Les Acadiens du Nouveau-Brunswick et les francophones de l’Ontario s’allient aux anglophones du Québec dans la lutte aux droits linguistiques des communautés de langues officielles en situation minoritaire. Le protocole d’entente a été signé le 2 juillet à Ottawa et veut faire de la Loi sur les langues officielles un enjeu majeur lors des prochaines élections fédérales.

Par Lili MERCURE (Acadie Nouvelle)

La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), le Réseau des groupes communautaires du Québec (QCGN) et l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) forment désormais une alliance dans la défense des droits linguistiques.

C’est la première fois qu’un partenariat du genre fait son apparition au Canada.

Une grande solidarité s’est développée entre les trois groupes linguistiques durant les derniers mois. Plusieurs décisions gouvernementales ont mis à l’épreuve ces communautés linguistiques en situation minoritaire au Canada.

La SANB, le QCGN et l’AFO revendiquent que la Loi sur les langues officielles soit un enjeu primordial lors de la prochaine campagne électorale fédérale. Ils souhaitent protéger leurs droits linguistiques dans leur province respective.

Les trois organismes présents à Ottawa représentent plus de 2,4 millions de Canadiens, soit 90 % des communautés de langue officielle en situation minoritaire au pays.

Selon Robert Melanson, président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, un nombre considérable d’éléments rapproche un anglophone de New Carlisle (Gaspésie) et un Acadien du Nouveau-Brunswick.

« Dans les communautés anglophones du Québec, cela peut ressembler drôlement à ce que peuvent vivre les communautés acadiennes du Nouveau-Brunswick ».

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Une coalition qui ne fait pas l’unanimité

La coalition désire mettre fin aux vieux préjugés tenaces qui se sont perpétués de génération en génération.

« Pendant longtemps, la communauté anglophone minoritaire du Québec n’a pas été vue comme une minorité. Elle a été vue en tant que classe dominante », dit-il.

Rémi Léger, professeur en sciences politiques à l’Université Simon Fraser et directeur de la publication Francophonie d’Amérique, dénonce cette alliance avec les Anglo-Québécois. Il ne mâche pas ses mots d’ailleurs. « La réponse simple : je pense que c’est une idée affreuse », exprime-t-il.

La Loi sur les langues officielles a été instaurée au Canada en 1969. Elle octroie aux Canadiens d’obtenir des droits et des privilèges égaux dans les deux langues, et ce, dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.

Cette loi a aussi conféré un statut d’égalité entre les francophones hors Québec et les anglophones du Québec. Rémi Léger qualifie cette disposition comme un mariage forcé entre les francophones hors Québec et la minorité anglophone québécoise.

« C’est comme si 50 ans plus tard, on accepte le mariage forcé et on s’allie avec les Anglo-Québécois », affirme-t-il.

Selon lui, les anglophones du Québec ont depuis longtemps des institutions et des services auxquels les francophones hors Québec aspirent encore aujourd’hui.

« Les anglophones du Québec ont toujours eu plus que les francophones hors Québec », continue-t-il.

Il dénonce aussi cette collaboration sur le plan de la langue française. Les Anglo-Québécois n’encouragent d’aucune façon la protection de la langue française.

« Je pensais qu’on était dans la business de faire la promotion du français et là on s’associe avec les Anglo-Québécois. J’ai vraiment de la misère à comprendre leur raisonnement », tranche-t-il.

Des porte-paroles

Robert Melanson stipule que les Acadiens ont beaucoup à gagner avec cette collaboration. Selon lui, un Anglo-Québécois qui expliquera à la communauté anglophone du Nouveau-Brunswick l’importance de la loi sur les langues officielles se fera plus entendre qu’un francophone du Nouveau-Brunswick.

« Un anglophone qui l’entend de la bouche d’un anglophone va réaliser que cette loi-là dessert et protège tout le monde ».

Robert Melanson croit que cette coopération avec les Anglo-Québécois permettra d’ouvrir un dialogue dans le respect. Un climat de tension linguistique tel que vécu la dernière année au Nouveau-Brunswick ne sert à personne selon lui.

« On va travailler à partir de ce qui nous unis pour grandir et non travailler toujours avec ce qui pourrait nous diviser », lance-t-il.

Au cœur des revendications de la SANB : le respect du fédéral quant aux dispositions juridiques en matière de bilinguisme dans la province. L’organisme exige que le bilinguisme s’opère sur l’ensemble du territoire et non pas seulement où le nombre justifie l’unilinguisme anglais.

Les relations avec les francophones des autres provinces 

Rémi Léger décrit les francophones du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario comme étant les deux grands joueurs de la francophonie au Canada.

Cette alliance des Franco-Ontariens et des Acadiens avec les Anglo-Québécois laisse de côté des alliés naturels, soit les Acadiens de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve-et-Labrador. Les francophones de l’Ouest ne font aussi pas partie de l’entente.

« Les gros essayent de piler sur les petits », indique-t-il.

Robert Melanson explique toutefois que même si les Acadiens des autres provinces atlantiques ne sont pas inclus dans la coalition, ils ont les mêmes choses à gagner que la SANB.

Quant aux francophones de l’Ouest, la situation n’est pas la même qu’au Nouveau-Brunswick et en Ontario avec des premiers ministres comme Doug Ford et Blaine Higgs selon M. Melanson. Des climats de tensions linguistiques se sont bien fait sentir au cours la dernière année dans les deux provinces.

« En fait, peut-être que pour eux, ce n’est pas aussi prioritaire que pour nous », dit-il.

Cette alliance ne risque pas d’améliorer non plus les relations des Franco-Ontariens et des Acadiens avec le gouvernement du Québec selon Rémy Léger.

Il explique que cela fait des décennies que les francophones hors Québec essayent de se faire entendre au Québec.

Le mouvement « Résistance » de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario a voulu dénoncer les compressions dans les services français de Doug Ford.

Cette initiative a eu un écho au Québec et a su interpeler les communautés francophones du Canada.

Les Franco-Ontariens avaient par la suite été invités à lancer le défilé de la Fête nationale du Québec le 24 juin à Montréal.

Le politologue souligne que les francophones hors Québec ont gagné un capital de sympathie avec le gouvernement et le public québécois ces derniers temps.

« Les Franco-Ontariens se tournent de bord deux semaines après la Fête nationale du Québec et s’allient avec le QCGN. Je ne pense pas qu’on aille besoin d’en dire plus », conclut-il.