Par Raymond Clément

Outre les turbulences sur les Bourses et les pressions inflationnistes, un autre facteur commence à jouer un rôle important dans notre monde économique : le manque de main-d’œuvre, qui se traduit par une baisse du taux de chômage et un ajustement du salaire minimum provincial. Cette nouvelle situation pourrait contribuer à réduire les inégalités sociales.

Pour évaluer le niveau de vie des travailleurs, le salaire médian est le meilleur baromètre. La personne qui touche un salaire médian sait qu’une moitié des employés gagne plus qu’elle et que l’autre moitié gagne moins qu’elle.

La productivité mesure la valeur que l’employé fournit à l’employeur. Alors dans un monde idéal, les gains de productivité devraient se traduire par des augmentations du salaire réel.

Mais depuis quelques décennies, les gains de productivité n’ont que faiblement bénéficié aux travailleurs qui touchent le salaire médian. Autrement dit, la productivité a beau avoir progressé, les augmentations de salaires sont restées plutôt faibles.

Et ce sont les employés au bas de l’échelle salariale qui ont connu des augmentations nettement inférieures à celles des salariés en haut de l’échelle.

Entre 1976 et 2019, on s’aperçoit que le salaire médian canadien a augmenté sur une base annuelle de 0,14 %. Pourtant la productivité ouvrière a augmenté de 1,10 %.

Cette faible augmentation du salaire médian pendant ces décennies s’explique par une simple question de pouvoir des travailleurs.

En effet, la part de l’augmentation de la productivité qui retourne aux salariés dépend du pouvoir de négociation, qui est fonction de trois facteurs : taux de chômage, taux de syndicalisation et mondialisation.

Premier facteur : le taux de chômage

Le resserrement du marché du travail est mesuré par le taux de chômage. Plus le taux de chômage est élevé, plus la capacité des travailleurs d’obtenir des hausses de salaire diminue. Résultat : entre 1976 et 2000, alors que le taux de chômage moyen était à 9,1 %, les augmentations du salaire médian ont été négatives. Entre les années 2000 et 2019, alors que le taux de chômage moyen tournait autour des 7,0 %, la croissance moyenne du salaire médian se situait à 0,53 %.

Deuxième facteur : le taux de syndicalisation

Le taux de syndicalisation s’élevait à 38 % en 1981. Il est passé à 30 % en 2000, pour ensuite encore baisser légèrement à 28 % en 2019. L’équation est simple : moins les travailleurs sont syndiqués, plus leur pouvoir de négociation est réduit.

Troisième facteur : la mondialisation

La mondialisation a eu une multitude d’impacts sur le marché du travail et le pouvoir de négociation de la main-d’œuvre. La part d’importation est passée de 17 % en 1976 à 26 % en 2019. Le phénomène s’est accentué après 1990, lorsque le traité de libre-échange entre le Canada et les États-Unis est entré en vigueur; suivi par un accord tripartite avec le Mexique. La nouvelle donne économique a permis à certaines industries de transférer une partie de leur production dans les pays où le coût salarial est moindre.

L’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 a aussi contribué à faire passer la part d’importation de 1 % en 1990 à 8 % en 2019. Une tendance qui se maintient à la hausse.

Trois facteurs pour une seule réalité

Les gains de la productivité ouvrière ne sont pas répartis également sur l’ensemble des travailleurs canadiens. Ceux en bas de l’échelle salariale sont les plus vulnérables, car leur pouvoir de négocier est généralement faible.

Toutefois, l’actuelle baisse du taux chômage ainsi que la hausse du salaire minimum présentement proposé par les provinces pourrait au moins partiellement atténuer certaines inégalités dont souffre notre société.