L’Amicale de la francophonie multiculturelle du Manitoba a tenu sa première AGA depuis 2013. Depuis décembre dernier l’organisme a suscité un questionnement public. Une trentaine de personnes réunies en AGA ont élu un nouveau CA.

Par Morgane LEMÉE

La rencontre a eu lieu le 31mai à l’Université de Saint-Boniface. Matthias Oullé, élu président d’assemblée, a d’abord laissé la parole à Raymond Kazadi, président sortant de l’Amicale. Quant au laps de temps de cinq années depuis la dernière AGA, ce dernier commente : « En octobre 2013, nous avons été huit personnes élues. De huit, nous sommes rapidement passés à cinq personnes, après trois démissions. Parmi les cinq membres restants, trois sont restés actifs. Les deux autres étaient en mouvement constant, pour des raisons professionnelles. »

| Bilan du bureau sortant

Raymond Kazadi a présenté un rapport des activités de l’Amicale depuis son élection en octobre 2013. Entre autres : organisation de cafés-citoyens, de rencontres, de débats et implication de l’Amicale lors d’évènements politiques ou communautaires.

Au sujet de ces activités, il a précisé qu’il a « constaté avec regret qu’il n’y avait pas toujours la participation escomptée. Dans les différents efforts que nous avons faits pour planifier l’organisation d’une assemblée générale, la réponse, en ce tempslà, n’était pas aussi vive qu’aujourd’hui. On a fait de notre mieux pour mener à bon port cet organisme ».

Après ce bilan, les questions de l’assemblée ont fusé, sans être toutes répondues, pour « s’en tenir au temps fixé à l’ordre du jour », tel qu’affirmé par le président d’assemblée.

Blandine Tona, lors de l’assemblée, a déploré, entre autres, l’absence d’un rapport écrit de ces activités, avant de rappeler la problématique absence d’un procès-verbal (PV) de la dernière AGA. « J’aurais souhaité avoir le PV, ne serait-ce que pour savoir qui étaient les huit personnes élues en 2013 et qui sont les cinq personnes actives maintenant. »

Sur ce point, Raymond Kazadi s’est expliqué en fin d’assemblée : « C’est avec regret que nous vous faisons savoir que le comité en charge de la dernière AGA ne nous en a jamais remis le PV. Nous avons été élus durant cette AGA en 2013, et durant une année, nous n’avons eu ni signature, ni accès à quoi que ce soit de l’Amicale. Ce n’est qu’en 2014 que nous avons réellement pris acte de nos rôles et de nos responsabilités.

« La transition n’a pas été très bonne. Ça a été un défi tout au long de notre mandat. J’ai fait le choix de ne pas étaler ces défis et de ne pas répondre aux questions, par respect pour les gens avec qui nous vivons dans cette communauté. »

Mamadou Ka, le dernier président de l’Amicale avant Raymond Kazadi, n’a pas souhaité commenter ce dossier.

| Bilan financier

Avant de laisser la parole à Jean-Louis Péhé, le viceprésident de l’Amicale, pour discuter des états financiers, Raymond Kazadi a tenu à « assurer auprès de l’assemblée » que « Faute d’activités sociales qui étaient attendues de nous, nous nous sommes réservés de ne pas aller chercher d’octrois extérieurs tant que nous n’avions pas la certitude qu’il y avait un intérêt particulier pour l’Amicale».

Devant les états financiers non vérifiés projetés au mur, Jean-Louis Péhé a précisé : « Je parle sous le contrôle du trésorier et du cabinet de comptable qui a fait le rapport. Je précise que ces états financiers ne sont pas audités. »

Il a commenté ensuite : « En date du 30 septembre 2014, lorsque nous avons eu accès au compte bancaire, nous avions en banque 14 760 $. Nous pouvons voir sur ces rapports qu’en 2012, il y avait presque 42 110 $. Cette partie comptant les années 2012 et 2013, nous n’étions pas en possession du compte. Nous ne pouvons rien dire sur ce qu’il est advenu de cet argent. »

Après avoir commenté les dépenses de l’Amicale entre 2014 et 2018, les rapports présentés par Jean-Louis Péhé montrent un solde bancaire de 4 529 $ en date du 30 avril 2019.

Plusieurs membres de l’assemblée ont questionné le fait que ces documents soient présentés en anglais, non disponibles en version papier et surtout qu’ils ne soient pas proposés pour adoption. Jean-Louis Péhé s’est défendu en expliquant : « Ce n’est pas un rapport financier, c’est un bilan financier. Nous sommes en fin de mandat. Donc, tout comme ce que le président a présenté plus tôt, c’est un bilan, qui est là pour information, mais qui n’est pas à voter. C’est prévu dans le Code Morin. »

En entrevue à La Liberté, Donald Legal, président d’assemblée expérimenté, a apporté ces clarifications : « Sur les rapports financiers, il n’y a pas d’obligation absolue pendant une AGA. On a l’habitude d’y présenter des rapports financiers. Le Code Morin donne beaucoup de flexibilité aux organismes. Mais l’obligation découlerait plutôt des règlements et des traditions de l’organisme concerné. Il n’y a pas nécessairement l’obligation de voter, cela dépend du contexte. En fait, il serait difficile de donner une réponse universelle à ce sujet. »

Face aux multiples questions de l’assemblée, Jean-Louis Péhé a conclu : « C’est vrai que nous avons hérité d’une situation un peu compliquée, avec des interrogations. On va assurer une bonne transition avec le prochain bureau, qui aura tous ces états financiers, et on va dissiper ces points d’interrogation. »

| Regards vers l’avenir

Un nouveau conseil d’administration de huit membres est en place, avec Alphonse Lawson à la présidence, Arisnel Mésidor à la vice-présidence, Brenda Arakaza au poste de secrétaire, Marie Rosette Mikulu comme secrétaire adjointe, Zita Somakoko, trésorière et Blandine Tona, Beydi Traore et Houssinatou Sacko comme conseillers. Seul le poste de viceprésident a fait l’objet d’un vote entre Arisnel Mésidor et Zita Somakoko. Tous les autres membres ont été élus sans concurrence.

En entrevue avec La Liberté lundi 3 juin, Blandine Tona a réitéré son souhait d’aller de l’avant, malgré l’absence de traçabilité qu’elle aurait souhaité différente de la part du CA sortant. « La chose la plus importante, c’est que l’organisme est fonctionnel. J’avais beaucoup d’inquiétudes pendant le déroulement de l’AGA, mais la fin me laisse avec de l’espoir. Aujourd’hui, on a des personnes engagées et dynamiques dans le CA, qui veulent vraiment faire une différence.

« Je n’étais pas venue pour me présenter, mais avec l’intention de demander des comptes. Mais j’ai décidé de me présenter à cause de la longue inactivité de l’Amicale. J’estime qu’on ne devrait pas laisser mourir un organisme avec un tel mandat. Et je ne veux pas qu’on refasse la même chose.

« J’ai envie qu’on reconnecte avec la communauté francophone multiculturelle et qu’on voie ce qu’on peut faire ensemble, en alliant nos forces. Une autre de mes motivations est d’avoir vu des jeunes durant cette AGA. C’est important de leur laisser une place et leur donner envie de s’investir dans l’avenir. »

Alphonse Lawson souhaite réunir le nouveau bureau très prochainement, afin d’établir un plan stratégique. « L’Amicale doit se réinventer. Nous avons des défis à relever, essentiellement d’immigration et d’intégration. Il y a aussi les questions d’employabilité, de fait français et de santé. Nous allons permettre aux immigrants francophones établis au Manitoba de nous proposer ce qui leur est important et définir nos priorités en fonction des besoins de la communauté. »

Quand elles avaient initié la rencontre au sujet de l’Amicale en décembre 2018, Brenda Arakaza et Marie Rosette Mikulu désiraient avoir des informations concrètes sur l’organisme, dans le but de devenir membres. À l’issue de cette AGA, toutes deux auraient souhaité avoir accès à davantage de renseignements. C’est d’ailleurs une des priorités de Brenda Arakaza, qui prend bien à coeur son nouveau rôle de secrétaire.

« Je veux vraiment travailler sur les archives de l’Amicale et obtenir les PV des anciennes réunions. C’est important que l’on ait une bonne documentation sur l’histoire de l’association, ses avancements, ses projets, et que notre travail soit transparent pour les membres. C’est aussi primordial de travailler sur la visibilité de l’Amicale, pour avoir plus de membres. Mais pour ceci, il faudra mettre à jour les règlements de l’Amicale qui datent de 2002. »

Désormais secrétaire adjointe, Marie Rosette Mikulu se réjouit d’un « nouveau bureau composé majoritairement de femmes actives. Ce qui m’intéresse d’abord, c’est de rétablir l’Amicale. Elle a été absente de plusieurs activités. Il est important de l’ancrer à nouveau dans la communauté ».