Les tentatives désespérées de Donald Trump pour bâtir le mur promis à la frontière mexicaine, le vote éminent sur le Brexit et la résistance croissante des citoyens du Canada face au populisme soulignent les limites du mouvement. En ce début de 2019, l’Ontario demeure sous le choc des coupes idéologiques du gouvernement Ford, présageant une autre année difficile pour les minorités.
Une analyse de Jean-Pierre Dubé (Francopresse)
« La francophonie sera exposée durant l’année à un mouvement anti-francophone et raciste récurrent au Canada, avance le sociologue Simon Laflamme, de l’Université Laurentienne (Sudbury). Le mouvement s’essouffle un peu puis il revient.
Quelques semaines après les coupes effectuées par le gouvernement de l’Ontario visant en particulier la francophonie et l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement que plusieurs qualifient d’anti-francophone, le sociologue observe une « expression de cette force latente dans les populations depuis les débuts de la civilisation. C’est plus facile d’avoir un ennemi à côté de soi que d’apporter un regard global sur la société. Comme il ne peut pas y avoir de mépris ethnique intelligent, ce mouvement s’accroche au populisme, animé depuis quatre ou cinq ans par les réseaux sociaux. »
Pour la droite du Nouveau-Brunswick, note le chercheur, « ce serait plus facile dans le monde s’il n’y avait pas de francophones. Le populisme commence à s’essouffler, on voit assez rapidement ses limites ».
« Il ne faut pas qu’on baisse les bras »
Les idées simplistes, suggère Simon Laflamme, sont inaptes à résister à l’approche analytique de la réalité présentée par les médias. « Même avec le Brexit (au Royaume-Uni), le mouvement va s’essouffler cette année dans une élection référendaire. »
L’actualité des prochaines semaines permettra de mesurer l’ampleur de la mobilisation franco-ontarienne face aux frappes de Doug Ford, estime Simon Laflamme, en particulier l’abandon de l’Université de l’Ontario français.
Pour sa part, la Fransaskoise Marie-France Kenny est confortée par l’expression récente de solidarité entre les communautés, mais demeure préoccupée. Elle reconnait une tendance dans les attaques au Manitoba (l’abolition du sous-ministre adjoint en éducation française), au Nouveau-Brunswick (l’élimination de l’exigence au bilinguisme à l’embauche d’ambulanciers) et en Ontario (la perte de statut du Commissariat aux services en français).
« Si on ne serre pas la vise comme il faut, ajoute la consultante, les gens au pouvoir ailleurs vont nous enlever nos acquis. Il ne faut pas qu’on baisse les bras, mais qu’on reste solidaires au national. Ça va prendre davantage de discussions entre les provinces. »
« Les premiers touchés sont les minorités »
Pour Marie-France Kenny, la mobilisation nationale est critique, mais il n’est pas évident de la maintenir. « Qu’est-ce qu’on fait dans chaque province et qu’est-ce qu’on fait ensemble pour contrer ces problèmes-là? C’est difficile de rejoindre tout ce monde à cause de la façon dont on est structuré avec des organismes nationaux, provinciaux et locaux.
« Le fait qu’on ait des réseaux nationaux, (notamment) en santé et en culture, ne fait pas en sorte que les organismes se parlent souvent. Entre la communauté de Bellegarde, ici, et la région de Miramichi au Nouveau-Brunswick, par exemple, ça va prendre quelqu’un pour faire le pont. C’est une opportunité pour la FCFA [la Fédération des communautés francophones et acadienne] du Canada », indique son ancienne présidente, en poste de 2009 à 2015.
La directrice générale du Regroupement féministe du Nouveau-Brunswick, Nelly Dennene, s’interroge aussi sur les ratés électoraux. « On a vu en 2018 les pertes qu’on peut subir quand on change de gouvernement. Les premiers touchés sont les minorités. Comment prévenir les reculs comme en Ontario sur l’éducation sexuelle?
« Quand on revendique pour les femmes, tous les enjeux ont une spécificité en milieu minoritaire, qu’on soit francophone ou autochtone. Il y a une double minorisation quand on parle d’accès à des soins de santé. On l’a vu lors des élections au Nouveau-Brunswick : sur la question de la pauvreté qui affecte particulièrement les femmes, les services ne sont pas toujours disponibles en français. »
« Des opportunités entre les hommes et les femmes »
Nelly Dennene souligne l’importance de protéger les avancées de 2018 en matière d’égalité entre les genres et de violence faite aux femmes. Un début de changement de culture se fait sentir, dit-elle, évoquant la Commission d’enquête sur les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues, dont le rapport est attendu au printemps.
« On a ouvert une conversation sur la façon d’ouvrir des opportunités entre les hommes et les femmes. Beaucoup d’enjeux ont changé dans notre conception de l’égalité entre les genres. C’est partout, en Argentine, Corée du Sud, Irlande, Islande. On voit un véritable mouvement mondial avec des actions variées partant du même principe : une demande d’égalité et d’équité réelles, une sécurité économique pour toutes et les mêmes opportunités de vie. »
La porte-parole du Regroupement féministe note que 2019 marque le 30e anniversaire du massacre de 14 femmes à la Polytechnique de Montréal. Ce serait l’occasion de jeter un regard sur « où on en est par rapport à cet évènement qui nous a fait réaliser l’ampleur de la violence faite aux femmes. C’est un enjeu réel et courant. »
L’approche des élections fédérales en octobre soulève des craintes chez les groupes féministes quant à la perte d’acquis, notamment des ententes bilatérales avec les provinces sur la garde d’enfants signées sans garanties.
« Une conversation sur un système national de garde »
Ces ententes pourraient disparaitre si elles ne sont pas enchâssées dans la loi, conclut Nelly Dennene. Une telle démarche permettrait « d’ouvrir une conversation réelle sur un système national de garde ».
Les évènements politiques au sud de la frontière sont également critiques pour le Canada en 2019, notamment sur des enjeux de climat et de commerce. Malgré les fluctuations boursières dramatiques, les économies nord-américaines et occidentales se portent très bien, le chômage étant à son plus bas en Amérique du Nord.
Mais d’après Simon Laflamme, le président va tout bousiller. « Trump est en train de faire la preuve de son incompétence. Il propose une espèce de protectionnisme nationaliste extrême, en émettant des idées effrayantes pour les personnes qui font circuler l’argent. Toute la planète va acheter chez nous, mais nous on n’achète de personne. C’est lui-même qui menace l’économie américaine.
« Quand tu attaques tout le monde et que tu te retires des organismes internationaux — en commerce et en écologie — tu crées un ferment pour les problèmes économiques. Ça me plait de voir ça, déclare le professeur. Je pourrais faire la même analyse pour le Brexit. C’est une position intenable. »
Des anniversaires à célébrer en 2019
L’année naissante sera marquée par des élections fédérales en octobre ainsi que dans les provinces de l’Alberta, la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard. 2019 est aussi l’Année internationale des langues autochtones.
Les Canadiens pourront fêter également le 150e anniversaire de la Résistance de la Rivière-Rouge, le centenaire de la grève de Winnipeg et de la Société Saint-Thomas d’Aquin (IPÉ).
On pourra commémorer le 50e de la Loi sur les langues officielles et de la décriminalisation de l’homosexualité au pays, le 30e de la chute du mur de Berlin ainsi que le 1er anniversaire de la légalisation du cannabis.
Janvier sonne aussi le 90e de la bande dessinée Tintin, de Hergé.