Le Théâtre Cercle Molière accueille le 6 avril une représentation unique de La Douleur, œuvre de Marguerite Duras publiée en 1985. En partenariat avec l’Alliance Française du Manitoba (1), la dramaturge Maud Andrieux a adapté cette pièce, et la joue aux quatre coins du Canada.
Par Matthieu CAZALETS
Maud Andrieux a eu le coup de foudre pour Marguerite Duras durant sa jeunesse : « Marguerite Duras, c’est la rencontre de ma vie. J’ai 22 ans, je rentre d’un voyage au Vietnam, et lorsque je lis Un barrage contre le Pacifique, je prends une claque littéraire monumentale. »
Depuis, la dramaturge a adapté plusieurs ouvrages de Marguerite Duras, et a même créé en 2014, un théâtre consacré à l’artiste : le Théâtre Marguerite Duras Itinérant. Après Un barrage contre le Pacifique, puis Le Vice-Consul, c’est au tour de la Douleur, journal autobiographique d’être interprété : « La Douleur, c’est un recueil de nouvelles qu’a écrit Marguerite Duras en 1985 et qui fait part de façon autobiographique des années 1944 à 1946, en France à Paris où elle rejoint le réseau de résistance de François Mitterrand (2). »
Une histoire au cœur de la guerre
L’histoire reprend deux chapitres de la Douleur. Cela correspond à la période de la fin de la Seconde Guerre mondiale entre 1944 et 1946, lorsque Marguerite Duras attend le retour de son mari déporté par les nazis, Robert Antelm : « Dans le recueil, il y a plusieurs textes, quatre textes (3). Le premier, La Douleur c’est vraiment le récit de l’attente. Marguerite tient un journal de bord ou elle écrit des dates. »
Au même moment, Marguerite Duras rencontre Pierre Rabier, l’homme qui a arrêté son mari, et avec qui elle va nouer une relation amicale pour obtenir des renseignements précieux pour la résistance. C’est cette période qui a été choisie par Maud Andrieux pour être racontée dans la pièce : « J’ai mixé la Douleur avec le deuxième texte : Monsieur X, dit Pierre Rabier. J’ai fait un montage parallèle de ces deux textes. Elle raconte toutes ses rencontres avec Pierre dans le texte. Ces deux textes se passent exactement au même moment. »
« Ça me paraissait très important de montrer une Marguerite engagée qui vit chaque jour près du téléphone chez elle. Avec cette incapacité à manger, parfois à se lever, à tenir bon. Et en même temps, elle voit Pierre Rabier chaque jour. Elle se force à sortir pour le voir et obtenir des renseignements. »
Pour l’interprétation, Maud Andrieux est seule sur scène, jouant Marguerite. Pour elle, ces textes sont faits pour être adaptés au théâtre : « C’est déjà un peu écrit comme ça. C’est écrit à la première personne. J’aime le côté cinématographique de son écriture, qui, pour moi, est fait pour être dit à haute voix. »
L’importance du son et de la lumière
Sa compagnie de théâtre étant mobile, la dramaturge se contente de décors minimalistes et donne une importance particulière à l’audio et à la lumière : « Les décors sont très simples, il y a l’appartement de la rue Saint-Benoît où elle vit, et où elle est dans l’attente près du téléphone. Après, il y a un montage lumière en effet qui est assez important parce que sinon la scène est vide. Et il y a une bande sonore qui est primordiale. Elle recrée Paris la nuit sous l’occupation, mais aussi la voix de Pierre Rabier. »
« C’est un travail que l’on fait avec les différents théâtres qui nous accueillent, les régisseurs sur place à chaque fois. On est deux en fait. Je suis accompagné par Sophie Dutheil, qui est la vice-présidente de la Compagnie du Barrage et la directrice de production. Elle m’accompagne dans toutes mes tournées à l’étranger, et s’occupe de la régie sonore. »
Destinées à un public d’apprenants de la langue française, à travers les partenariats avec les Alliances Françaises, les pièces sont sous-titrées, et prévues pour être comprises par le plus grand nombre : « C’est sous-titré en Anglais ou dans la langue du pays. Le vocabulaire est très simple, il est assez répétitif. Il convient bien à un public d’apprenants. Et la bande sonore vient plonger le spectateur dans le Paris de l’occupation. »
Aussi, l’aspect historique est mis en avant : « Il y a tout à fait la passerelle historique qui pour moi est très intéressante et la passerelle littéraire qui fait accéder à ces textes et je pense que c’est dommage de passer à côté de Marguerite Duras dans sa vie (rires). »
Après deux ans difficiles, Maud Andrieux est très reconnaissante des spectateurs à travers le monde sans qui rien ne serait possible pour elle : « Après deux ans de confinement ou les théâtres et la culture ont été verrouillés parce que non essentiels, je reçois beaucoup d’émotion et d’amour de tout le public canadien. C’est très émouvant de voir le public revenir au théâtre. »
(1) Pour plus d’informations : https://www.afmanitoba.ca/fr/events/special/theatre-la-douleur/
(2) Président de la République française entre 1981 et 1995
(3) Le livre est partagé en quatre parties distinctes : La Douleur, Monsieur X dit Pierre Rabier, Albert des Capitales et Ter le milicien