Dans le cadre du programme de subvention pour le patrimoine, le gouvernement du Manitoba a annoncé le 9 mai dernier avoir investi 194 000 $ afin de soutenir 38 projets dans toute la province. Ces fonds serviront notamment à financer des travaux d’archives, des recherches historiques ou encore des initiatives éducatives.

Par Jonathan Semah

La Société historique de Saint-Boniface (SHSB) fait partie de ces 38 projets. L’organisme va notamment utiliser une partie de l’argent obtenu (6 500 $) pour la préservation des photos natives des archives de La Liberté.

Avec cette somme, la SHSB va tenter de traiter 5 000 à 8 000 photos. Selon Janet La France, directrice générale de la SHSB, il s’agira d’essayer plusieurs techniques, car le métier d’archiviste évolue et l’adaptation est nécessaire.

« Depuis une dizaine d’années, on reçoit les photos numériques de La Liberté. Ça n’a jamais existé en papier, ça n’a pas été imprimé, ça a été juste pris avec des caméras numériques et maintenant on se retrouve avec un gros backlog de photos numériques en stockage qu’on n’a pas eu la chance de traiter et de préserver à long terme.

« Tous ces formats-là deviennent éventuellement désuets si l’on n’en fait rien. Pour ça, on va lancer un projet pilote dans lequel on va faire un traitement d’une collection de née numérique. On va commencer avec les photos nées numériques les plus vieilles de La Liberté, ça va nous aider à créer un système pour le futur.

« On a des idées en terme technique, on va sûrement essayer plusieurs logiciels de traitement et voir ce qui fonctionne le mieux. C’est une question très importante en ce moment dans toutes les archives au Canada : Comment continuer à faire notre travail d’archiviste avec les nouvelles archives? Il y en a tous les jours, on va donc tester pour trouver les meilleures réponses. »

En effet, certaines photos ont déjà été numérisées par la SHSB. Alors, quel travail supplémentaire à faire sur ces documents pour les garder intactes le plus longtemps possible? « Il s’agit de les organiser, les cataloguer, bien les nommer et les sauvegarder pour protéger leur intégrité. Même déjà numérisés, ces fichiers peuvent se corrompre. Il peut y avoir un problème de formatage et dépendant du format, on pourrait ne plus pouvoir les ouvrir. »

| Une exposition Georges Forest à venir

Par ailleurs, la SHSB a reçu 5 050 $ pour traiter et ajouter des documents aux fonds d’archives Georges et Anita Forest. C’est une pierre à un édifice à long terme. « On planifie de faire une exposition sur la vie de Georges Forest, en particulier son activisme. Ça ne sera pas simplement son expérience avec la Cour suprême, mais plutôt son engagement dans plusieurs affaires politiques. Ça devrait voir le jour en 2024, mais on va traiter les archives en premier avec cette subvention. »

Il y a aussi pour la SHSB un 5 500 $ pour améliorer la fonction de recherche de sa base de données tout en veillant à ce que le lexique soit plus respectueux du contenu autochtone. « On va aller au travers de toute notre terminologie qu’on utilise pour décrire des fonds d’archives, des photos, des documents et les mettre à jour. On va aussi inclure des descriptions en français et en anglais pour le matériel autochtone. Beaucoup de personnes autochtones au Manitoba ne parlent pas français. On va aussi ajouter de l’information historique et respectueuse. Par exemple, au lieu de mettre seulement Ojibwé, on va aussi mettre Anishinaabe, le numéro de Traité dans lequel la communauté se trouve, le nom de la communauté en français, en anglais et dans la langue autochtone. Pour tout ça, on va aussi essayer de travailler avec des personnes autochtones pour améliorer nos descriptions. »

Et au quotidien, conserver et protéger le patrimoine historique, c’est tout un art. Un savoir-faire maîtrisé, rien n’est laissé au hasard par l’équipe de la SHSB. Janet La France partage quelques secrets.

« On a notamment deux grosses chambres froides pour notre matériau papier, photos ou négatifs. Le climat est contrôlé, il oscille entre 16 et 18˚C , avec un pourcentage d’humidité de 40 %. Ce sont les conditions idéales. On fait aussi de la numérisation pour allonger la vie de certains matériaux et mieux les partager. C’est un processus qui peut être long, on en fait un petit peu chaque année.

« Récemment, on a d’ailleurs eu une subvention fédérale de Bibliothèque et Archives Canada pour continuer la numérisation de nos vidéos VHS. Clairement l’archiviste numérique doit être une personne minutieuse, patiente, capable de se concentrer sur une longue période et avoir un minimum de connaissances historiques. »

Pour continuer cette mission, la SHSB a aussi reçu une subvention de 10 000 $ pour améliorer l’accès audiovisuel du site web. Ce sera un travail entre un étudiant qui est là pour l’été et l’archiviste de l’organisme. L’idée sera de passer au travers d’enregistrements sonores pour faire de l’indexation et mieux guider les visiteurs sur le site.

Au final, l’organisme a reçu au total 27 050 $ pour plusieurs travaux à entreprendre qui s’étaleront sur plusieurs années. Ce financement gouvernemental représente 50 % des besoins de la SHSB pour ces projets. Le reste viendra soit directement de l’organisme ou de d’autres subventions. Janet La France est très satisfaite du soutien régulier accordé par la Province.

« C’est très important. On ne serait pas capable de faire certains projets sans ce soutien-là. Certes, j’aimerais bien qu’un jour ça soit plus de financement opérationnel puis moins de financement de projets. Car il y a quand même beaucoup de choses qu’on a besoin de faire à l’interne qu’on ne peut pas financer. Bien que les projets soient très intéressants. C’est une façon très tangible de pouvoir dire chaque année : On a accompli ça, ça, puis ça. »