FRANCOPRESSE – Après plus de deux ans de pandémie, le secteur des arts et de la culture s’est réuni à Ottawa pour dresser un état des lieux et explorer les perspectives d’avenir. Artistes et organismes espèrent en profiter pour mettre en place un filet social bien adapté au monde des arts.
Ericka Muzzo – Francopresse
« Imaginez une journée sans arts, sans culture, une seule journée. […] Ça serait vraiment plate et ça serait triste et froid! Ça ne serait pas humain », a lancé en mot d’ouverture le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.
Il a souligné que la révolution numérique force le secteur des arts et de la culture à s’adapter, mais qu’elle ouvre en même temps des perspectives sans précédent : « La question est de savoir comment continuer à exploiter cette révolution numérique tout en protégeant notre culture. »
Le ministre a souligné l’importance de sécuriser le Web ainsi que de contraindre les grandes plateformes à une redevabilité. Pour appuyer ses propos, il a mentionné le projet de loi C-11 modifiant la Loi sur la radiodiffusion, le projet de loi C-18 baptisé la Loi sur les nouvelles en ligne, un futur projet de loi sur la sécurité en ligne, ainsi que la réforme de la Loi sur le droit d’auteur.
Un système qui survit « aux dépens des artistes »
Le premier panel du Sommet national sur la culture : L’avenir des arts, de la culture et du patrimoine au Canada, qui s’est tenu du 2 au 4 mai, a porté sur les principaux enjeux du milieu à l’heure actuelle et sur les manières d’améliorer la situation des artistes en période postpandémique.
D’après les participants, les deux dernières années ont mis en lumière des problèmes préexistants en plus d’avoir fragilisé davantage le secteur.
« Parmi les choses fondamentales qu’à mon avis on ne peut plus ignorer, il y a vraiment la condition des artistes. On est encore aujourd’hui dans un système qui s’autofinance et qui s’autodévore aux dépens des artistes », a déploré Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada (CAC).
À l’instar des autres panélistes, il a défendu la nécessité de mettre en place des mesures pour soutenir les artistes durant leurs périodes de création, mais aussi hors de celles-ci.
De telles mesures constituent aussi un cheval de bataille pour le sénateur indépendant néobrunswickois René Cormier, qui était présent au Sommet : « La question du soutien au revenu est fondamentale et me touche particulièrement. J’ai envie d’y travailler très très fort. »
« Comme sénateur, toute la législation qui peut toucher une amélioration des conditions de vie des artistes m’intéresse. Je pense qu’il y a des pistes dans l’environnement – certains parlent du revenu de base garanti, d’autres parlent de modifications à la Loi sur l’assurance-emploi. Je pense que ce sont deux avenues qu’il faut explorer davantage », ajoute René Cormier.
Il espère que le gouvernement profitera du Sommet comme d’un tremplin pour amorcer «de façon très concrète » le travail sur les enjeux soulevés afin de favoriser la collaboration des artistes avec les autres secteurs. Le sénateur est d’avis que les artistes « ont un rôle à jouer pour reconstruire le pays sur le plan social, culturel et économique ».
Un rapport devrait faire suite au Sommet, mais Patrimoine canadien n’a pas répondu à la question de Francopresse concernant l’échéance visée.
La francophonie répond présente
Pour Anne Brochu-Lambert, vice-présidente de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), « d’être sur place et de pouvoir croiser les joueurs clés qui ont la possibilité de changer la donne au cours des prochaines années, c’était essentiel ».
En tant que représentante de l’organisme porte-parole des arts et de la culture en francophonie canadienne, elle assure être « très curieuse d’entendre ce que les autres joueurs dans le secteur ont comme vision, pour voir où on se rejoint et s’il peut y avoir des consensus », même si la communauté canadienne-française a « un point de vue original et des besoins particuliers », précise-t-elle.
« Très souvent, le palier gouvernemental provincial n’est pas nécessairement à l’affut des besoins de sa communauté minoritaire », mentionne-t-elle.
Lou-Anne Bourdeau, vice-présidente de l’Association des groupes en arts visuels francophones (AGAVF) et directrice adjointe de la Maison des artistes visuels francophones (La Maison) au Manitoba, partage le même point de vue.
« Au Manitoba, c’est statuquo depuis assez longtemps par rapport aux subventions dans les arts, mis à part les fonds d’urgence. Je pense qu’il y a un questionnement à avoir sur qu’est-ce que ça veut dire les arts pour une communauté », suggère Lou-Anne Bourdeau.
Elle considère que sa présence au Sommet est notamment une façon de « mettre de l’avant l’aspect francophone, montrer qu’on est là! »
« En arts visuels, on a tendance à penser que, comme c’est visuel, la question de langage importe peu, mais je pense qu’au contraire, présentement, c’est très important dans toutes les discussions par rapport à la représentation, diversité, etc. », ajoute-t-elle.
Anne Brochu-Lambert espère qu’un suivi sera fait parce qu’elle est d’avis que le Sommet marque un « un coup d’envoi » qui permettra au milieu de s’orienter vers des solutions.
« Je nous souhaite une table du secteur des arts, une place à la table de la discussion économique pour les arts et la culture. Je nous souhaite un début pour le statut de l’artiste au niveau national », lance-t-elle avec espoir.
Au premier jour du Sommet, le premier ministre Justin Trudeau et le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, ont annoncé que 50 millions $ seront tirés du Fonds pour la résilience des travailleurs du secteur des spectacles sur scène du Canada (FRTSSSC) pour financer les travailleurs indépendants et autonomes du secteur des arts de la scène, jusqu’à concurrence de 2500 $ par personne. Ce Fonds a été lancé en février 2022.