Pour amorcer la relance économique, le gouvernement fédéral souhaite accueillir 1,2 million de résidents permanents au Canada sur trois ans avec une cible de 4,4 % de francophones hors Québec. Au sein de la communauté francophone, on se questionne sur la faisabilité de ce plan : comment attirer les immigrants d’expression française hors des frontières du Québec, et comment les retenir durablement? 

 

Par Inès LOMBARDO – Francopresse 

 

Cette semaine au pays, des centaines d’activités virtuelles célèbrent l’immigration dans le cadre de la 8e Semaine nationale de l’immigration francophone qui se déroule sous le thème « Ma couleur francophone ». Cette année, la réflexion est centrée sur la lutte contre le racisme. 

Coordonnée par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) avec l’appui des Réseaux en immigration francophone (RIF) au niveau régional, cette semaine nationale vise chaque année à réaffirmer la diversité et l’inclusion au sein des communautés francophones et acadiennes.

Cette fois-ci, c’est aussi une occasion de se pencher sur le Plan des niveaux d’immigration 2021-2023 développé par le gouvernement fédéral et paru le vendredi 30 octobre. Il prévoit l’accueil de 401 000 nouveaux résidents permanents en 2021, 411 000 en 2022 et 421 000 en 2023.

Tel qu’indiqué dans la Stratégie en matière d’immigration francophone du fédéral,  4,4 % des immigrants qui s’établiront ailleurs qu’au Québec devront pouvoir s’exprimer en français. 

« Un résident permanent est une personne qui a obtenu le statut de résident permanent en immigrant au Canada, mais qui n’est pas encore citoyen canadien. Les résidents permanents sont citoyens d’autres pays. Une personne qui se trouve au Canada de façon temporaire, comme un étudiant étranger ou un travailleur étranger temporaire, n’est pas un résident permanent ». (Source : IRCC)

Encore loin de la cible

Pour Denis Simard, président de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), la cible de 4,4 % d’immigrants francophones hors Québec est ambitieuse, mais réalisable. 

« Les cibles nationales sont toujours prêtes à augmenter le nombre d’immigrants francophones. Malgré cela, en Saskatchewan, on demeure toujours loin des taux fixés », avertit toutefois le président de l’ACF.  

En 2019, la province a reçu 144 nouveaux résidents permanents d’expression française. Un chiffre très bas qui, s’il augmente, va changer la donne pour la province, espère Denis Simard. 

Rendre l’information accessible en français

En Alberta, Evelyne Kemajou, directrice générale du Portail de l’immigrant Association (PIA), exhorte le gouvernement provincial à « créer un environnement dynamique via des campagnes de communication affirmées pour inclure les nouveaux arrivants francophones, sans distinction de pays ». 

Arrivée du Cameroun en 2008, elle explique qu’elle est encore vue comme une « Afrofrancophone » au sein des deux communautés. « Alors que je me sens francophone avant tout », souligne-t-elle. 

Selon elle, l’une des conditions sine qua non pour que les immigrants s’établissent en Alberta est la mise à jour et le rayonnement des services en français pour inclure davantage les nouveaux arrivants francophones.

Evelyne Kemajou souligne que si l’information dont ils ont besoin pour s’installer n’est pas disponible en français à leur arrivée, le risque s’accroit qu’ils décident de déménager dans une autre province mieux équipée à ce niveau.

Éviter le traitement « deux poids, deux mesures » 

La directrice du PIA voit d’un œil plus méfiant la cible d’accueillir 4,4 % de résidents permanents francophones hors Québec d’ici 2023. 

En 2019, l’Alberta a accueilli 596 résidents permanents d’expression française, soit moins de 2 % du nombre total accueillis dans la province. 

Evelyne Kemajou estime que la cible annoncée de 4,4 % sera atteignable si le gouvernement canadien « déploie des moyens égaux dans tous les pays francophones »; la directrice du PIA déplore que chaque année, depuis 2003, le bureau d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) à l’ambassade du Canada en France organise le forum annuel sur la mobilité Destination Canada en France plutôt que dans les pays africains d’expression française. Ce forum est une occasion de recruter massivement pour les organismes franco-canadiens. 

« Si on veut aller chercher les francophones, il faut le faire partout avec les mêmes moyens et le même traitement », commente Evelyne Kemajou.

Des barrières systémiques à faire tomber absolument pour attirer davantage de francophones en situation minoritaire, selon la directrice du PIA.

Le 28 octobre, le ministre Mendicino a annoncé un octroi de points supplémentaires aux personnes francophones et bilingues qui se prévalent du système d’Entrée express. Les candidats bilingues recevront plus de points et verront leurs chances d’immigrer au Canada augmentées comparativement aux candidats qui ne s’expriment que dans l’une des deux langues officielles. Evelyne Kemajou y voit une fausse bonne nouvelle : selon elle, « c’est une autre forme d’exclusion des francophones ».

Sur ses gardes quant aux annonces, Denis Simard préfère toutefois rester optimiste. Le pointage additionnel accordé aux candidats francophones et bilingues dans le système d’Entrée express, dont la mission est de gérer les demandes des immigrants qualifiés qui souhaitent s’établir de façon permanente au Canada, est l’un des facteurs qui lui donnent espoir.

En Alberta comme en Saskatchewan, les discussions entre le fédéral et le provincial ont été amorcées pour mettre en place le Plan d’immigration et articuler le travail au niveau des différents paliers de gouvernement. L’accueil des nouveaux arrivants en pleine pandémie fait partie des questions qui demeurent en suspens.