Depuis le 31 mars se tient à La Maison des artistes visuels francophones du Manitoba (MDA) l’exposition Les Attentions. Jusqu’au 28 mai, l’artiste visuelle Andrée-Anne Roussel présente un travail autour du temps qui passe, de l’observation et de la lenteur.
Par Matthieu CAZALETS
Un glaçon qui fond, un légume en décomposition, des fleurs qui fanent, sur les murs blancs de la salle d’exposition de la MDA trônent des photos immobiles, mais qui semblent pourtant se mouvoir très doucement. Un travail récurrent chez Andrée-Anne Roussel : « C’est vraiment une thématique qui revient souvent dans mes tous premiers projets, la lenteur, le fait de ne rien faire. »
La salle est coupée en deux, comme l’exposition, qui est partagée en deux parties qui s’assemblent. D’un côté, une vidéo : Capacité d’attention, qui suit la journée d’une jeune femme immobile sur son lit, ne bougeant que ses mains. De l’autre, six photos, qui donnent toutes ce sentiment de lenteur et obligent à l’observation. Un processus en deux étapes qu’explique Lou-Anne Bourdeau, directrice adjointe de la MDA : « Andrée-Anne avait appliqué pour exposer en 2019, donc c’était quand même avant la pandémie. Au départ, c’était seulement avec la vidéo. Puis quand on a commencé à parler au plus près de l’exposition, elle nous a parlé de ce corpus photo. »
Lorsqu’elle a retrouvé un vieil appareil photo pendant le confinement, Andrée-Anne Roussel a repris la photo qu’elle n’avait pas pratiquée depuis très longtemps : « Pendant les confinements, personnellement, j’avais plus de temps et plus de solitude. J’ai retrouvé un appareil photo dans ma garde-robe, je m’y suis mis pour le plaisir de continuer à créer. Tu peux prendre juste 24 photos, tu ne sais pas ce que tu prends en photo, et l’expérience a comme ravivé une excitation. J’avais déjà fait de la photo, mais c’est vraiment la première fois que j’utilisais ce médium-là pour le plaisir, mais aussi pour exposer. » La vidéo Capacité d’attention existe elle depuis 2020, et correspond plus au domaine de travail de l’artiste.
Ces deux projets, l’artiste n’a pas de immédiatement pensé à les associer : « Au début, je n’avais même pas pensé à associer ces deux projets-là ensemble, c’est en en parlant avec Lou-Anne ou avec Alex (1), j’ai réalisé : Oh oui, dans le fond, c’est vrai, il y a plein de points communs. Le côté justement de porter attention, d’où le titre, porter attention aux choses qu’on ne prend pas le temps d’observer nécessairement à ce point-là. »
Lors de la visite, ce lien semble évident. C’est ce qui a séduit la MDA et sa directrice adjointe : « Je trouve qu’en réponse avec la pandémie, c’est super intéressant. C’est comme un moment dans lequel on a été arrêté et qu’on a porté attention envers des choses complètement différentes. » Tout est fait pour que l’attention du spectateur soit portée exclusivement sur les œuvres, qui n’ont ni titre, pour les photos en tout cas, ni description : « Je pense que le minimalisme de l’installation fait justement qu’on est vraiment invité comme visiteur à porter une attention toute particulière aux œuvres. »
Un sentiment que Andrée-Anne Roussel cherche à éveiller chez le spectateur : « J’aimerais que les gens aient ça en tête après avoir visité l’exposition, de peut-être s’attarder à quelques objets ou de prendre le temps de ne rien faire, même si ce n’est que 10 minutes. »
Cette exposition était une première depuis longtemps pour l’organisme. Car depuis que la pandémie de COVID-19 a frappé, aucun artiste n’était venu en personne présenter son travail, ce qu’a fait Andrée-Anne Roussel. Une joie pour Lou-Anne Bourdeau : « On a eu d’autres artistes ces derniers mois, mais certains avaient envoyé leurs œuvres et fait l’installation par Zoom. Avoir les artistes ici, c’était vraiment super, de ressentir que les choses repartent un peu normalement. »
Même son de cloche chez l’artiste, qui garde un excellent souvenir de Winnipeg, et pour qui ce vernissage était aussi une première depuis longtemps : « Le retour en personne, je le réalisais en voyant les visiteurs. Mais en même temps ça restait difficile de réaliser : C’est le premier vernissage en personne depuis longtemps. »
(1) Astrid Alexandra Keim, directrice exécutive de la Maison des artistes visuels francophones du Manitoba.