Au début avril, l’annonce d’un financement consenti à 17 demandeurs par le Programme de contestation judiciaire apporte un nouveau souffle au sein des communautés de langue officielle. Un mois après avoir été informés que leur demande avait été retenue, six récipiendaires ont publié la nouvelle ou ont autorisé sa divulgation. Qu’en est-il des autres et qu’attendent-ils pour partager l’information?

 

Par Jean-Pierre DUBÉ (Francopresse)

 

Pour sa toute première vague de financement, le Programme a reçu 27 demandes de financement, étudiées par le Comité d’experts chargé des droits linguistiques. La directrice générale Geneviève Boudreau est formelle : « Les demandes sont confidentielles jusqu’à ce que les bénéficiaires signent le formulaire de divulgation d’information et nous donnent l’autorisation de publier. »

Même réaction de Juristes Power, conseiller d’un nombre de demandeurs. « Le Programme accorde du financement mais ne partage pas ses décisions, précise l’avocat Mark Power. Seule la partie qui reçoit les fonds peut l’annoncer. Pour le moment, quant aux causes sur lesquelles je travaille, aucun demandeur ne m’a autorisé d’en parler. »

Un des clients du cabinet d’Ottawa est l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, mandatée pour combattre les coupes budgétaires de l’administration Ford. Fin avril, l’organisme a dévoilé une aide du Programme pour appuyer sa cause sur le financement de l’Université de l’Ontario français et le rétablissement du Commissariat aux services en français, dont les portes ont fermé le 30 avril.

À l’Île-du-Prince-Édouard, la Commission scolaire de langue française a confirmé une aide du Programme de 125 000 $ pour sa contestation sur le financement équitable de ses écoles, mais au lendemain des élections provinciales, les commissaires ont publié une lettre expliquant leur intention de raviver les négociations avec le gouvernement de Charlottetown, un an après l’avoir mis en demeure.

Lever le voile sur les stratégies des requérants

Des motifs bien légitimes pousseraient les demandeurs à divulguer ou non une aide financière, signale Mark Power, et c’est pourquoi le Programme assure sa discrétion.

« Il y a des raisons stratégiques pour lesquels un organisme ne voudrait pas annoncer un financement. Publier ces informations, c’est parfois lever le voile sur une partie des stratégies développées pour contester une politique ou une loi. »

« Le Programme laisse ce choix à l’entière discrétion du récipiendaire. Ce n’est pas un signe de manque de transparence, mais de respect de la confidentialité et du secret professionnel. Il ne veut pas influencer le rapport de forces entre les requérants et défendeurs. »

La démarche prématurée des groupes québécois

Geneviève Boudreau a transmis des renseignements sur trois autres requérants ayant autorisé le Programme à divulguer. Deux causes portent sur l’article 23 : celles de Basile Dorion (Ontario) et du Comité de sauvegarde de l’école francophone de Saint-Paul, au Nouveau-Brunswick.

La troisième est la demande de Don C. Donderi visant « l’aspect linguistique de la liberté d’expression dans l’article 2 de la Charte lorsqu’il est invoqué dans une cause liée aux minorités de langue officielle au Québec ».

Deux autres demandeurs, le Quebec Community Groups Network et l’Alliance pour la promotion de l’enseignement dans les écoles publiques de langue anglaise au Québec, font partie des groupes ayant accusé un refus.

Ils ont néanmoins rendu publique le 25 avril dernier leur stratégie pour contrer la décision du gouvernement Legault d’abolir les dix commissions scolaires anglophones. Leur démarche a été jugée prématurée étant donné que l’intention déclarée ne s’est pas encore traduite en projet de loi.

 


Qu’est-ce que le Programme de contestation judiciaire?

Le Programme de contestation judiciaire vise à fournir «un appui financier aux individus et groupes au Canada pour qu’ils présentent devant les tribunaux des causes d’importance nationale liées à certains droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles et de droits de la personne», peut-on lire sur le site de Patrimoine canadien.

Relancé en février 2017, administré par l’Université d’Ottawa et mis en œuvre par des comités d’experts indépendants, le Programme de contestation judiciaire est financé par le ministère fédéral du Patrimoine canadien et le ministère fédéral de la Justice tout en demeurant un organisme indépendant.