Pas moins de 105 artistes dans 19 catégories sont en nomination pour la 15e édition des Prix de musique folk canadienne, qui se déroulera les 3 et 4 avril à Charlottetown. Quelques francophones, principalement de l’Acadie, se démarquent.

 

Par André MAGNY (Francopresse)

 

Une fois les formulaires d’inscription reçus, il reste au final, en moyenne, cinq finalistes en nomination dans chaque catégorie. Une procédure de jury en deux étapes, nécessitant la participation d’une centaine de jurés qui représentent toutes les provinces, territoires et langues officielles, détermine le lauréat de chaque catégorie. Les concurrents doivent répondre à certains critères, basés particulièrement sur le talent, selon les Prix de musique folk canadienne (PMFC).

C’est donc dire que le seul fait d’être en nomination représente en soi un exploit. Alors, imaginez quand on est sélectionné dans trois catégories! C’est le cas de Vishtèn : groupe de l’année, album de l’année (traditionnel) et catégorie innovation musicale.

Le trio acadien tire son nom d’une chanson traditionnelle de l’Île-du-Prince-Édouard. Formé des sœurs Emmanuelle et Pastelle LeBlanc de la région Évangéline de l’IPÉ, ainsi que de Pascal Miousse des Îles-de-la-Madeleine, le groupe sort honoré d’avoir été sélectionné trois fois pour son album Horizons. « C’est toujours une surprise d’avoir trois nominations », commente Emmanuelle LeBlanc, multi-instrumentiste, qui s’occupe notamment de jouer des flutes irlandaises, du piano, de la guimbarde et de la podorythmie au sein du groupe.

Alors que le trio tourne beaucoup à l’extérieur du Canada, notamment dans des pays anglophones comme l’Angleterre, l’Écosse, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, la question du français ne semble pas poser de problèmes. « On explique nos chansons en français. Les publics pour lesquels on joue sont curieux. En Angleterre, on nous dit tout simplement que ce qu’on fait c’est de la bonne musique ».

Les musiciens acadiens sont-ils surpris de voir que leur opus folk se retrouve dans la section innovation musicale? « On aime ça faire des expériences musicales. Oui, la musique traditionnelle est importante, mais on aime aussi toutes sortes de musique. » Le résultat donne des arrangements — auxquels les trois participent — qui intègrent des sons qui ne sont pas nécessairement typiquement traditionnels.

Quant à savoir quelle recette permet aux Acadiens d’être en grand nombre du côté francophone parmi les nommés, Emmanuelle y va de son explication, en particulier en ce qui concerne l’IPÉ : « On a une association, Music PEI, qui organise chaque année Show case PEI, une vitrine qui permet aux artistes de chez nous de se faire voir. »

 

Ailleurs en Acadie

Aux côtés du réputé Lennie Gallant, en nomination pour l’album contemporain de l’année (Time Travel) et pour l’auteur-compositeur… anglophone de l’année, il y a aussi un jeune Acadien de 19 ans de la Nouvelle-Écosse, Jacques Surette. Seul francophone dans la catégorie jeune artiste de l’année, il a séduit les jurés avec son premier album Marche, marche, marche, produit à Moncton par Le Grenier musique.

Avec sa guitare, son banjo et ses harmonicas, il raconte des histoires. Simplement. Un peu comme le fait le grand Cayouche. Normal, le père de Jacques, Éric, musicien aussi, a travaillé avec Cayouche. Celui qu’on surnomme affectueusement « le petit gars de Cayouche » se considère « comme une personne qui écrit beaucoup », en français, car « j’ai toujours trouvé les accents beaux. »

2019 aura été pour lui une année de prix. En attendant les résultats d’avril prochain pour le PMFC, il savoure les honneurs qu’il a reçus au mois de novembre lors de la FrancoFête en Acadie. Avec le prix du Festival international de la chanson de Granby, il a aussi remporté le prix international Marc-Chouinard, qui lui permettra de partir en Suisse en tournée en 2020. Tout comme une autre Acadienne, celle-là du Nouveau-Brunswick, Caroline Savoie.

Co porte-parole avec Patrick Chan, pour les Rendez-vous de la francophonie 2019, collaboratrice d’Émile Bilodeau pour son dernier album Candy — « j’étais contente d’y participer d’autant plus qu’on s’entend bien Émile et moi » — c’est la première fois que la compositrice-interprète est nommée au PMFC. Et pas pour n’importe laquelle des catégories : celle de l’auteur-compositeur francophone de l’année. « C’est une belle visibilité », dit-elle humblement alors qu’elle concourt dans cette section avec les Bernard Adamus, Safia Nolin, Jordane Labrie, Clément Desjardins et Jean Leloup. Rien de moins.

Son deuxième opus, sorti en février 2019, Pourchasser l’aube aura visiblement séduit le jury. Elle risque toutefois de ne pas être à Charlottetown en avril pour la remise des prix, car sa tournée helvétique risque d’être au même moment.

 

Kwei à la musique autochtone

Un tel évènement comme celui du PMFC permet aussi de mettre en lumière différents artistes, qui ont parfois des feuilles de route impressionnantes. C’est le cas de Mike Paul. Avec Origine, l’homme natif de Mashteuiatsh, une communauté innue située sur les bords du Pekuakamit (lac Saint-Jean) ne regrette pas d’avoir saisi l’occasion de s’inscrire à ce gala canadien. Résultat, il est en nomination dans la catégorie auteur-compositeur autochtone de l’année. Il est d’ailleurs le seul à chanter en français dans cette catégorie. Et aussi, en innu, bien sûr.

« J’ai commencé à chanter il y a 25 ans », dit-il. Il a pris la voie de l’autoproduction. Une manière de mieux contrôler son produit, de ne pas faire de concession. À ce qu’il est, à sa culture. Évidemment, s’autoproduire, c’est aussi travailler plus fort. « Je manque d’équipe. » Ça ne l’a tout de même pas empêché d’être également nommé en 2019 pour Origine dans la catégorie meilleur album inuit, en langue autochtone ou francophone aux Indigenous Music Awards 2019 à Winnipeg.

Qu’à cela ne tienne, l’auteur-compositeur-interprète sort du Québec et fait des tournées dans certaines communautés francophones en Acadie et en Ontario. Pour y chanter sa nation, ses racines, l’environnement, au gré du rythme de la Terre-Mère ou des ondulations d’une rivière.

S’il déplore parfois un manque de structure « plutôt qu’un manque de fermeture » pour permettre à la musique autochtone d’encore plus s’épanouir, il salue au passage des évènements comme l’Outaouais en fête, géré par Impératif français, qui se montre ouvert aux langues autochtones. Sensible à ceux qui vivent en situation minoritaire, « je suis très respectueux de ça », Mike Paul estime que la musique est aussi « une façon de se comprendre ». Tshinashkumitin.