À l’automne prochain, la plateforme en ligne Web Ouest emmènera francophones et francophiles de l’Ouest et du Nord du pays à la découverte des arts vivants, de concerts ou encore de séries en français produites au Canada. Le projet vise à de relier des communautés éloignées les unes des autres autour des arts et de la culture.

 

Par Marine ERNOULT – Francopresse

 

On se baladera sur Web Ouest de séries Web en blogues, entre des grands rendez-vous et des soirées virtuelles en plein air. On pourra y déguster un concert seul ou en groupe, devant sa télévision ou son écran d’ordinateur. De nombreux voyages imaginaires attendent les amateurs de culture depuis leur canapé.

Le projet, né en 2015 sous l’égide la Société de la francophonie manitobaine (SFM), en partenariat avec les Productions Rivard, a reçu 3,8 millions $ d’Ottawa début aout. Web Ouest va ainsi être étendu à des organismes francophones de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut.

« C’est une excellente initiative qui va offrir une vitrine à la francophonie [canadienne]. Des communautés éloignées vont se rassembler autour d’évènements artistiques, ça va contribuer à un sentiment d’appartenance commun au-delà des frontières des provinces », salue Suzanne Campagne, directrice générale du Conseil culturel fransaskois (CCF).

Attirer un public plus jeune

Un sentiment partagé par Marie-Christine Morin, directrice générale de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) : « Ce projet va accroitre la visibilité de nos artistes, leur assurer une présence nouvelle et permettre de faire découvrir des contenus inédits. Il y a une telle diversité et une telle richesse à mettre en valeur. »

À ses yeux, cette plateforme va également permettre d’attirer un nouveau public, à l’écart des centres urbains et aussi plus jeune, « qui consomme avant tout des biens culturels sur Internet ».

Marie-Christine Morin prévient toutefois que la compétition est forte sur le Web : « Il va falloir une programmation originale pour réussir à se démarquer, ainsi qu’être capable d’adapter nos pratiques au numérique, de retransmettre des spectacles vivants de qualité sur les plans esthétique et technique. Ça ne va pas être une mince affaire. »

L’équipe de Web Ouest est actuellement à la recherche de contenus pour alimenter la programmation tout au long de l’année. Suzanne Campagne du CCF a d’ores et déjà été contactée et indique que les deux jours de spectacles et d’ateliers du Festival fransaskois, qui a lieu tous les ans en juillet, pourraient ainsi être diffusés sur la plateforme.

Le festival Terre Ferme pourrait également être retransmis sur le site de Web Ouest en juillet 2022.

« C’est un défi d’amener la culture au plus proche des gens »

L’initiative est accueillie d’autant plus favorablement qu’il est difficile de faire vivre la culture francophone dans l’Ouest et le Nord canadiens.

Les 200 000 francophones qui vivent dans ces régions, sans oublier les 750 000 autres qui se disent bilingues anglais-français, ont souvent du mal à accéder à une offre riche et diversifiée dans la langue de Molière.

« Les communautés sont trop dispersées et distantes les unes des autres, c’est un défi de faire tourner des expositions ou des concerts, d’amener la culture au plus proche des gens », partage Suzanne Campagne.

Lindsay Tremblay, directrice générale de l’Association des théâtres francophones du Canada (ATFC), témoigne également de «la grande solitude» ressentie par les théâtres dans l’ouest du pays : « Alors qu’ils ont de gros mandats, la responsabilité de la survie de la langue et de la culture, ils n’ont souvent pas la capacité de desservir des territoires immenses. »

Les limites du numérique

Suzanne Campagne et Lindsay Tremblay appellent les organismes à coordonner davantage leurs efforts afin de développer des projets communs qui voyageront plus facilement à travers les provinces.

« Chaque organisme travaille en silo et élabore sa propre programmation. Il faut repenser cette façon de faire pour lever la barrière des distances », plaide Suzanne Campagne.

Si les directrices interrogées voient Web Ouest d’un bon œil, en particulier en période de pandémie, elles se réjouissent aussi de la réouverture des salles de spectacle.

« Pour le théâtre, l’adaptation au numérique est plus problématique. Cet art exige plus que d’autres un rapport vivant au public », explique Lindsay Tremblay.

« On a dû s’adapter pour survivre pendant la crise sanitaire, mais une caméra ne peut pas remplacer une salle comble […] On ne peut pas basculer toutes les pratiques culturelles vers les seuls écrans », ajoute-t-elle.

En attendant, Web Ouest semble inspirer d’autres projets similaires au pays. Lindsay Tremblay évoque le lancement d’un site similaire en Acadie, chapeautée par le Réseau atlantique de diffusion des arts de la scène (RADARTS).