Le Musée canadien pour les droits de la personne prolonge jusqu’en octobre son exposition temporaire consacrée à Nelson Mandela et la lutte contre la ségrégation raciale et la répression en Afrique du Sud. L’occasion de la visiter en compagnie de la commissaire de l’exposition, Isabelle Masson. Jusqu’à aujourd’hui, 65 000 personnes s’y sont déjà rendues.

Par Marie BERCKVENS

Passée la porte, nous voilà immergés dans l’Afrique du Sud de la fin des années 1940, début 1950. Une période durant laquelle sévissait le régime de l’apartheid. Un mur de 5 mètres de hauteur composé d’une centaine de panneaux nous montre d’emblée ce que représentait ce régime.

White area, affiche l’un. Public swimming pool, Whites only – Net blankes, affiche l’autre. La réplique d’un banc à l’entrée invite uniquement les Européens à s’asseoir. Le ton est donné.

Isabelle Masson, la commissaire de l’exposition explique : « En 1948, l’apartheid ne tombe pas du ciel. Il y a des racines coloniales attachées au système de l’apartheid. Il y a cette dynamique de dépossession des peuples autochtones au départ. Près de 80 % de la population en Afrique du sud était devenue une main d’oeuvre bon marché. C’est ça l’apartheid.

« Toutes ces lois que le gouvernement a adoptées font de la majorité des gens une main d’oeuvre bon marché dont on peut disposer comme on veut. L’État crée et impose des catégories raciales (asiatique, indiennes, noires…) On voit que la race sert à déterminer où tu peux aller à l’école, dans quel quartier tu peux vivre… »

L’exposition, qui est le fruit d’une collaboration avec le musée de l’apartheid à Johannesburg en Afrique du Sud, est divisée en cinq parties : L’apartheid (qui établit le contexte), les défis, la répression, la mobilisation et la liberté.

« Une fois qu’on a découvert les lois injustes de l’apartheid, on rencontre les gens qui se sont tenus debout, ont résisté et défié le système. On rencontre notre personnage principal, Nelson Mandela, sans oublier la contribution des femmes à la lutte avec la ligue des femmes de l’African National Congress, qui se tiennent debout et dénoncent les lois injustes de l’apartheid. »

À ce sujet, l’on peut regretter que Winnie Mandela, l’épouse de Nelson Mandela, ne soit pas plus mise en valeur. L’exposition compte cependant un large volet interactif. Ainsi, il est possible de créer sa propre affiche de résistance et de laisser sa propre trace. La petite cellule de prison sur Robben Island est aussi reproduite. On peut voir déambuler Mandela au rythme de sa routine quotidienne.

Une quarantaine d’objets étayent l’exposition dont certains ont véritablement appartenu à Nelson Mandela. Comme une lettre écrite de sa main envoyée de la prison à un leader de la mobilisation anti-apartheid, ou encore un message que Mandela a rédigé lors d’une visite au Sénat canadien peu de temps après sa libération en 1990.

Le but de l’exposition, c’est d’établir des liens avec les Canadiens et provoquer des réflexions. « Dans la dernière partie consacrée à la mobilisation, on voit que beaucoup de Canadiens s’étaient impliqués dans la lutte, à commencer par le premier ministre Brian Mulroney ou son ministre des affaires étrangères, Joe Clark, des étudiants, des activistes qui faisaient partie de la campagne internationale qui demandait des sanctions et le boycott des produits sudafricains. »

Le caricaturiste sud-africain Zapiro a prêté quelques dessins originaux au Musée canadien pour les droits de la personne. Cet artiste avait couvert la commission Vérité et conciliation.

« Il parle des crimes de l’apartheid à travers ses dessins. Un de ces dessins entre en résonance avec le contexte canadien. Ça rentre bien dans l’objectif de notre exposition, que nos visiteurs établissent des connexions avec leur propre contexte. On a le même défi d’une certaine façon.

« Sur le dessin, on voit d’un côté la vérité avec Desmond Tutu, le président de la Commission et de l’autre côté, la réconciliation. Entre les deux, le gouffre. Comment se rendre de la vérité à la réconciliation ? Cette question se pose aussi aux Canadiens, plus que jamais avec toute la question autochtone. »