, 33 % avaient un enfant d’âge préscolaire, 74 % avaient des enfants dans une école élémentaire francophone et 19 % avaient un enfant dans une école secondaire francophone », indique-t-il.
Un souci d’accompagnement du préscolaire au postsecondaire
Une analyse des résultats préliminaires dévoile que les parents sont fortement intéressés à s’engager dans l’éducation de leur enfant et que celui-ci développe une identité conséquente du choix parental.
Au niveau préscolaire, les parents veulent savoir comment préparer leur enfant. De plus, 61 % s’interrogent sur leur rôle dans l’éducation francophone de leur enfant. – ils veulent apprendre comment appuyer leur enfant avec ses devoirs, et comment participer à l’éducation francophone, autant à la maison qu’à l’école.
« À l’élémentaire et au secondaire dans une école francophone, les parents nous disent qu’ils ont besoin d’aide pour décider quel rôle ils peuvent jouer dans l’éducation de leur enfant », précise Richard Vaillancourt.
« Soixante-et-un pour cent des parents veulent en savoir davantage pour que leur enfant se sente bien en tout temps au niveau de la langue et culture francophone. Donc, ils veulent développer ce sentiment de la confiance au niveau de la langue et de la culture francophone », souligne-t-il. Fait à noter : 58 % cherchent des pistes pour aider leur enfant à développer une identité qui inclut la langue et la culture française.
Des parents délaissés par le système scolaire
Ces résultats préliminaires réjouissent Marie MacPhee dont la thèse de doctorat a justement démontré que les parents anglophones de l’Île-du-Prince-Édouard se disent délaissés par le système scolaire francophone. Chargée de cours à l’University of Prince Edward Island, elle travaille aussi avec la Fédération des parents de l’Île-du-Prince-Édouard et avec la Commission scolaire de langue française pour implanter quelques initiatives issues de sa recherche.
« Le premier besoin est une communication efficace », avance-t-elle en s’appuyant sur ses données de thèse. « Avec les politiques linguistiques de ne communiquer qu’en français dans les écoles, on sait que c’est un défi pour beaucoup de parents qui sont non locuteurs en français. »
Des stratégies simples comme signaler aux parents dès les premiers jours de classe l’utilisation de logiciels de traduction, puis d’envoyer les communications écrites aux familles en format Word au lieu d’un PDF. Cela permet déjà aux parents anglophones et allophones de s’y retrouver plus facilement. « Les parents veulent se sentir accueillis et appréciés et la plupart des parents veulent s’impliquer avec leur enfant, alors il faut aider le parent à développer un sentiment d’appartenance », ajoute-t-elle.
De plus, elle souligne l’importance de sensibiliser les parents anglophones au double mandat des écoles en milieu minoritaire, soit d’offrir une éducation de qualité en français et de contribuer au développement de la communauté francophone.
Vers une stratégie ciblée
Marie MacPhee a aussi abordé la question délicate de l’élaboration de ressources en anglais dans une école francophone, ce que plusieurs peuvent voir comme un premier pas vers l’anglicisation de l’école ou, pire encore, un exercice d’assimilation. À cela, elle rappelle que ces parents anglophones et allophones ont consciemment choisi d’inscrire leur enfant à une école française pour qu’ils acquièrent cette langue et développent un sentiment d’appartenance à la culture francophone. « À leur tour, ces enfants vont devenir des parents bilingues qui choisiront l’école française pour leurs enfants », avance-t-elle en y voyant, au contraire, un moyen pour éviter l’assimilation et améliorer le bilinguisme à long terme.
De son côté, la Commission nationale des parents francophone poursuivra son analyse des résultats de cette consultation pour produire un rapport en début d’année. « L’intention est d’ici mars 2019 d’avoir une stratégie qui est développée et articulée autour des données que le sondage aura générées. Nous déterminerons les actions que l’on voudra poser dans l’année suivante, tout ça orienté vers la création d’outils et de ressources », conclut Richard Vaillancourt.
Les répondants ont exprimé un désir de mieux connaître les services en français pour la petite enfance. Encore, 48 % demandent de quelles manières ils peuvent s’assurer que leur enfant devienne parfaitement bilingue. Finalement, 74 % des participants veulent en apprendre davantage sur la façon dont le système scolaire prépare les élèves pour les études postsecondaires.