Alors que la mégacause scolaire des Franco-Colombiens vogue vers la Cour suprême, d’autres conflits linguistiques s’affirment. Au Québec et à l’Île-du-Prince-Édouard, des organismes relancent leurs griefs sur une base constitutionnelle. La commission scolaire de l’IPÉ a reçu une aide du programme fédéral de contestation judiciaire.

Par Jean-Pierre DUBÉ (Francopresse)

 Avec l’appui d’une centaine de personnalités publiques, quelque 25 groupes de la société civile ont lancé le 25 avril l’Alliance pour la promotion de l’enseignement dans les écoles publiques de langue anglaise au Québec.

« Notre communauté est vivement préoccupée par l’intention déclarée du gouvernement d’abolir les commissions scolaires et leurs élections », constate l’ancien député Geoffrey Kelley, le président de l’Alliance. Cette loi serait en voie de préparation sans qu’il y ait eu de participation officielle de la communauté d’expression anglaise.

L’abolition des commissions scolaires fait partie des engagements de la Coalition avenir Québec, élue à l’automne 2018. Le gouvernement entend les transformer en centres de services responsables de l’éducation et confier les décisions à des « équipes-écoles » formées d’enseignants, de gestionnaires et de parents.

Dix commissions, 340 écoles et 100 000 élèves

Le Québec anglais compte 340 écoles et quelque 100 000 élèves, réunis sous la Quebec English School Boards Association fondée en 1929. Avant de procéder à une réforme de la gestion scolaire, soutient l’Alliance, le gouvernement devrait tenir des consultations officielles auprès des parents, du personnel et des intervenants communautaires.

« En tant que communauté de langue officielle en situation minoritaire, nous, Québécois d’expression anglaise, avons le droit constitutionnel de contrôler et de gérer nos propres établissements d’enseignement. Nous sommes inquiets de toute tentative qui aurait pour effet d’affaiblir ce droit », selon le porte-parole Kelley.

Les membres se fient à la jurisprudence : trois juridictions (Yukon, Nouvelle-Écosse et Ile-du-Prince-Édouard) ont récemment aboli leurs conseils scolaires de la majorité, selon eux, tout en conservant la gouvernance des minorités francophones.

La Nouvelle-Écosse prépare une loi distincte pour protéger le Conseil scolaire acadien provincial, suivant l’élimination de ses équivalents anglophones en janvier 2018. Les écoles de la majorité sont gérées par la province, dans un modèle semblable à celui que l’IPÉ adoptait en 2016.

IPÉ : trop tôt pour prédire l’incidence des élections

La Commission scolaire de langue française (CSLF) de l’Ile-du-Prince-Édouard a publié le 30 avril une lettre expliquant son intention de reprendre les négociations avec le gouvernement de Charlottetown, un an après avoir mis la province en demeure quant au financement inadéquat de ses écoles. Les commissaires insistent sur leur préférence à négocier une résolution du conflit avec les formations élues le 23 avril.

« Il est encore trop tôt de prédire l’impact [des élections] sur la collaboration entre la province et la CSLF, mais nous avons immédiatement demandé une rencontre avec le nouveau premier ministre, Dennis King, et le chef de l’Opposition, Peter Bevan-Baker, afin de les sensibiliser à nos demandes. »

Une enveloppe de 125 000 $ du Programme de contestation

Selon la lettre des neuf commissaires, les demandes actuelles « sont de loin les plus importantes de notre communauté depuis le cas Arsenault-Cameron en 2000 et pour la prochaine génération ». Il est question de services culturels, communautaires et identitaires propres à l’éducation française.

Ils demandent une entente de collaboration à long terme, un mécanisme de résolution de conflits et une participation aux décisions quant à l’utilisation des fonds fédéraux. «Si les discussions à l’amiable avec la Province ne donnent pas les résultats escomptés, la CSLF dispose des fonds requis pour relancer des démarches juridiques.»

Depuis le début avril, la Commission possède la capacité de mener une cause jusqu’en Cour suprême, armée d’une enveloppe de 125 000 $ du Programme de contestation judiciaire. Ils souhaitent une réponse à leurs revendications d’ici la rentrée, en septembre.

« Si jamais la loi entre en vigueur, nous allons contester »

Les demandes de financement du Quebec Community Groups Network et de l’Alliance, elles, ont été refusées par le Programme pour des raisons techniques, souligne la directrice des communications du QCGN, Rita Legault.

« Nous avons compris que notre demande était prématurée, dit Rita Legault, puisque la nouvelle législation n’a pas encore été présentée. Nous allons donc rappliquer quand la situation aura évolué. »

L’organisme estime que le gouvernement pourrait déposer son projet législatif avant la fin de l’actuelle session parlementaire et l’adopter au cours de l’automne. « La nouvelle loi doit être en place avant les prochaines élections scolaires prévues en 2020, note Rita Legault. Si jamais elle entre en vigueur, nous allons la contester. »

Le Programme de contestation judiciaire a accepté 17 des 27 demandes de financement reçues pour la réunion du 15 mars du comité d’experts chargé des droits linguistiques. Les prochaines requêtes peuvent être faites avant le 13 mai.