En raison du confinement en vigueur, tous les employés de l’Orchestre symphonique de Winnipeg sont temporairement mis au chômage pour une durée indéterminée. Comment les musiciens s’organisent-ils face à pareille situation d’exception? Anne Élise Lavallée, altiste de l’orchestre depuis 22 saisons, nous en parle.

Par Laëtitia KERMARREC

Anne Élise Lavallée vit à Winnipeg depuis 22 ans. « C’est une opportunité professionnelle, survenue à la suite d’un camp de musique à Halifax, qui m’a attirée au Manitoba. » Elle jouait le violon depuis 37 ans, avant de changer pour l’alto voilà 15 ans.

La musicienne joue non seulement pour l’Orchestre symphonique de Winnipeg (OSW), mais aussi avec d’autres petits groupes.

Elle indique par exemple qu’elle a « participé aux concerts organisés par la Winnipeg Chamber Music Society et joué avec plusieurs artistes, comme Mickaël Bublé ».

Le 25 janvier, le Canada confirmait son premier cas de COVID-19, et le 11 mars l’Organisation mondiale de la Santé déclarait la pandémie. S’en suivirent progressivement les recommandations que nous connaissons tous.

Le vendredi 13 mars, l’orchestre était supposé jouer avec le cirque Vertigo, qui vient de Los Angeles. L’altiste fait part de ses doutes ce matin-là.

« Je trouvais ça curieux que l’évènement soit maintenu. » Effectivement, il a finalement été annulé.

L’inquiétude résidait notamment dans le fait que « des artistes et un chef d’orchestre internationaux venaient à Winnipeg.

Pour l’occasion, il y aurait eu beaucoup de personnes dans la salle, avec une grande proximité. L’utilisation d’instruments à vent semblait aussi inadéquate ». Les annulations de concerts se sont ensuite enchaînées.

« Après l’annonce de l’annulation de l’opéra Carmen, pour lequel l’Orchestre symphonique de Winnipeg devait jouer, les musiciens ont finalement été licenciés pour une durée indéterminée. »

L’orchestre avait assez d’argent en banque pour payer ses musiciens jusqu’au 29 mars. Ils peuvent bénéficier de l’assurance emploi au-delà de cette période, car ils ont le statut d’employé. En parallèle, l’OSW continue de payer leur assurance santé.

« Tout s’est passé dans un laps de temps très court : en deux semaines, la situation avait changé. »

Pour les projets à venir, Anne Élise Lavallée indique qu’il n’y a « rien de planifié pour le moment ».

Les musiciens devaient aller en tournée aux Pays- Bas, début mai, pour célébrer la libération du pays par des soldats canadiens en 1945. Un projet, exceptionnel dans la vie de l’orchestre, forcément annulé.

Le reste des évènements comme Harry Potter et la Coupe de feu, ainsi que le Gala de l’orchestre, sont annulés aussi. « On espère reprendre en septembre prochain, mais on ne sait pas tout encore. » L’altiste suggère au public de se rendre sur le site internet de l’Orchestre symphonique de Winnipeg, wso.ca, pour vérifier l’état de la programmation.

« Si les gens ont des billets pour un spectacle annulé, ils peuvent l’échanger contre un reçu de charité ou une carte cadeau, par exemple. »

Depuis une douzaine d’années, depuis que Trudy Schroeder en est la directrice exécutive, « l’orchestre propose vraiment un programme plus axé sur ce que les gens aiment, c’est-à-dire la majorité de la population ».

La musicienne donne l’exemple « des concerts de musiques méditatives, les films concerts ou encore les concerts de musique de jeux vidéo.

« C’est plus populaire et contemporain, et les jeunes s’y rendent volontiers ».

En attendant que la programmation ne reprenne, les musiciens s’organisent pour maintenir une activité.

Pour sa part, Anne Élise Lavallée « en profite pour beaucoup pratiquer, encore mieux et encore plus ».

Étant également enseignante de musique à l’Université, elle continue de donner des cours par FaceTime.

L’altiste précise qu’elle utilisait déjà ces outils lorsque ses élèves étaient en voyage. « C’est vrai, le son est un peu moins bon, mais ça fonctionne bien tout de même. »

Malgré le confinement, la passionnée de son art veut « continuer à exprimer son humanité et ses sentiments à travers la musique » pour s’opposer aux nouvelles déprimantes, dont elle se dit « tannée ». L’altiste n’est d’ailleurs pas la seule à vivre pareils sentiments.

« Des réunions avec les autres musiciens s’organisent sur FaceTime pour pratiquer et créer ensemble. »

Anne Élise Lavallée souligne que « c’était une année difficile pour les arts en général, que ce soit le théâtre, la musique ou autre ».

Mais qu’il est important « de continuer à avancer, et à se projeter dans le futur, parce que l’art démontre la santé d’une société, de la communauté ».