La troupe universitaire des Chiens de soleil, fondée en 1989, a décidé de dépoussiérer le théâtre franco-manitobain en faisant revivre la pièce Jem’en vais à Régina, écrite par Roger Auger en 1976. Derrière cette 77e production, une équipe bien expérimentée. (1)
Par Morgane LEMÉE
Katrine Deniset venait tout juste d’acheter la version papier de Je m’en vais à Régina lorsque Stéphane Oystryk, le directeur du Service d’animation culturelle de l’Université de Saint-Boniface (USB), lui a proposé une réécriture de la pièce. C’était comme un signe du destin pour la comédienne et écrivaine franco-manitobaine.
« Bien que la pièce ait été écrite à une autre époque, ses thèmes restent vraiment pertinents. Sous le même toit d’une famille bonifacienne, tu peux avoir trois ou quatre enfants qui vivent leur francophonie de façon très différente. Il peut y avoir ce que j’appelle un Franconerd, tout comme un enfant qui tombe, malheureusement, dans l’assimilation. »
Pour Katrine Deniset, il était nécessaire de supprimer Régina. « Dans la pièce originale et à l’époque, Régina était le symbole de l’assimilation. Je pense que ça a changé. »
Dans sa version contemporaine, la pièce Je m’en vais se déroule vers l’an 2030. « Quand on ne se limite pas au présent ou au passé, on est capable de créer plus loin. Ça m’a donné la liberté d’imaginer plus de choses, et de rêver d’un métchif parlé. »
En effet, Je m’en vais mêle anglais, français et métchif. C’est grâce à l’aide précieuse du Métis Jules Chartrand, de l’auteur Marc Prescott et des encouragements de Roger Auger lui-même que Katrine Deniset a pu livrer sa première pièce de théâtre en un mois de temps. Pas sans difficulté. « J’ai écrit beaucoup de nouvelles, j’ai beaucoup joué, mais cette pièce était un nouveau défi. C’est difficile de prendre le squelette du travail de quelqu’un d’autre et de le réinventer. Je voulais rester fidèle au texte original, mais il y avait de gros ajustements à faire dans la réécriture. C’est pourquoi c’est une pièce inspirée de, et non pas une pure réadaptation. »
« Le défi était de ne pas tomber dans le piège de ses propres biais. Je me suis reconnue dans cette histoire. You write what you know. Un de mes personnages, Shane, est défenseur, militant, et décide de franciser son prénom et de s’appeler Chêne. Il me rappelle un peu cette personne que j’étais à un moment au sein de ma propre famille, à faire la morale, à prendre la francophonie comme mission de vie. Au fond, c’est ça l’histoire. Il n’y a pas vraiment de gros climax, mais le drame repose sur les tensions familiales. »
Gabriel Gosselin, entre les scènes du Théâtre Cercle Molière (Le Wild West Show de Gabriel Dumont, Douze hommes en colère, Boeing Boeing) et du Prairie Theatre Exchange, est un habitué du théâtre manitobain. Toutefois, c’est sa première mise en scène grand public avec les Chiens de soleil. Son approche de la réadaptation de Je m’en vais à Régina mêle nostalgie et culture moderne, un contraste qu’il ancre dans un futur proche.
« La crise identitaire, comme crise existentielle, ne connaît jamais de fin. Je pense que le questionnement de l’oeuvre originale de Roger Auger se poursuit. La technologie et les changements démographiques font évoluer le contexte de ce questionnement. Ça prenait quand même un dépoussiérage. L’histoire que l’on va présenter se déroule dans un monde éphémère, pas vraiment réel, mais auquel on peut s’identifier. On ne sait pas exactement où on est, mais ça pourrait être chez nous. »
À la conception musicale et sonore, la musicienne Andrina Turenne. À la scénographie, Janelle Tougas. Lili Lavack aux costumes, Gaétan La Rochelle à la direction technique. Pour cette production, Gabriel Gosselin s’est entouré d’une « équipe du tonnerre ». « C’est une équipe qui veut découvrir une nouvelle façon de faire du théâtre. Ce sont des gens qui sont là par amour du théâtre et par désir d’expression. Et ce qui est merveilleux avec le théâtre universitaire, c’est qu’il nous permet d’oser. Monter cette pièce, c’est oser. »
(1) Je m’en vais sera présentée au Théâtre de la Porte Rouge de l’Université de Saint-Boniface (salle 0217), du 20 au 23 mars, à 20 h. Billets seulement disponibles à la porte : 8 $ étudiants, 10 $ adultes. Plus d’informations au Service d’animation culturelle : 204-237-1818 poste 410 ou [email protected].