Photo crédit : Marta GUERRERO

Sarah Fellag a formé un groupe Facebook Maghreb_Win pour donner une occasion aux femmes immigrantes de tisser des liens. Elle plaisante en glissant que son intégration se mesure à sa manière de s’exprimer, qui est désormais plus franco-manitobaine.

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Au Manitoba, l’immigration est une composante importante de la vitalité de la province en général et de sa francophonie en particulier. Sarah Fellag fait partie des personnes qui ont quitté leur pays, attirées par la perspective d’un meilleur avenir. Histoire d’un épanouissement en accéléré.

 

Par Ophélie DOIREAU

 

Arrivée en octobre 2019, Sarah Fellag a su prendre en main son intégration. Au point où elle n’entretient aucun regret d’avoir quitté son Algérie natale.

« J’ai étudié les sciences politiques en Algérie, et je ne trouvais pas vraiment ce qui me convenait là-bas. Alors je suis allée dans un tout autre domaine, celui des communications.

« En arrivant à Winnipeg, j’ai remarqué que la communication en direction des immigrants n’était vraiment pas optimale. Je n’avais pas vraiment les informations sur les évènements ou sur des pistes de bons plans.

« Alors très rapidement, je me suis organisée avec Fatma Abed, une Algérienne. On a formé un groupe Facebook, Maghreb_Win. (1) En Algérie, j’oeuvrais pour la cause de la femme. Il n’y avait pas de raison que ça s’arrête au Manitoba.

« La motivation du groupe est de promouvoir la vie active des femmes et l’entrepreneuriat des femmes. Quand on arrive au Canada, la réalité est parfois compliquée et complètement différente de ce qu’on imaginait. De plus, s’intégrer à 20 ans ou à 40 ans représente des défis bien différents. Je suis très fière de ce groupe. Il existe un véritable esprit d’équipe et il a vraiment bien grandi.

« Pour bien montrer la diversité du groupe, j’ai nommé deux autres modératrices : une Marocaine, Imane Semrane et une Tunisienne, Maha Yeferni. Avant c’était Besma Joulak, mais à cause de préoccupations personnelles, elle n’avait plus assez de temps. Grâce à ce groupe, des femmes se sont lancées dans des micros projets de cuisine maghrébine. Certaines encore ont pu trouver du travail grâce à l’appui de Pluri-elles avec Mona Audet.

« D’ailleurs ce groupe a permis la mise en place d’un projet avec Pluri-elles, dont je suis la coordonnatrice : SE PRENDRE EN MAIN POUR AGIR. C’est fait sur mesure pour les femmes maghrébines afin de les accompagner dans leur intégration au Manitoba.

« Et je tiens une chronique pour le magazine Le Nénuphar, où je parle de nos traditions. Je fais aussi des portraits des femmes maghrébines inspirantes.

« Ce n’est pas toujours évident pour les femmes immigrantes de tout reconstruire dans un nouveau pays. Ce groupe permet de partager des clés de réussites. »

Clés de réussites qui, assure Sarah Fellag, réside dans le fait de ne se fermer aucune porte.

« Quand je suis arrivée, je suis allée rencontrer plein d’organismes pour comprendre mon milieu. Et puis j’ai postulé pour un emploi de travailleuse sociale à l’Office régional de la santé de Winnipeg. C’était ma première expérience dans ce genre de travail, et j’avais un anglais moyen. Mais on m’a appuyée. Aujourd’hui plus que jamais, je suis épanouie dans mon travail avec une belle équipe.

| Occasions multiples

« Je suis de nature très sociale et pas timide. Je n’ai pas peur de poser des questions. Pour moi il n’y a pas de questions bêtes. Je pense que cette attitude m’a permis de vivre une belle intégration. Je me sens comme un poisson dans l’eau. »

Ne se fermer aucune porte, poser des questions et oser : voilà comment Sarah Fellag nourrit son dynamisme. « Je trouve qu’ici il y a tellement à construire et que les occasions sont multiples. Dès que tu veux entreprendre quelque chose, il y aura toujours quelqu’un pour t’aider et te pousser.

« Juste un exemple. Peu après mon arrivée, je suis allée voir Yaya Doumbia, le directeur général d’Envol 91FM. Je lui ai dit que je voulais faire de la radio pour le plaisir. Depuis janvier 2020 j’avais une émission le dimanche à 18 h où pendant une heure je passais de la musique maghrébine. L’émission s’appelle Mousica. Malheureusement, la pandémie l’a interrompue. Pour moi, c’est fou d’avoir accès à un directeur général si facilement et qu’il me propose une occasion pareille.

« Dans la même veine, récemment j’ai commencé à faire de la télé avec Al-Watan Canada. Je n’avais jamais fait de télé ni de programmation. Mais ils m’ont donné l’occasion de réaliser un rêve. Je fais des reportages sur l’immigration, l’intégration de la communauté arabe. Récemment avec Pluri-elles, nous avons fait un reportage sur l’employabilité.

« Avec la COVID-19, on a dû retravailler un peu l’expérience. Les reportages à l’intérieur ne sont plus permis. On tourne à l’extérieur, je m’occupe de la programmation, de trouver les intervenants, les sujets. C’est fascinant. »

Pour Sarah Fellag, le Manitoba s’est dévoilé terre d’adoption. « Les personnes sont bienveillantes. J’ai toujours envie de donner plus.

« Pour moi venir au Canada n’est pas une réussite en soi. Si je ne m’accomplis pas, si je ne participe pas comme je peux à l’épanouissement de certains, si on ne parle pas de ce que je fais, alors ce n’est pas une réussite. »


(1) Le groupe compte 248 membres.