Installé à Toronto depuis 9 ans, le chercheur en marketing français Julien Braghieri a décidé de prendre un an pour réaliser des projets personnels… dont traverser le Canada à vélo pour contempler nos trois océans!

 

Par François BERGERON (L’Express)

 

Parti d’Inuvik le 16 mai, et après être passé notamment par Vancouver, Edmonton et Thunder Bay, il est arrivé à Toronto le 13 août, fourbu, son fidèle vélo « Bobby » nécessitant quelques réparations, mais heureux.

130 à 200 km par jour

Il repartira la semaine prochaine vers Ottawa, Montréal et Halifax, couvrant de 130 à 200 km par jour, espérant terminer son périple à St-Jean de Terre-Neuve vers le début octobre.

« Je veux absolument éviter de pédaler lorsqu’il fera trop froid, car cela nécessiterait d’avoir des vêtements appropriés que je n’ai pas en ce moment », explique-t-il à L’Express.

Julien Braghieri, 35 ans, n’en est pas à sa première exploration du Canada. « Je suis un randonneur qui apprécie particulièrement le camping sauvage en mode solo. J’ai fait toute l’île de Terre-Neuve en sac à dos, quelques parcs de l’Ontario – dont le parc national Pukaskwa qui est malheureusement presque inconnu du public, mais qui est magnifique. »

Il a déjà visité la plupart des grandes villes du pays. « C’est l’une des raisons pour laquelle je ne m’arrête pas dans certaines villes durant ce voyage. Je préfère explorer d’autres coins jamais visités. »

 

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Coups de cœur

« De manière générale », raconte-t-il, « je ne sais pas d’avance où je dormirai le soir. Je pédale toute la journée et lorsque je sens la fatigue venir, je décide de commencer à regarder les endroits où je peux camper. »

« Je m’arrête ici et là pour prendre un café, grignoter dans une boulangerie, acheter des fruits chez les marchands locaux, et je m’arrête assez régulièrement pour prendre des photos. »

« Je reste plusieurs jours dans des endroits lorsque j’ai un coup de cœur ou que j’ai préalablement décidé d’explorer. »

« Je pense en particulier à: Dawson où j’ai fait la rencontre incroyable d’un participant de la Yukon Quest (course à traîneau jusqu’en Alaska); le lac Boya où j’ai fait du canot; l’île de Vancouver où j’ai fait pas mal de randonnées et appris à surfer; Kelowna; le parc national des Glaciers en Alberta; Jasper; Winnipeg pour son musée des droits humains (un must see que tous les Canadiens devraient visiter); le nord des Prairies, le parc Sleeping Giant… »

Minimaliste

Il transporte toutes ses affaires qui pèsent environ 30 kilos, en plus du vélo. Cela comprend tente, matelas, sac de couchage, kit de réparation, vêtements, nourriture, 5 litres d’eau.

« Lorsque l’on fait ce genre d’aventure, on se rend vite compte qu’on possède beaucoup trop de choses à la maison. Deux t-shirts étaient largement suffisants par exemple. C’est vraiment minimaliste et c’est une très bonne leçon aussi. »

« Ce qui me manque le plus? Ma French Press pour faire un bon café. J’utilise du café soluble et ce n’est pas tip top! »

Son lot de mésaventures

En entendant Julien Braghieri relater son aventure, on ne peut s’empêcher de penser à deux tristes événements récents : le décès du randonneur français Thomas Destailleur près du Grand Lac des Esclaves, et l’assassinat d’un jeune couple de voyageurs et d’un professeur d’université dans le nord de la Colombie-Britannique par deux jeunes qui ont fini par se suicider dans le nord du Manitoba.

« J’ai eu quelques mésaventures humaines que je garderai pour moi afin d’éviter d’inquiéter ma famille et mes proches », dit-il.

Au Yukon, dans un camping fermé pour cause de présence d’un ours grizzly agressif (apprendra-t-il plus tard), l’animal a attaqué des poubelles et reniflé autour de sa tente.

Depuis son départ, il a croisé pas moins de 28 ours, un lynx, un loup, des renards, des aigles, des caribous, des orignaux et un troupeau de bisons qui a couru à ses côtés pendant plusieurs kilomètres.

Mais surtout de belles rencontres

Mais il a surtout de bonnes histoires à raconter. « L’un des moments les plus marquants a été ma rencontre avec Wendy, mon ange gardien rencontré sur l’autoroute Dempster », encore au Yukon.

« Je suis épuisé, il pleut depuis trois jours, j’ai froid, j’ai faim (il n’y a aucun magasin sur cette route et il a donc fallu prévoir de la nourriture pour 12 jours). Une voiture apparaît et s’arrête. Une femme en sort et me dit: ‘I think you are done for today, can I pick you up?’ Nous avons passé trois jours ensemble à Dawson, où Wendy, une vétérinaire et ancienne cycliste, m’a montré les endroits à connaître. »

Dans les Territoires du Nord-Ouest, face à une route fermée et des rivières encore à moitié gelées, deux frères qui revenaient d’une semaine de chasse à l’oie sauvage l’ont dépanné au moyen d’un petit bateau.

Conversations authentiques

« J’ai fait beaucoup d’autres rencontres sur la route, où les gens m’ont épaté par leur générosité et spontanéité. Certains me proposent spontanément de les rejoindre à dîner. D’autres s’arrêtent sur mon chemin et m’offrent des fruits ou de la nourriture. Des gens traversent la rue pour me saluer et me poser des questions, m’encourager et me féliciter. »

« C’est incroyable toutes les choses que des inconnus peuvent vous raconter sans même vous connaître. Les conversations sont souvent profondes et sans jugements. C’est aussi la raison pour laquelle j’aime voyager seul, ça facilite les rencontres. C’est grâce à ces rencontres que cette aventure restera inoubliable. »

C’est l’aspect multiculturel de Toronto qu’il préfère, ajoute-t-il. « J’ai réussi à développer un bon cercle d’amis et de connaissances qui viennent des quatre coins du monde. Toronto est unique pour ça! »

Une passion pour… l’ébénisterie

En janvier, il ira à Perth (entre Toronto et Ottawa) pour un stage, puis un travail, en… ébénisterie.

« Comme le vélo, l’ébénisterie a toujours été une passion pour moi. J’y ai consacré tous mes week-ends depuis deux ans en aidant un artisan à Toronto. Je verrai après si je souhaite retourner dans l’industrie des sondages ou pas… »

« Je me suis toujours déplacé en vélo dans la campagne ou j’ai grandi (autour du petit village de Marly Gomond dans le nord de la France), et c’est toujours mon mode de transport préféré. D’ailleurs, je n’utilise jamais le TTC à Toronto et me déplace toujours en vélo été comme hiver, même par moins 30. »

En mémoire de ses grands-mères

C’est aussi un hommage à sa grand-mère française, fan du Tour de France, et à sa grand-mère italienne « qui n’a jamais passé son permis de conduire et a toujours utilisé sa bicyclette comme moyen de transport ».

Julien Braghieri a mis sa « CaribouRoute » au service d’une collecte de fonds pour PrevNet, l’organisme canadien de prévention de l’intimidation chez les jeunes, qu’il a connue lui aussi.

Son objectif est modeste, 2500 $, et il n’a vraiment commencé à en parler qu’à Winnipeg, mais il se réjouit que de plus en plus de gens qui le suivent sur Instagram laissent une contribution.