Jocelyne Baribeau est de retour. L’artiste franco-manitobaine a annoncé le 18 mars dernier la sortie de son nouvel EP Portraits Vol. 2. Un an après Portraits Vol.1, elle raconte la création d’un projet personnel aux teintes nostalgiques.

Par Matthieu Cazalets

Quelques semaines après la sortie de son nouvel EP, Jocelyne Baribeau a déjà eu quelques retours du public : « Les gens me disent que l’album berce un peu l’oreille ». C’est bien ce qui ressort, à la première écoute de ce court projet. Cinq chansons, et la suite logique de Portraits Vol.1, sorti il y a un peu plus d’un an : « Au début de la pandémie, quand j’avais le projet de Portraits Vol.1, on était déjà dans le studio et on travaillait un peu à ce lancement. Finalement, on a décidé de le diviser en deux. »

Faire un album en temps de pandémie

Des titres travaillés et arrangés par une équipe de musiciens parties prenantes du projet : « J’ai beaucoup été appuyé par Murray Pulver, qui est le réalisateur du projet. Roman Clarke, c’est l’autre musicien. Il est l’ingénieur du projet, il a fait le mix. Et parallèlement, il a beaucoup joué. Les deux gars jouent la plupart des instruments. »

Pourtant, ces trois-là, et tous les autres contributeurs du projet, n’ont jamais mis les pieds ensemble dans un studio pour composer, mixer, et accomplir toutes les autres activités de réalisation d’un album. L’équipe a développé Portraits Vol. 2 entièrement à distance : « Tout le projet, les deux volumes, il n’y a pas un moment où on a été ensemble, les musiciens et moi. »

En découle un album aux styles multiples, entre country, folk et notes de pop. Jocelyne Baribeau voit dans cette diversité la beauté de l’art qu’elle pratique : « C’est un peu ça la beauté de la création, on n’a pas besoin de faire juste une chose. Et les influences qu’on peut avoir par différents membres de notre équipe vont apporter une nouvelle dynamique.

« Je trouve ça important de pouvoir faire vivre une chanson peut importe les différents styles des gens avec qui je travaille. Certains sont plus folks, et d’autres sont plus pop. J’aime ça, quand on fait un show et que je me dis : Oh, ok, on va aller dans cette direction aujourd’hui. »

Un projet très personnel

Dans Portraits Vol. 2, Jocelyne Baribeau parle d’elle, de ses envies, de ses sentiments et de ses tourmentes. Cinq titres qui se réunissent tout de même autour d’une teinte calme et nostalgique. Un sentiment partagé par la chanteuse et son public : « Peut-être avec le temps de la pandémie, le calme s’est installé. Il y a une certaine couleur de calme. Il y a des rythmes, ce n’est pas que c’est lent, je dirais qu’il y a une nostalgie, peut-être plus que d’autres choses. »

C’est le cas de La blonde d’elvis, chanson sans réelle signification personnelle, mais qui respire cet aspect un peu rêveur : « C’est une femme qui tombe en amour avec Elvis dans ses rêves. C’est doux comme histoire et ça allait vraiment bien avec cette ambiance nostalgique. »

J’prends mon envol, au contraire, est plus ancrée dans les sentiments de la chanteuse. C’est une balade sur le manque de la maison et des repères. Elle a été composée avec la Fransaskoise, Alexis Normand, avant la pandémie, la tête dans les nuages : « C’est une chanson que j’ai composée quand j’étais en tournée que je faisais trop d’avion. J’étais fatiguée et je rêvais par la fenêtre de l’avion d’être plus souvent chez moi. Celle-là, je l’ai écrite sur le petit papier devant moi, le petit sac qui nous est donné en avion. »

Comme un besoin pour retrouver ses racines franco-manitobaines, qu’elle transporte avec fierté dans tout le Canada : « Je suis fière de pouvoir dire que j’habite au Manitoba toujours, que je viens d’ici, puis personne ne semble pouvoir m’en empêcher (rires). » Des racines que l’on retrouve dans la reprise de Bébé Rouge, titre de Johnny Cajun, groupe manitobain qui fait partie des influences de l’artiste.

Ses racines et sa passion pour sa musique, elle se sent aujourd’hui privilégiée de pouvoir en faire son métier. Quelque chose qui n’était pas forcément acquis : « J’ai eu ma famille très jeune et j’ai commencé ma carrière très tard. Je me suis faite dire que j’étais trop vieille pour l’industrie par des professionnels. Si je les avais écoutés, je n’aurais pas vécu ce que j’ai vécu. Chaque chose qu’on va entendre ça nous affecte, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas porter ce bagage-là avec nous pour développer qui on est. » La chanson Je ne changerais rien apparaît d’ailleurs comme une petite réflexion sur ce parcours singulier.

Un hommage, aussi, est rendu dans Portraits Vol. 2. Le titre Sylvie’s Song (Ruby Red Shoes) est dédié à une amie ayant perdu la vie en 2019. Jocelyne Baribeau a voulu l’écrire pour elle et pour tous ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale :

« Cette chanson, ça fait longtemps que je l’ai composée, pas longtemps après qu’elle soit décédée. J’étais en tournée en Acadie avec Beauséjour (1). J’ai dû continuer la tournée pendant ces semaines-là après son décès, sans rentrer chez nous pour être avec ma famille et mon amie. Sylvie, c’était la fille de ma meilleure amie. C’était vraiment hyper difficile et cette chanson-là est venue pour m’aider, je pense.

« J’espère que cela sera un outil dont je vais pouvoir me servir pour parler de la santé mentale avec les jeunes. J’ai beaucoup souffert de problèmes d’anxiété. Je l’ai toujours caché toute ma vie et je me dis, c’est plus important maintenant d’en parler, en particulier avec les prochaines générations d’artistes. »

L’interprète se tourne maintenant vers l’avenir, en solo ou avec Beauséjour. Elle affectionne ces tournées et un public qui maintenant la connaît bien :

« Le premier show que j’ai fait, au retour de la pandémie, j’ai commencé à chanter avec mon duo Beauséjour, et le public au complet connaissait nos paroles. Tout le monde chantait avec nous. J’en ai pleuré un peu, je ne pouvais pas m’empêcher. »

(1) Beauséjour est le groupe que partage Jocelyne Baribeau avec Danny Boudreau.