FRANCOPRESSE – L’écran n’a pas besoin d’être planté devant l’enfant pour lui faire du tort. Chaque heure que passe un parent sur les médias numériques est corrélée à une diminution du score de développement global de son enfant.

Marianne Dépelteau – Francopresse

C’est la conclusion à laquelle sont arrivées l’étudiante Alexa Johnson et la professeure Élizabeth Harvey de l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse, et la professeure Caroline Fitzpatrick de l’Université de Sherbrooke au Québec dans l’étude qu’elles ont présentée le 9 juin au 89e congrès de l’Acfas.

Au début de la pandémie, elles ont consulté 316 parents d’enfants d’âge préscolaire, âgés en moyenne de 3,5 ans, au sujet du temps qu’ils passaient devant la télévision, l’ordinateur, les jeux vidéo, une tablette et un téléphone intelligent.

Un an plus tard, elles ont demandé aux parents de mesurer le développement global de leur enfant à l’aide du questionnaire « Ages & Stages ».

Elles ont ainsi constaté que chaque heure que les parents passaient devant les médias numériques était associée à une diminution du score de développement global de l’enfant, ce qui a des conséquences sur les résultats scolaires et le développement des aptitudes sociales.

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Le « développement global » s’entend du développement particulier d’un enfant et de ses apprentissages simultanés dans tous les domaines : physique, moteur, affectif, social, cognitif et langagier.

« Le développement global est important parce qu’il est relié au succès éducatif de l’enfant », souligne Alexa Johnson.

Selon elle, « la qualité des interactions parent-enfant façonne de manière critique le développement durant la petite enfance. Nous soupçonnons que l’usage des écrans par les parents pourrait diminuer le nombre d’interactions avec les enfants et leur qualité ».

Cette interférence de la technologie dans la relation parent-enfant a été baptisée la « technoférence ». Elle peut être liée à une baisse de la fréquence et de la qualité des interactions familiales, et aurait des conséquences sur le développement de l’enfant.

Alexa Johnson est étudiante à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse. (Photo : gracieuseté)

Augmentation du temps passé devant les écrans

Les chercheuses ont découvert qu’en moyenne, pendant la pandémie, les parents de leur étude ont passé six heures par jour devant un écran. Une autre étude, effectuée avant la pandémie, avait montré que le temps passé devant les écrans s’élevait à quatre heures par jour.

L’étude conclut que ces enfants dépassent la limite d’exposition quotidienne aux écrans recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit 0 minute avant l’âge de 2 ans et un maximum d’une heure par jour entre 2 et 5 ans et de deux heures par jour pour les enfants de plus de 5 ans.

L’OMS avance qu’avec les transports motorisés, l’utilisation accrue des écrans contribue à la sédentarisation de notre mode de vie, ce qui mène à de graves ennuis de santé. Toujours selon l’OMS, si la population mondiale était plus active, jusqu’à 5 millions de décès par an pourraient être évités.

Selon Alexa Johnson, « même s’il n’y a pas de recommandations sur la limite de temps pour les parents maintenant, c’est important que les parents considèrent comment ils utilisent, par exemple, leur téléphone cellulaire en présence de leurs enfants [et le temps qu’ils y consacrent] ».

Les conditions socioéconomiques

L’étude présentée au congrès de l’Acfas a aussi fait ressortir que les parents moins susceptibles de laisser leurs enfants devant un écran mobile en moyenne plus de deux heures par jour sont plus instruits, plus satisfaits de la répartition des tâches parentales et ont un revenu plus élevé.

L’étude se poursuit pour évaluer le phénomène chez les enfants plus âgés, et des études complémentaires sont prévues pour expliquer dans quelle mesure le tempérament de l’enfant et les stratégies de contrôle parental contribuent aux habitudes médiatiques des enfants.