Gérald Laroche a commencé à jouer de l’harmonica à l’âge de 11 ans. « Un an après, j’étais convaincu que je voulais en faire mon métier. » Une nouvelle perspective d’avenir car, du haut de ses sept ans déjà, il rêvait d’être sculpteur et peintre. Le sexagénaire a eu la vocation précoce.

Par Laëtitia KERMARREC

Son enfance a influencé Gérald Laroche dans ses vocations. Petit, il baignait déjà dans la musique. Mais c’est un concours de circonstances qui l’a dirigé vers l’harmonica. Il était certes intrigué par l’instrument, mais l’adulte reconnaît volontiers qu’il « l’avait d’abord choisi pour des raisons budgétaires, avant de totalement tomber en amour avec ».

« L’instrument m’a surpris. Il y avait beaucoup de sons cachés à l’intérieur. » Des sons multiples, mais aussi uniques que Gérald Laroche définit « comme une voix humaine. On peut identifier la personne qui est en train de jouer. Comme si elle parlait. »

Pour devenir bon, il a alors commencé à investir beaucoup de temps dans la pratique de l’instrument. Avec passion… Une passion qui ne l’a plus quitté tout au long d’une carrière de 40 ans maintenant. Quels sont donc les secrets de l’harmoniciste pour s’assurer une telle longévité dans les arts de spectacle?

« L’harmonica n’est normalement pas un instrument central. Il est utilisé pour accompagner les instruments principaux, comme la guitare. » L’harmonica est en fait considéré « comme un mini accordéon, que les musiciens peuvent transporter avec eux dans leur poche ».

Mais Gérald Laroche voulait faire de l’harmonica son instrument principal. Il était l’un des deux seuls à le faire au Canada. Il l’utilisait aussi de manière non conventionnelle. Comment? « En faisant sortir des sons qui ne sont pas censés exister. » Ces nouveaux sons, « je les créais par l’articulation de ma mâchoire, et par la respiration, surtout l’aspiration ».

De cette manière, il en est arrivé à « jouer les harmonicas comme s’il s’agissait d’autres instruments, un didgeridoo, par exemple ».

Son ambition « n’était pas de devenir une vedette, mais plutôt de connaître tous les secrets de l’harmonica et d’inventer » en jouant dans le style qu’il aime. Ce style, il le définit comme étant « ni du blues, ni du traditionnel, mais au milieu », même s’il se sent « totalement inspiré » par le blues depuis ses 14ans.

Aujourd’hui, Gérald Laroche joue plus de 60 harmonicas différents. Après les sons, il y a eu le plaisir d’apprivoiser les tonalités. L’artiste développe : « chaque instrument se joue dans des tonalités différentes. On distingue par exemple les harmonicas echo, qui sonnent comme des accordéons, et les harmonicas de basse qui offrent des sons de basse tonalité. »

Face à pareil éventail, il trouve donc « possible de faire des concerts avec tous les harmonicas ensemble, en employant les harmonicas echo pour la mélodie et les harmonicas de basse pour le fond musical, entre autres ». Une autre originalité du musicien.

« La gamme d’harmonicas adéquats peut ensuite être choisie en fonction du style de musique joué. Le style de blues Boogie, pour prendre un exemple, emploie des tonalités hautes, tandis que les musiques mélancoliques emploient des tonalités basses. »

On le comprend, Gérald Laroche affectionne réellement l’harmonica. Cependant, cette communion n’est pas exclusive.

Au fur et à mesure que les années passaient, il s’est diversifié en ajoutant d’autres instruments à sa panoplie, comme les flûtes irlandaises, les guimbardes ou le très spécial arc à bouche indien, dès l’âge de 18 ans.

L’harmoniciste reste étonné de son effet ensorcelant. « Si la foule est excitée, et que je commence à jouer de l’arc, soudainement le calme se fait et les gens se rapprochent pour écouter attentivement. »

Outre son plaisir à inventer des sons, Gérald Laroche fabrique aussi des instruments, comme son nouveau tambour à pieds. Un voyage en 2004 l’avait inspiré. « Le sol modifie toujours le son de mes tambours, mais en Haïti j’ai remarqué que les musiciens mettent des microphones sur tous les instruments.

« Il a donc créé » un tambour fermé, en forme d’une boîte à pizza, avec un trou et un microphone » pour que le son sorte à sa manière. Des sons qu’on ne retrouve pas autrement.

C’est dire si ses multiples voyages ont aussi permis à Gérald Laroche d’apprendre des autres musiciens. Il pense à Bil Aka Kora, un auteur- compositeur-interprète du Burkina Faso qui lui a enseigné de nouveaux sons en 2001. Avec lui, il jouait sur des allers-retours entre imitation de la voix du Burkinabé et des rythmiques.

L’artiste a aussi beaucoup appris avec Gilles Chabonat, un joueur de vielle à roue de Linière, en France. Les musiciens ont pu jouer ensemble grâce à l’Alliance française de Winnipeg entre 2009 et 2013, où ils ont proposé un mix musical d’harmonica et de vielle, conçu comme une conversation.

Sa déjà longue carrière est loin de se terminer : Gérald Laroche envisage de nouveaux concerts, tout en s’accordant du temps à la création, sa respiration.